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Quelques avancées en accessibilité : récompenses et labels

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Cet article fait un tour d’horizon des démarches mises en place sur l’accessibilité et des prix attribués autour de ces démarches. L’internet est aujourd’hui un outil indispensable à tous et dès 1997, le W3C a mis en place deux groupes de réflexion sur l’accessibilité des sites Web pour les personnes handicapées et pour les personnes âgées. On constate à la fois une difficulté à mettre en place l’accessibilité dans tous les domaines malgré les récompenses attribuées. Du côté de l’internet, l’évolution rapide à la fois des technologies et des recommandations rend difficile l’application des recommandations pour les sites Web.

Accessibilité physique et numérique : l’accessibilité dans tous ces états

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a apporté des évolutions fondamentales pour répondre aux attentes des personnes handicapées dans cinq grands domaines : le droit à la compensation, la scolarité, l’accessibilité, l’emploi et les Maisons départementales des personnes handicapées (CNSA, 2011, 2013). La loi handicap définit les moyens de la participation des personnes handicapées à la vie de la cité. Dans le domaine de l’accessibilité, elle crée l’obligation de mise en accessibilité des bâtiments et des transports dans un délai maximum de 10 ans (2005-2015) et depuis l’Agenda d’Accessibilité Programmée (Ad’AP), elle permet à tout gestionnaire/propriétaire d’établissement recevant du public (ERP) de poursuivre ou de réaliser l’accessibilité de son établissement après le 1er janvier 2015. L’article 47 de la loi impose que : « Les services de communication publique en ligne des services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées ». L’accessibilité numérique permet à toutes les personnes quel que soit leur âge et leurs capacités à se connecter sur Internet (W3C, 2012). C’est ainsi que le rapport Fass et Alzon (2009) s’intitulait : « l’accès à Internet n’a pas d’âge ». Dès lors, l’accessibilité va intéresser tous les ministères (Figure 1) : le Ministère de la Culture, très tôt avec le développement de réflexions autour des musées dans les années 1986 et trois guides sur « Culture et handicap » (2007), « Accessibilité et spectacle vivant » (2008), « Équipements culturels et handicap mental » (2010), le Ministère du développement durable avec la Délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) dont l’objectif est de coordonner les actions du ministère dans les différents domaines concernés par l’accessibilité : transports (terrestres, maritimes et aériens), cadre bâti, voirie, espaces publics, bâtiments ou équipements recevant du public, le ministère du tourisme avec son label « Tourisme et Handicap » et le Ministère de la modernisation de l’État avec son référentiel RGAA  Le conseil de l’union européenne (2012) considère que le marché européen des produits et services associés à l’accessibilité du web est estimé à 2 milliards d’euros et pourrait être appelé à prendre une ampleur significative étant donné que moins de 10 % des sites web sont accessibles. De plus, le vieillissement de la population de l'Union peut entraîner une augmentation notable du nombre de personnes présentant des limitations fonctionnelles ou souffrant de handicaps (15 % de la population de l’UE en âge de travailler, soit 80 millions de personnes). Pourtant en 2003, le rapport Perben soulignait que les nouvelles technologies font partie de notre quotidien et constituent indéniablement des aides dans la vie de tous les jours de chacun d’entre nous montre aujourd’hui que peu de sites web sont accessibles malgré les labels. Mais, l’accessibilité ne peut se limiter à certains aspects ponctuels d’aménagement mais concerne toute « la chaine de déplacement » d’une personne handicapée, même si elle est difficile à mettre en œuvre à tous les niveaux, puisque dix ans après, on constate que sur un million d'établissements recevant du public, seulement 225 000 (1/4) sont aux normes. Les associations de personnes handicapées dénoncent ainsi l'ordonnance relative aux Ad'AP (Agendas d'Accessibilité Programmée) qui reporte les délais de mise en accessibilité des ERP (Établissements Recevant du Public) de 3 à 9 ans.

Texte alternatif pour l'image
Figure 1: Sites web de référence pour l'accessibilité

Le rapport de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle (OBIACU, 2012) organise ses travaux autour des quatre thèmes : « le cadre bâti », « la voirie et les transports », « la culture, les sports, les loisirs et le tourisme » et « les nouvelles technologies, moyens de communication et d’information ». Le rapport du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (2012) et celui du Forum Européen des personnes Handicapées (EDF, 2015) rappellent également les besoins en matière d’accessibilité des sites Web.

Promouvoir l’accessibilité : compétition entre villes, tourisme, culture mais peu encore pour les sites Web

En 2004, l'association BrailleNet avait organisé en partenariat avec Atalan, Business Interactive et la région Ile de France, un concours de création de sites Web accessibles. Son objectif était de sensibiliser les étudiants et en particulier ceux qui seront les professionnels de l'Internet de demain. Aucun projet n’a pu être primé puisqu'aucun n'obtient le label bronze. En 2006, même verdict et le jury a donc choisi de décerner un prix spécial à Sébastien Delorme (accompagné de Jérôme Mulsant) pour son blog tentatives.accessibles.fr, devenu http://www.tentatives-accessibles.eu/. Depuis ces premières initiatives de récompenses dans le domaine de l’accessibilité, on constate qu’il existe plus d’une dizaine de prix qui encouragent l’accessibilité dans de nombreux domaines, mais peu encore pour les sites Web. Nous les détaillons ci-dessous :

  • Access City Award 2015 : Le prix européen de l'accessibilité urbaine « Access City Award 2015 » dans sa 5ème édition, distingue et récompense les villes qui s'efforcent d'améliorer l'accès des personnes handicapées et âgées aux lieux publics tels que les logements, les espaces de jeu pour les enfants, les transports publics ou les technologies de communication. Quatorze villes ont déjà été récompensées. En 2013, Göteborg (Suède), Grenoble (France) et Poznań (Pologne). Mentions spéciales : Belfast (Royaume-Uni), Dresde (Allemagne), Burgos et Málaga (Espagne). En 2012 : Berlin (Allemagne), Nantes (France) et Stockholm (Suède). Mentions spéciales : Pampelune (Espagne) pour l'environnement bâti et les espaces publics, Gdynia (Pologne) pour les infrastructures de transport et apparentées, Bilbao (Espagne) pour l'information et la communication, y compris les nouvelles technologies, et Tallaght (Irlande) pour les infrastructures et services publics. En 2011 : Salzbourg (Autriche), Cracovie (Pologne), Marbourg (Allemagne) et Santander (Espagne). Mentions spéciales : Terrassa (Espagne), Ljubljana (Slovénie), Olomouc (République tchèque) et Grenoble (France). En 2010 : Ávila (Espagne), Barcelone (Espagne), Cologne (Allemagne) et Turku (Finlande).
  • e-Inclusion Awards : La Commission européenne a établi les trophées de l'e-inclusion pour sensibiliser, encourager la participation et reconnaître l'excellence et les bonnes pratiques dans l'utilisation des TIC et les technologies digitales pour lutter contre l'exclusion sociale et numérique en Europe. En 2012, I am Part of IT (Petites Organisations) Elton Kalica, Ristretto Orizzonti (Italie) et grandes Organisations, Siemon Dekelver – K-point and WAI-NOT (Belgique).   
    Be Part of IT (Petites Organisations) Storybook Dads (UK) et grandes organisations, Cibernàrium – Barcelona Activa – Local Development Agency of the Barcelona City Council  (Espagne) et Library Development, Program – Information Society Development Foundation (Pologne).        
    En 2008, Digital Literacy – Langas, Ateiti – Lithuania, e-Accessibility – Synscenter Refsnæs (Danemark), Geographic Inclusion – Kyyjärven Mediamyllarit ry (Finlande), Inclusive Public Services – Sotiria Hospital e-Health Unit (Grèce), Marginalised Young People – A-Clinic Foundation (Finlande), Ageing Well – London Borough of Newham et Cultural Diversity – Milton Keynes Council (UK).
  • Patrimoine pour tous : Le prix “ Des musées pour tous, des musées pour chacun ” initié par le Ministère de la Culture et de la Communication dès 2007, a évolué en 2011, avec le prix “ Patrimoines pour tous, patrimoines pour chacun ”. Ce prix récompense des établissements patrimoniaux (archives, musées de France, monuments historiques, villes et pays d'Art et d'Histoire) qui mettent en place une accessibilité généralisée pour les personnes en situation de handicap moteur, visuel, auditif et mental.
    - Établissements relevant des collectivités territoriales : le musée de la Lutherie et de l’Archeterie de Mirecourt et le Pont-Transbordeur de Rochefort-Echillais (2012), La Corderie royale, Centre international de la mer, à Rochefort (Poitou-Charentes) et le musée de plein air des Maisons comtoises, à Nancray (Franche-Comté) (2013).
    - Mentions spéciales : le Conseil général de Seine et Marne pour sa politique volontariste d’accueil des publics et le Musée du Quai Branly pour la qualité du dialogue avec les associations des personnes handicapées (2011), le musée départemental de la Préhistoire de Solutré (2012), le musée Toulouse-Lautrec, à Albi (Midi-Pyrénées) (2013)
    - Établissements nationaux : le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine du château de Sainte- Suzanne en Mayenne et le musée de Saint Jean d’Angély en Charente-Maritime (2011) le Palais du Tau à Reims (accessibilité muséographique) et le musée du Quai Branly à Paris (accueil et médiation, 2012), le musée de la musique, à la Cité de la musique et le musée du Louvre, à Paris (2013)
  • Collectivités accessibles : La Gazette Santé-Social et le Courrier des maires et des élus locaux, avec le soutien du site www.emploipublic-handicap.fr, organise la 3ème édition du prix des collectivités accessibles. Quatre secteurs sont concernés : Espace public-habitat, Transports-déplacements, Nouvelles technologies, Emploi. 5 catégories sont récompensées :
    - Espace Public/Habitat : Moins de 40 000 habitants : Notre Dame de Gravenchon (2011), Binic (2012) Plus de 40 000 hab. : Beauvais (2011), Chambery (2012),
    - Emploi : Plus de 40 000 hab. : Orléans (2011) Conseil Général de Seine-Saint-Denis (2012),
    - Transports/Déplacements : Moins de 40 000 hab. : Communauté de Communes de Canal-Lirou (2011) Plus de 40 000 hab. : Communauté d’agglomération du Grand Dax (2011),
    - Nouvelles Technologies : Moins de 40 000 hab. : Albertville Patrimoine (2012). Plus de 40 000 hab. : ville et CCAS de Nancy (2011), Angers Tramway (2012) et
    - Coup de Cœur du Jury : Moins de 40 000 hab. : Frouard (2011), Conflans-Sainte-Honorine (2012). Plus de 40 000 hab. : Conseil général de la Dordogne (2011), Conseil général du val de Marne(2012)
  • Trophées de l’accessibilité : Organisés par l’association "Accès pour tous" avec de nombreuses associations depuis 2010, ces trophées récompensent des attitudes, des bonnes pratiques et des réalisations exemplaires qui s’inscrivent dans la durée, provenant de multiples acteurs, mettant en valeur la chaîne des compétences de l’accessibilité universelle. En 2015, dix prix ont été attribués dans les catégories suivantes :
    - Trophée du conseil d'enfants et de jeunes : Conseil Municipal d’Enfants de Mont Saint-Martin (54) - (10-11 ans, CM2) pour son action "Le Droit à la Différence"
    - Produit accessibles à tous : Audiospot et mention spéciale pour Agence de Développement touristique de l’Hérault "Hérault Mobility"
    - Accessibilité Diversité & Vivre ensemble : Emploi, avec l’AFMD et la Revue être Handicap Information : ORANGE France (réalisation et déploiement de l’outil d’autodiagnostic d’accessibilité des lieux de travail) et Séquences Clés Productions (première et unique Entreprise Adaptée des métiers de l’audiovisuel),
    - Trophée Coup de Cœur avec le groupe de protection sociale Humanis : Baby BREIZH et l’ESAT de l’Iroise (les papillons blancs du Finistère),
    - Accessibilité Cadre de vie : Fédération Simon de Cyrène : des maisons partagées pour personnes handicapées et valides : alternative à la vie en institution,
    - Tourisme et Handicap : Refuge du Sotré (réhabilitation d’un refuge pour que la montagne soit accessible à tous, 2015) et Château des ducs de Bretagne - Musée d’histoire de Nantes,
    - Trophée d'honneur : Le Conseil Départemental du Bas-Rhin,
    - Accessibilité Diversité & Vivre ensemble: UMEN - Univers Montagne Esprit Nature : la Montagne et la Campagne pour Tous,
    - Prix spécial Accès Pour Tous à la Culture en partenariat avec le CRTH (Centre Recherche Théâtre Handicap) : QUEST’HANDI,
    - Trophée de l’accessibilité décerné par le Conseil de L’Europe :la ville de Sofia – Bulgarie, pour son métro 100 % accessible.
  • Label "Tourisme et Handicap" : Cette association œuvre pour l’accès aux loisirs, à la culture, aux vacances et au tourisme des personnes en situation de handicap. Créé en 2001, le Label «Tourisme & Handicap» a pour objectif d’apporter une information fiable, descriptive et objective de l’accessibilité des sites et équipements touristiques en tenant compte des 4 types de handicaps (moteur, mental, auditif et visuel) et de développer une offre touristique adaptée. En 2002 : 6% des structures labellisées se voyaient attribuer le label pour les 4 handicaps et en 2014, elles sont 34%.
    - Pictogramme auditif garantit une acoustique de qualité. Un outil d’aide à l’audition (amplification et transmission de sons) est à disposition dans les lieux d’informations et de médiation. La mise en sécurité est assurée (système de flash lorsqu’il existe une alarme sonore). Les informations sonores sont sous-titrées ou présentées sous format écrit. Dans quelques lieux, le personnel a entrepris une initiation à la Langue des Signes Française.
    - Pictogramme mental permet de repérer facilement les lieux qui proposent un accueil, un accompagnement et des prestations adaptés. Il est garanti une qualité d’écoute et d’accueil par du personnel sensibilisé au handicap mental, la mise à disposition d’informations simplifiées, l’adaptation des visites et des prestations, et une signalétique simple pour se repérer facilement. Le pictogramme est utile pour être rassuré et oser s’exprimer et demander des informations.
    - Pictogramme moteur garantit un accès en autonomie depuis le parking de l’établissement jusqu’à l’issue de secours. Les critères principaux sont des portes larges (au moins 77 cm de passage utile), des pentes douces et aménagées, sol non meuble et non glissant, des espaces de manœuvre et des espaces d’usage au minimum dans la chambre, la salle de bains, les sanitaires, des passages sous lavabo, sous tables, sous comptoirs d’accueil supérieurs à 70 cm. Les douches sont à l’italienne. Le prestataire apporte son aide pour toute demande spécifique.
    - Pictogramme visuel garantit un éclairage bien maîtrisé (sans contre-jour, sans zone d’éblouissement, sans pénombre). Les éléments méritant d’être repérés sont contrastés (poignées de porte, interrupteurs…). Les informations et documents sont présentés en divers formats, grands caractères et braille. Des aides au déplacement (bandes rugueuses, bandes podotactiles, bande d’éveil de vigilance, mains courantes) sont installées pour préserver la sécurité. Exemple à Bordeaux : L'Office de Tourisme de Bordeaux ainsi que son antenne gare Saint-Jean sont labellisés pour les 4 types de handicaps principaux : moteur, visuel, mental, auditif. Également pour deux types de handicap : Cap Sciences, Jardin botanique de Bordeaux Bastide, Musée d'Aquitaine, Musée des beaux-Arts, Musée national des Douanes.
  • Label "Destination pour tous" : Lancé en 2013 conjointement par les ministères en charge des personnes handicapées et du tourisme, il est attribué pour une durée de 3 ans. L'objectif du label Destination pour tous est de valoriser des territoires proposant une offre touristique cohérente et globale pour les personnes handicapées, intégrant à la fois l'accessibilité des sites et des activités touristiques, mais aussi l'accessibilité des autres aspects de la vie quotidienne et facilitant les déplacements sur le territoire concerné. Le 1er label "Destination pour tous" a été attribué à la ville de Bordeaux pour une durée de trois ans pour l'accueil des personnes en situation de déficience   mentale ou motrice (2014 2017).
  • Trophées OCIRP Acteurs Économiques & Handicap : Ce prix été créé par l'OCIRP (Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance) et ses partenaires pour valoriser les actions des acteurs économiques qui œuvrent pour l'insertion sociale des personnes en situation de handicap. En 2014; la 7ème édition a récompensé 9 personnes : Prix « accompagnement personnalisé » : Consultants en réadaptation (Québec), Prix « citoyenneté » : Collège Marie Mauron du Pertuis (Vaucluse), Prix « communication & sensibilisation » : Designers+ (Rhône-Alpes), Prix « innovations technologiques » : Dowino (Villeurbanne), Prix « insertion & maintien dans l'emploi » : Siemens (Saint-Denis), Prix « parcours scolaire et enseignement » : Le complexe Edmond Albius (Île de la Réunion), Prix « sports, cultures et loisirs » : Centre de recherche Théâtre Handicap (Paris), Prix « vie affective et sexualité » : Le Rex Meulen (Dunkerque), Prix « coup de cœur du jury » : Les Papillons blancs (Dunkerque). Notons que le projet AcceDe Web (Atalan) a obtenu le prix en 2013. Ce site propose des recommandations intéressantes en matière d'accessibilité Web.
  • Espaces bienveillants à l’accessibilité pour tous : Le 1er prix en 2015, sera organisé par l'Union internationale des Architectes (UIA) pour commémorer le fait que l'excellence en architecture est accessible à tous et respecter les principes de la conception universelle. Il sera attribué à des projets achevés qui ont créé un environnement bâti attractif, inclusif et durable.
  • Lauréats des Belles Pratiques et des bons usages en matière d'accessibilité de la cité : Ce document est réalisé conjointement par le Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'énergie et le Ministère  du Logement et de l'Égalité des Territoires, mais que pour ERP, Logement, Voirie et Transport.
    Outre les prix, rappelons que certaines associations se sont regroupées autour de l'accessibilité telle que "jaccede.com" qui, depuis 2006, élabore un guide collaboratif des "bonnes adresses accessibles". Alimenté par ses utilisateurs, ce guide permet de recenser 73236 lieux par niveaux d’accessibilité et permet d’aider les personnes à mobilité réduite à mieux gérer leurs déplacements. De même, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, un baromètre de l'accessibilité auprès des villes de plus de 5000 habitants a été réalisé par le collectif Handi64[1] en 2014.

Conclusion : des avancées à poursuivre

Tous ces prix permettent d’encourager et d’interpeller les acteurs de la société dans tous les domaines de l’accessibilité (OBIACU, 2012). Le concept de « chaine de déplacement » est aujourd’hui utilisé pour une offre plus inclusive et cohérente comme le récent label « Destination pour tous ». Dans le domaine de l’internet, les récompenses restent rares et seuls les labels, encore difficiles à mettre en place, ne permettent pas de maintenir une accessibilité optimale, d’autant que les contextes technologiques évoluent très vite. De plus, on a constaté à partir de la synthèse des dix prix, qu’il en existait peu pour le Web, alors qu’Internet est un outil indispensable utilisé par tous. La démarche utilisée pour rendre un site Web accessible reste aujourd’hui dans les mains de spécialistes de l’informatique qui essaient de développer des sites aux normes W3C, expliquées par l’association Braillenet sous le terme « AccessiWeb » et reformulé par dans le RGAA 3.0. Cette troisième version est issue des travaux de capitalisation sur le référentiel AccessiWeb HTML5/ARIA et des appels à commentaires qui ont eu lieu durant l'année 2014. Cette version, officialisée par la publication de l'arrêté du 29 avril 2015 suite à la validation de ce référentiel par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH, 2012) et ses partenaires, reste à l’usage de spécialistes de l’accessibilité. Les critères sont nombreux et évolutifs en fonction des technologies. Ainsi seuls les labels W3C, AccessiWeb et RGAA sont mis en place mais restent difficiles à obtenir, compte tenu de la difficulté à comprendre la logique entre ces trois organismes, la complexité à mettre en œuvre des 180 critères et du manque de formation dans les cursus universitaires. Quelquefois, le retour à la version originale semble plus simple. Néanmoins, une avancée de l’accessibilité dans tous les domaines (MDPH, 2012) montre que les progrès sont visibles et que la société a changé son regard pour inclure toutes les personnes (Commission Européenne, 2004). Ainsi les personnes plus faibles nous obligent à mieux concevoir les objets et les situations. Mais il faut continuer à progresser car comme le souligne le rapport Campion (2013), la société sera-t-elle dans l'impossibilité de satisfaire aux obligations qu'elle s'est imposée par la loi ?

[1] Ce collectif est composé de 10 associations : Signes Libres, APF, AVH, Handisport, Handiplage, Maison des Sourds, APAJH, UNAFAM, Fraternelle des Aveugles et AFM Téléthon.

Références bibliographiques

Campion Claire-Lise (2013). Réussir 2015 Accessibilité des personnes handicapées au logement, aux établissements recevant du public, aux transports, à la voirie et aux espaces publics, 112 p.,

CNCPH (2012). Rapport du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées

CNSA (2011). MDPH : 5 ans déjà ! Synthèse des rapports d’activité 2010 des maisons départementales des personnes handicapées

CNSA (2013). MDPH : Une adaptation continue Synthèse des rapports d’activité 2012 des MDPH,

Commission européenne (2004), Rapport conjoint sur l'inclusion sociale, Direction générale de l’emploi et des affaires sociales, Sécurité sociale et insertion sociale Unité E.2

Conseil de l’Union Européenne (2012). Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'accessibilité des sites web d'organismes du secteur public, COM 2012 (721)

EDF European Disability Forum (2015), EDF's 2nd position paper on the proposal for a web accessibility directive

FASS Didier et ALZON B. (2009). L’accès à l’internet n’a pas d’âge, Renaissance Numérique, Livre blanc de la commission seniors, 47 p.,

OBIACU (2012). Rapport de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle

W3C® (MIT, ERCIM, Keio). 2012. How People with Disabilities Use the Web. Shadi Abou-Zahra, ed.


« Pourquoi la bibliothèque ? »

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La mission Marketing de la bibliothèque de Sciences Po Paris a mené en 2014/15 un nombre varié d’enquêtes, d’études et d’observations. Cette synthèse centrée sur les usages et la perception des bibliothèques des 27 et 30 rue Saint-Guillaume présente les grands résultats de ces travaux, illustrés des verbatims collectés en focus group ou en commentaires d’enquêtes.

Ont été menées au cours de cette dernière année universitaire :

  • 1 enquête Libqual+ (1407 réponses)
  • 2 Semaines test de la consultation (nov. 14 et fév. 15)
  • 1 enquête d’observation « Sweeping the Library » (2407 observations sur 9 mois)
  • 2 enquêtes minute sur Internet sur l’extension des horaires à 23 heures (1428 et 1429 réponses)
  • 1 focus group auprès des étudiants en Master sur les collections
  • 1 enquête par questionnaire pilotés dans le cadre d’un projet tutoré (100 réponses)

Que nous disent les enquêtes des usages de nos lecteurs en matière de collections et d’espaces ? Cette synthèse présente les grands enseignements que l’on peut tirer de l’interrogation et de l’observation des usagers de la bibliothèque de Sciences Po Paris qui font écho aux publications récentes décrivant les usages en bibliothèque universitaire et l’évolution des pratiques des étudiants en Europe ou en Amérique-du-Nord. A Sciences Po Paris, comme dans d’autres bibliothèques universitaires, les étudiants « rentabilisent » leur temps de façon à faire face le plus efficacement possible aux exigences pédagogiques dans un contexte de très forte pression du calendrier universitaire. Formés sans doute à la recherche documentaire au travers de l’usage intensif des moteurs de recherche type Google, les étudiants issus des générations que l’on a pu qualifier de « digital natives » privilégient l’obtention immédiate, facile et en plein texte de la documentation recherchée. Conséquence directe ou indirecte de cette pratique, les collections imprimées sont de plus en plus délaissées au profit des ressources numériques pour leur facilité d’accès (n’importe où, n’importe quand), la possibilité qu’elles offrent d’être sauvegardées localement, et sans doute, l’intérêt que peut présenter un feuilletage rapide grâce à l’outil de recherche en texte intégral, de la copie et de la sauvegarde d’extraits du contenu[1].

 « La bibliothèque est indissociable /…/ de ses collections, ses espaces, ses publics et son ambiance : c’est un tout qui fait sens, quand bien même l’usage des collections et ressources est pour certains assez limité, voire inexistant »[2]

 

Les étudiants de Master de Sciences Po Paris rencontrés lors du Focus Group organisé en avril 2015 ont déclaré que l’ambiance studieuse de la bibliothèque était un élément déterminant dans leur fréquentation (plus que les livres) : ce qu’ils cherchent avant tout, c’est « un endroit calme pour travailler ».

« Du coup, c’est moins les livres que l’espace de travail, le fait qu’autour, les gens travaillent, qui est important. C’est l’ambiance. Les livres, ça peut arriver quand j’en ai besoin. Mais je ne viens pas pour ça. Je viens vraiment pour trouver un endroit calme pour travailler. »[3]

« Le fait qu’autour, les gens travaillent » est un argument très fort qui est souvent cité dans les enquêtes qualitatives menées auprès des publics étudiants des bibliothèques. Ainsi dans l’étude qui avait été faite par Corentin Roquebert auprès des lycéens qui venaient travailler en Haut-de-Jardin à la BnF, on lisait :

« Globalement, les lycéens déclarent aimer la BnF parce qu’ils y trouvent avant tout un « espace de travail » avec une « ambiance de travail », « sans distraction » : on retrouve alors bien les analyses classiques de la bibliothèque comme lieu contraint. C’est ce registre qui est le plus souvent invoqué pour expliquer le fait de venir réviser dans ce type d’espace plutôt que chez soi :

« Bah… chez moi il y a plein de trucs qui vont faire en sorte que je vais arrêter de travailler. La télé, l’ordi, les jeux vidéo, tout ça quoi… Ici, les conditions sont optimales ».

La bibliothèque offre donc un cadre de travail efficace pour lutter contre les « tentations » – autre mot souvent employé par les lycéens, qui s’incarnent dans tout ce qui est numérique – ici la télévision, l’ordinateur ou les jeux vidéo, mais également plus spécifiquement Facebook ou le téléphone portable. Ces deux dernières activités peuvent être pratiquées au sein de la bibliothèque, mais celle-ci, en tant que « lieu culturel ordonné et réglé »[4], permet aux lycéens de s’imposer une discipline, de se conformer à ce qu’ils perçoivent comme les normes en vigueur dans la bibliothèque »[5]

« Espaces de connexion, les bibliothèques contemporaines sont donc également appréciées pour les possibilités de déconnexion qu’elles autorisent »[6]

 

Il est important de garder en mémoire qu’une part non négligeable d’étudiants a besoin de s’isoler pour travailler. La bibliothèque est  appréciée aussi pour son règlement.

“I hope the library can be more quiet during both the regular opening hours and the extended opening hours so that we can actually profit from staying in the library to study. Sometimes the library is too noisy but nobody is regulating and thus it is so hard to concentrate even when i am in the library”.

“Library also needs more enforcement of rules.  People speak too loud, no library etiquette”.  [7]

Dans ces conditions, les camarades bruyants, ceux qui « squattent » les places des heures en laissant leurs affaires sont vivement critiqués. Les commentaires évoquant les « places fantômes » sont toujours présents, quel que soit le sujet de l’enquête.

« Pas assez de places assises à la bibliothèque. Pas assez d'endroits qui permettent de travailler en groupe. Trop peu de discipline: personnes qui discutent, qui laissent leurs affaires pour réserver des places pendant plusieurs heures parfois... »[8]

« La disponibilité des places occupées abusivement par des papiers et non par des personnes en journée est un casse-tête pour tout élève.   Ne serait-il pas possible d'installer un chronomètre par exemple de 20min sur les ordinateurs qui se mettent en veille et autoriser à déplacer les affaires de la personne occupant l'espace abusivement. »[9]

Ce que l’on recherche avant tout est un lieu contraint dont l’ambiance feutrée incite au travail …

« Pourquoi je viens à la bibliothèque ? C’est plutôt,  pour travailler, parce que j’ai plus d’inhibition que chez moi, donc je ne peux pas faire n’importe quoi »[10]

C’est également un enseignement de la récente enquête d’observation des usages « Sweeping the Library » menée au cours du premier semestre 2014 : 66% des 2400 étudiants observés étaient engagés dans  des activités scolaires/académiques. Les 375 étudiants engagés dans une activité « privée-ludique » plus souvent que le reste de la population téléphonaient (42/375), dormaient (21/375), avaient un smartphone (45/375), étaient dans le sas d’entrée, dans les escaliers ou encore dans les fauteuils rouges du 27, consultaient Facebook (88/375) ou Youtube (14/375).

La bibliothèque est avant tout un lieu d’étude, de révision, d’apprentissage (un « learning centre ») : 84,5% sont installés pour travailler seuls ; 35,8% des étudiants observés étaient en train de lire ; 33% utilisaient un ordinateur pour consulter des ressources ; 19,8% prenaient des notes ; 19,2% rédigeaient une note ou un document. Bien entendu, ces activités académiques pouvaient être pratiquées en même temps qu’ils utilisaient leur smartphone sans téléphoner (8,8%), ou consulter des ressources non scolaires sur internet (Facebook : 6% des lecteurs observés). Cette génération est le plus souvent « en régime de polyactivité et de sociabilité importante »[11]

93% des étudiants observés étaient engagés dans une activité non bruyante ; moins d’un tiers (31,7%) n’avait pas d’ordinateur devant eux.

Plus la bibliothèque est saturée, plus les usagers occupent l’ensemble des espaces et du mobilier offerts.   Par défaut, et en premier choix, ils utilisent les tables collectives et individuelles.  Le mobilier plus confortable n’est largement utilisé qu’aux moments de saturation. Hors des périodes d’affluence, l’usage des mobiliers confortables reste minoritaire et réservé aux activités de loisirs.

C’est donc un usage très convenu des espaces que font les étudiants observés dans les bibliothèques des 27 et 30 rue Saint-Guillaume, respectant, dans l’énorme majorité des cas, la norme du silence imposée par la pression des camarades installés pour travailler.

Accès facile aux facilities

Lorsqu’on a interrogé[12] les étudiants de Sciences Po sur les raisons de leur fréquentation c’est d’abord l’usage des locaux (93% des CU et 75,4% des Masters déclarent venir au moins une fois par  semaine pour « travailler au calme, sans forcément consulter d’ouvrages » ) et des équipements mis à leur disposition (77,4 des CU et 61,4% des Masters disent venir au moins une fois par semaine pour utiliser les imprimantes; 61 et 56% pour utiliser les ordinateurs de la bibliothèque) qui sont cités .

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Raisons de la fréquentation de la bibliothèque par les étudiants

L’usage des collections électroniques et imprimées ne vient qu’ensuite par ordre de fréquence : 4 à 5 étudiants sur 10 utilisent au moins une fois par semaine les RE (sur place ou à la maison : particulièrement pour les Masters) ; quand 1,5 à 3 empruntent ; et 2 à 3 consultent sur place.

Cette hiérarchie des usages, et donc des besoins, se retrouve dans l’expression des besoins qui a été collectée au travers de l’enquête Libqual+ menée en avril 2014 ayant permis de collecter 1400 réponses. Alors qu’ils étaient invités à exprimer non seulement leur satisfaction, mais aussi leur niveau d’attente (niveau minimum attendu et niveau idéal désiré)  sur un certain nombre de services, ce sont les questions relatives aux locaux, et aux « facilities » qui obtiennent, globalement,  le niveau d’attente le plus haut, devancé, soulignons-le par la disponibilité depuis chez soi des RE (pour les masters et doctorant), puis les ressources imprimées et enfin les questions relatives au personnel et à la formation qui arrivent en queue des attentes.

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Classement des réponses Libqual 2014 pour les sous populations de 1er et 2ème cycles

Gérer au mieux le peu de temps dont ils disposent pour … répondre aux exigences académiques… et donc trouver une place à tout prix

Le titre de ce chapitre résume ce que nous ont indiqué les étudiants de Masters rencontrés au cours d’un focus group. La pression des travaux à rendre est telle que l’impératif, lorsque l’on vient en bibliothèque, est de rentabiliser son temps.

Le fait que la bibliothèque soit souvent saturée, ce qui génère une perte de temps à trouver une place, est un réel souci.

« La priorité reste d'ouvrir plus de places entre midi et 18h. Impossible d'en trouver une la plupart du temps, obligation d'aller travailler dans une autre BU (perte de temps) ou dans un café. Il serait au moins intéressant d'indiquer s’il y a des salles disponibles pour travailler. »[13]

« Le manque de place permanent de la bibliothèque est un réel handicap à toute étude. La perte de temps pour trouver un place est énorme, il y a parfois besoin de parcourir tous les étages de la bibliothèque plus de trois fois avant de trouver enfin une place. Sans place assise et un bureau, comment travailler correctement ? »[14]

Quoi lire, comment lire ?

Dans ces conditions, comment organiser ses lectures, activité par essence chronophage :

« On ne peut pas tout lire. Ou alors, on survole. A tel point qu’il y a des professeurs
qui nous disent : faites des rondes de fiches »[15].

« On a trop de cours pour trop de lectures. On a trois lectures par cours, et 7-8 cours par semaine »[16]

L’évolution récente du prêt répond donc à plusieurs facteurs : tendance à la baisse générale de la lecture d’imprimé dans l’univers académique ; tendance à la réduction du calendrier scolaire et pression plus forte sur les étudiants à Sciences Po.

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Evolution des prêts (volumétrie totale) et du nombre de prêts par lecteur (2009/14).

« Concernant les bibliographies, souvent la bibliographie du cours qu’on a au début, avec le syllabus
c’est une bibliographie dans laquelle on va peut-être acheter un ouvrage si c’est un cours important.
Le reste, on le regardera à peine, et on le regardera uniquement quand on aura à faire un exposé ».

Les étudiants nous ont dit travailler à la dernière minute sur la préparation d’un exposé, d’un paper, car c’est tout le temps dont ils disposent, la minute précédente (si l’on peut dire), ils avaient un autre travail à rendre. De ce fait, leur lecture des ouvrages est très superficielle ou fragmentaire :

« Je préfèrerais avoir beaucoup plus de livres en magasin, je pense, pour pouvoir les prendre. Peut-être que ce n’est pas évident de les prendre pour un mois. Il y a très peu de cas où les gens travaillent vraiment un mois sur un livre. Il faut être réaliste concernant la fréquence des travaux à Science Po. Quand je dois faire cinq dissertations par semaine, je ne vais pas passer 25 jours pour faire une dissertation ! Il y a des moments, c’est la veille, et des moments, c’est deux semaines avant, ça dépend du sujet. Peut-être que vous disposez aussi des statistiques de fréquence de consultation des livres. Il y a des livres magasin que je prends. L’accueil de la bibliothèque me dit : c’est pour un mois ? Dans ma tête, je me dis : j’espère que je n’aurai pas besoin d’un mois ».

Pour ce qui concerne la consultation sur place des ouvrages en accès direct (XX volumes au 30 et XX au 27), elle est largement tributaire de la place disponible à proximité des collections :

« La consultation sur place, c’est aussi des habitudes qu’on prend. On prend l’habitude de ne pas pouvoir consulter sur place parce qu’on sait qu’il ne va pas y avoir de place. »[17]

Ce problème entre certainement en ligne de compte dans la baisse de la consultation sur place mesurée dans les dernières semaines test de la consultation (en bleu dans le graphique ci-dessous). Les collections en accès direct (L3) arrivent à maintenir leur volume de prêts quand la consultation sur place mesurée lors des semaines test s’effondre …

Le volume de la consultation correspondait en 2011 à 44% du prêt total (quand 10 documents sont empruntés dans toute la bibliothèque, 4 sont consultés en salle dans le même temps, c’était 7 les années précédentes). En 2013, on passe à 5, puis à 2,8 (plancher) pour remonter à 3,9 livres consultés pour 10 empruntés. Dans le même temps, le volume des prêts pendant la ST est passé de 6552 à 4586 (et de 2872 à 2500 pour les seuls ouvrages empruntables de l’accès direct).

Il faut donc autant (sinon plus) penser les collections en accès direct pour le prêt que pour la consultation ou bien mettre plus de collections susceptibles d’être consultées en accès direct (manuels) pour redescendre en magasin celles qui sont plus souvent empruntées. 

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Evolution de la consultation sur place rapportée à un indice 100 en 2011, ainsi que du prêt des ouvrages en libre accès (L3) et de l’ensemble des prêts mesurés lors des semaines test.

La répartition des collections par salle révèle une très forte augmentation des consultations au 1er et 2ème du 27SG au détriment des collections du 30, particulièrement en 3003.

« Du coup, je fais ma vie à la bibliothèque. Mais je ne suis jamais à côté des collections qui m’intéressent. La plupart du temps, si j’ai besoin de quelque chose, je vais l’emprunter et ensuite, je vais travailler où je trouve de la place »[18]

Les dernières semaines test (qui sont conduites au moins une fois par an) ont montré que les consultations se resserrent sur certains domaines, sur des collections plus récentes : depuis la semaine test de 2011, on constate un rajeunissement de l’âge moyen des collections consultées qui, en moyenne, passe de 10 ans à 7 ans lors de la dernière observation[19]. Par ailleurs, on mesure une part de consultation en anglais en lente mais constante augmentation.

"Convenience Is Crucial Factor in Information-seeking Behavior”

Comme il était écrit dans un rapport récent de l’OCLC [20], il est déterminant pour l’étudiant d’aujourd’hui de trouver l’information qu’il recherche de façon rapide, pratique  et quasi immédiate :

« Regardless of age or experience, academic discipline, or context of the information need, speed and convenience are important to users.

  • Researchers particularly appreciate desktop access to scholarly content.
  • Users also appreciate the convenience of electronic access over the physical library.»(16)

Ce constat trouve un écho dans ce que nous ont témoigné les étudiants de master avec lesquels nous avons pu discuter.

"Je privilégie l’accès en ligne plutôt. Je préfère lire sur papier, mais en ligne, ça m’assure de savoir où il est. Du coup, une fois chez moi, je peux le retrouver facilement."[21]

« Les articles de périodiques, je vais plutôt les regarder en ligne parce que c’est plus simple à annoter
En droit, généralement, quand j’ai besoin d’un article en ligne, c’est plutôt pour ma formation commune ».[22]

A ce choix pour le « en ligne », pour des critères d’efficacité, facilité d’annotation, facilité de localisation depuis n’importe quel ordinateur, s’ajoute le fait que de nombreux enseignants mettent à disposition de leurs étudiants des chapitres scannés qui correspondent à leur enseignement.

« La moitié de mes professeurs a mis le support bibliographique sur le Moodle, ou ils nous envoient
ça directement par mail. Des scans la plupart du temps ».[23]

L’évolution de l’usage des ressources électroniques et de la consultation des ebooks doit être affinée.

Confirmant l’observation du point précédent, l’enquête Libqual+ menée depuis 2009 a permis de mesurer (sur une base déclarative auprès d’environ 1500 répondants pour chacune des 3 éditions) la baisse de la consultation quotidienne des ressources sur place (dans la bibliothèque) par les étudiants du Collège universitaire (passant de 34% d’usage quotidien en 2009 à 22% en 2014 (pour 661 déclarants), ainsi que la consultation hebdomadaire (baisse de 57 à 52%) pour une consultation mensuelle en hausse (de 7 à 16%). Ceux qui déclarent ne les consulter que quelques fois par an passent de 2 à 9 % ! Pour la population des masters et doctorants la baisse est comparable pour la consultation quotidienne (passant de 30 puis 36 à 25% à lors de la dernière enquête de 2014 (647 déclarants).

Dans le même temps, les déclarations relatives à la fréquence de consultation par Internet des ressources de la bibliothèque augmentent dans les deux catégories de sous-populations (passant de 21 à 34% chez les étudiants du collège universitaire en 5 ans et de 31 à 36% chez les étudiants en master et doctorat).

Retenons donc que les répondants du collège universitaire étaient en 2009 91% à déclarer consulter sur place les ressources de la bibliothèque au moins une fois par semaine, ils ne sont plus que 74% en 2014. Pour les masters et doctorants, on est passé de 83 à 75%.

Dans le même temps, les répondants du collège universitaire étaient, en 2009, 80% à déclarer consulter via Internet les ressources de la bibliothèque au moins une fois par semaine, ils sont 84% en 2014. Pour les masters et doctorants, on est passé de 82 à 84%.

La consultation des ressources de la bibliothèque qui se faisait d’abord sur place en 2009, se fait d’abord via internet en 2014.

Conclusion

Ces différentes études nous poussent à conclure que les étudiants doivent pouvoir évoluer d’un usage très studieux et silencieux à un espace de travail en groupe  permettant de créer des communautés d’apprenants à un usage ludique et bruyant : un lieu de sociabilité.  La bibliothèque devrait  permettre de distinguer ces zones.

Cependant, la priorité, des étudiants à Sciences Po, ce sont les places de travail dans le contexte d’une très forte pression académique sur un nombre réduit de semaines.

Le travail sur les collections, leur offre, leur valorisation, l’équilibre entre collections imprimées et collections électroniques doit être approfondi et évalué dans la durée, en fonction des publics, et de l’évolution des parcours pédagogiques, ce qui rend la tâche très ardue.

Les étudiants continuent à trouver un intérêt majeur à la fréquentation de leur bibliothèque universitaire comme l’écrit, à l’issue d’une étude, Heather V. Cunningham[24] « The continuing preferences of students for library space can be examined in the light of a hierarchy of needs made up of layers of access and linkages, of uses and activities, of sociability, and of comfort and image. A space which combines attributes from all four levels is an ideal learning space.” L’article évoque la “désirabilité” de la bibliothèque pour les étudiants dans la mesure où elle réunit les caractéristiques suivantes : le socle de l’attractivité est d’abordla situation de la bibliothèque au cœur du campus[25] ; le fait qu’elle soit un lieu de réseau – certaines disent un « hub » - (ou de mise en contact physique ou virtuel) et le lieu où la collection et l’information sont disponibles (si ce n’est pas aujourd’hui, on sait qu’elle est là pour le moment nécessaire). Viennent ensuite les usages et les activités qu’elle offre ou permet ; la sociabilité ; le confort et l’image du lieu. Il est à noter que l’ambiance studieuse et silencieuse des bibliothèques est plébiscitée par cette génération d’étudiants saturée de sollicitations diverses qui trouve là un lieu propice au travail grâce aussi à l’émulation des pairs au travail.

Méthodologie

Enquêtes « Sweeping the library » : Enquête d’observation de 2400 étudiants menées dans les bibliothèques du 30 et 27RSG de fev. A sept. 2014

Semaines Test de la consultation : Menées à la bibliothèque de Sciences Po en une semaine test lors des années 2007,9, 11, 13, 14 et du 9 au 14 février 2015, portant sur l’ensemble des documents imprimés consultés en salle de lecture.

Focus group : Groupe de discussion réunissant 7 étudiants de master en avril 2015 débattant d’un guide d’entretien organisé autour de la thématique des collections

« Projet tutoré » : Enquête réalisée par 5 étudiants de la Licence Professionnelle Métiers du livre : documentation et bibliothèques de l’IUT Paris descartes auprès de 100 étudiants rencontrés dans le petit Hall en mai 2015 portant sur les questions de l’usage de la bibliothèque et de ses collections.

Enquête Libqual + : Enquête pilotée par l’ARL, menée à Sciences po en 2009, 2011 et 2014. La dernière édition menée en avril 2014 a recueilli 1487 réponses valides /  84,6% ont répondu en français (et 229 en anglais) /  88% des répondants sont étudiants /  81% des répondants fréquentent les bibliothèques du campus parisien /  713 commentaires (48% des répondants).

Enquête minute sur les horaires : Enquêtes menées à 4 reprises lors de l’élargissement des horaires de la bibliothèque portant sur l’usage et l’appréciation de cette mesure.  Déc. 2013 (553 Réponses) ; Avril 2014 (840 Réponses) ; Dec. 14 (1428 Réponses) ;  Avril 2015 (1429 Réponses).

 

[1] Ces dernières remarques sont des extrapolations qu’il nous reste à vérifier au travers d’enquêtes à venir.

[2] Christophe Evans, « Actualités et inactualités des bibliothèques au XXIème siècle », Le Débat, 2012. 

[3] Extrait Focus master

[4] Christophe Evans, « Actualités et inactualités des bibliothèques au XXIème siècle », Le Débat, 2012. 

[5] Roquebert, Corentin. Les lycéens, le bac et la BnF : Enquête sur les usagers lycéens à la Bibliothèque nationale de France.

[6] Christophe Evans, « Actualités et inactualités des bibliothèques au XXIème siècle », Le Débat, 2012. 

[7] Extrait Focus master

[8] Commentaire Libqual

[9] Commentaire Enquête Horaires, avril 2015

[10] Extrait Focus master

[11] Octobre, Sylvie

[12] Enquête « Projet tuteuré » auprès de 100 étudiants rencontrés dans le Petit Hall.

[13] Extrait Focus master

[14] Commentaire Libqual, étudiante 3A

[15] Extrait Focus master

[16] Ibid.

[17] Extrait Focus master

[18] Ibid.

[19] Consultation proportionnellement plus forte d’ouvrages de moins de 2 ans en 2702 ; 2704 et 3003 ; Consultation proportionnellement plus forte d’ouvrages de 5 à 10 ans en 2700, 2703 ; Les collections les plus anciennes sont plus souvent consultées en 3002 et 2705.

[20] The Digital Information Seeker Report of findings from selected OCLC, RIN and JISC user behaviour projects.

[21] Extrait Focus master

[22] Ibid.

[23] Ibid.

[24] CUNNINGHAM, Heather V.; TABUR, Susanne. Learning space attributes: reflections on academic library design and its use. Journal of Learning Spaces, [S.l.], v. 1, n. 2, jun. 2012. ISSN 21586195. Available at: <http://libjournal.uncg.edu/index.php/jls/article/view/392>. Date accessed: 06 Mar. 2015.

[25] « The most basic characteristic is access and linkages at the bottom of the pyramid. Once this attribute meets the primary pragmatic needs of students, they will then look to see if the space also meets their ascending needs of varied learning and social activities”. Ibid.

La grande collecte d'Harvard :

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Affiches, articles, photos, vidéos, blogs, tweets, pages facebook, tracts, dessins… Protéiformes, les réactions à l’attaque de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, fleurirent partout : dans la rue et sur internet, en France et à l’étranger. Et si tous ces témoignages pouvaient intéresser les chercheurs dans un futur proche ou lointain? L’Université d’Harvard en est persuadée. Sa bibliothèque[1] lance ainsi un grand appel à contributeurs pour collecter ces matériaux, quels que soient leurs formes, leurs supports et les opinions de leurs auteurs.

La genèse du projet

Ce projet est né d’un travail collaboratif entre le département de langues et littératures romanes de l’Université et la bibliothèque, sous l’impulsion de Virginie Greene. La directrice du Département, également professeur de littérature française, avait déjà commencé à collecter des pancartes et des témoignages sur un blog. La bibliothèque d’Harvard s’est très rapidement associée à ce projet, portée par l’enthousiasme de Lidia Uziel, responsable de la Western Language Division (WLD) [2]  du Département des collections de la Widener Library. Le contexte s’y prêtait : parallèlement la bibliothèque venait de lancer un ambitieux projet d’archivage du web et le WLD refondait sa politique documentaire en réduisant le cloisonnement des acquisitions par support. Tout collecter était ainsi facilité. La bibliothèque d’Harvard pouvait désormais lancer ses filets.

La démarche

Un site internet a été créé pour expliquer la démarche et faciliter la collecte. Il contient notamment un formulaire de contribution. Son adresse est : http://library.harvard.edu/charlie. Il est relayé sur internet dans l’espoir de pouvoir susciter l’intérêt du grand public. Pour le moment, l’accueil sur les réseaux sociaux est plutôt positif. Les contributeurs potentiels peuvent également contacter directement l’équipe responsable de ce projet : charliearchive@fas.harvard.edu. Il faut faire vite pour éviter que certains documents ne disparaissent.

Mais il ne s’agit pas de faire cavalier seul. La bibliothèque d’Harvard cherche également à nouer des partenariats. Des archives et des bibliothèques en France ont, en effet, peut-être déjà collecté de tels matériaux et pourraient être intéressées par une association avec la bibliothèque d’Harvard.

Faire circuler l’information et prendre contact avec ces organismes constituent la première étape de ce projet. Ensuite lorsque la collecte sera terminée, il s’agira de trier, d’organiser et bien entendu de cataloguer. Puis viendra la période de la valorisation avec notamment l’organisation d’expositions virtuelles. Ce fonds sera accessible à la communauté scientifique internationale et permettra, si la collecte atteint ses objectifs, de documenter les événements de janvier 2015.

A vous de jouer !

Aujourd’hui la grande collecte d’Harvard n’est encore qu’à ses balbutiements. Son succès repose sur les bonnes volontés, toute contribution et aide pour faire circuler l’information sont ainsi les bienvenues !

 

[1] Et plus particulièrement la Widener Library, la bibliothèque de lettres et de sciences humaines d’Harvard.
[2] La Division des langues occidentales.

@Bibli : les bibliothèques françaises et internationales et Twitter

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L’étude réalisée en 2014/2015 dans le cadre d’un Executive Master Communication à Sciences Po [1] cherche à comprendre dans quelle mesure les bibliothèques, et plus particulièrement les BU, se sont  appropriées Twitter et si l’outil a changé leur manière non seulement de communiquer, mais plus généralement leur façon d’exercer leurs compétences/cœur de métier dans un contexte informationnel profondément changé par l’accès facile à une information pléthorique en ligne.

Une enquête a permis de réunir 48 réponses de 32 bibliothèques françaises et 16 internationales en avril 2014, nous avons observé 21 comptes au cours du mois d’octobre 2015 et  14 professionnels de l’information nous ont accordé des entretiens.

En comparant les fils Twitter des bibliothèques françaises et internationales – essentiellement en Amérique du Nord et en Grande Bretagne – c’est dans un premier temps le nombre bien plus important d’abonnés qui saute aux yeux. En partie cet écart s’explique par la plus grande antériorité de ces fils et par le fait que leurs publics ont aussi adopté Twitter à peu près 18 mois avant le démarrage réel en France qui date du premier semestre 2011. Or, la raison principale pour laquelle elles peuvent atteindre un public beaucoup plus large est sans doute lié au fait qu’elles publient en anglais : les Twittos français ne représentent que 2,1% des usagers de Twitter dans le monde.

Une autre différence réside dans l’importance accordée aux réseaux et à l’interaction. Généralement les bibliothèques internationales insistent bien plus sur l’interaction avec les usagers et y attachent plus d’importance. Le ton y est généralement plus léger et moins institutionnel, mais on trouve aussi de très beaux exemples de « ton décalé » parmi les fils Twitter de bibliothèques françaises, notamment sur @Gallica.

Même si peu de bibliothèques françaises peuvent espérer atteindre un nombre d’abonnés comparable à celui des grandes BU internationales, l’outil peut néanmoins être extrêmement précieux pour elles à plusieurs titres : 

Servir les publics

Les usages de nos publics ont irrévocablement changé avec l’accès à une information pléthorique en ligne. Pour continuer à leur être réellement utiles, nous devons les accompagner dans leurs nouvelles pratiques et intégrer leurs réseaux informationnels, également sur le web social. Ils sont de plus en plus nombreux à utiliser Twitter pour la veille, la recherche d’information et la diffusion de leurs publications. Même si, avec 4%, le taux de pénétration de Twitter reste faible en France, les twittos sont, par leurs caractéristiques, des publics particulièrement intéressants pour les bibliothèques, notamment universitaires : ils sont jeunes, actifs et ont majoritairement un niveau d’études élevé ou bien font des études supérieures.

Twitter nous permet également d’élargir considérablement le périmètre de nos publics surtout si nous publions aussi en langue anglaise - nous pouvons atteindre des personnes intéressées par nos fonds spécifiques et nos sujets de compétence aux quatre coins du monde et augmenter considérablement notre impact hors les murs.
 

Moderniser l'image de la bibliothécaire

la modernisation de leur image est un enjeu fondamental, voir vital, pour les bibliothèques qui doivent justifier leurs budgets et rester légitimes sur des projets d’avenir ambitieux. Or, aujourd’hui l’image des bibliothèques est bien souvent en décalage avec leur réalité, même auprès de publics qui disent les aimer et pensent les connaître. Twitter permet aux bibliothèques de donner à voir autrement ce qu’elles font et ce qu’elles sont et peut contribuer ainsi à mettre leur image en adéquation avec leur réalité d’aujourd’hui.
Si on considère Twitter comme une sorte de conversation, celle-ci offre aux bibliothèques une très belle occasion d’échanger très simplement avec leurs abonnés de façon moins institutionnelle et plus personnelle, de les valoriser en relayant leurs contenus et en répondant à leurs messages. Il s’agit d’allier une bonne qualité de contenus, une grande compétence dans les réponses et les conseils avec un visage humain - si possible souriant.
 

La curation 

le terme « curation » pour la pratique numérique est un « buzzword » récent qui  recouvre en réalité des activités assez variées faisant quasiment toutes partie du cœur de métier traditionnel des bibliothécaires.

Twitter interroge deux grands types de pratiques de curation, toutes deux dans le champ de compétences des bibliothèques :

  • Sélectionner, valider, enrichir et partager des contenus. Il s’agit là certes d’un niveau de curation très sommaire puisque le flux continu ne permet ni de structurer, ni de conserver l’information, mais cela peut néanmoins être très précieux soit de valoriser des ressources propres de la bibliothèque, soit de partager des contenus intéressants librement accessibles sur le web.
  • La gestion des données issues de Twitter pour la recherche est un autre chantier majeur - interdit dans le cadre légal français, mais autorisé aux Etats-Unis et depuis 2014 dans une certaine mesure aussi en Grande-Bretagne. Twitter est un média important et les bibliothèques sont expertes dans la conservation, l’indexation, la classification et la mise à disposition des médias ainsi que des grands corpus de données. Etant donné l’internationalisation de la recherche et l’intérêt des chercheurs pour le "data-mining", les bibliothèques françaises ont tout intérêt à s’intéresser à ce qui peut se faire dans ce domaine aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Il y a bien d’autres raisons pour les bibliothèques d’investir Twitter parmi lesquelles la veille (métier, thématique et image), l’intégration des réseaux, l’information en temps réel, mais aussi la curiosité et le plaisir d’échanger. Pour une conversation réussie avec nos publics sur les réseaux il faut que nous ayons le courage de montrer de la personnalité et un réel intérêt pour nos interlocuteurs : un fil trop désincarné qui ne fait que diffuser des informations institutionnelles et ne répond ni aux critiques, ni aux "boutades", risque vite d’ennuyer et sur les réseaux l’ennui est sans doute le plus mortel des pêchés.

Le web social est par nature fluctuant et évolue vite, mais il est entré dans les mœurs et sous une forme ou sous une autre, il fera partie à l’avenir de notre façon d’interagir les uns avec les autres, donc autant apprendre les règles du jeu et participer à la conversation !

[1] "@Bibli : les bibliothèques françaises et internationales et Twitter" Mémoire d'Executive Master, septembre 2015 [en ligne]

PNB n’est pas le TGV Lyon - Turin

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Selon l’expression consacrée par les journalistes politiques, une « séquence » anecdotique mais particulièrement emblématique s’est déroulée très récemment et concerne la question du prêt numérique en bibliothèque.

Le  13 octobre 2015 la Ville de Paris mettait en ligne son service de prêt de livres numériques, interfacé avec la plateforme de web services PNB. Le même jour, le collectif SavoirsCom1 appelait sur les réseaux sociaux à lancer une « chasse aux jetons » dans le but de rendre le service indisponible et de démontrer ainsi qu’il reposait sur un modèle économique erroné et défavorable à l’intérêt des bibliothèques (https://lc.cx/Zyxu). Cette initiative, simple défi potache ou réelle volonté de bloquer le service, n’a, quoi qu’il en soit, pas eu d’effet sur la disponibilité du service.

Cependant, trois jours plus tard, le 16 octobre, l’ABF publiait un communiqué où elle s’inquiétait du « manque de transparence » de l’expérimentation PNB, en déplorant qu’elle soit passée au statut d’offre à part entière, la seule recommandée par le MCC, sans réelle évaluation du service.

Je ne commenterai pas les débats vifs et dépourvus de mesure qui se sont alors ouverts sur les réseaux sociaux, et en particulier sur twitter, et je me contenterai de rappeler que l’anathème et les imprécations en 140 caractères ne constituent pas une attitude constructive.

Je veux simplement rappeler ici quelques points qui me semblent indispensables pour retrouver la sérénité nécessaire à la sortie des débats hors-sol, polémiques et parfois dogmatiques.

D’abord, il n’est pas admissible que des professionnels responsables appellent à des actions d’empêchement, s’apparentant à du sabotage, visant des dispositifs mis en place par des acteurs publics, quels que soient les griefs qu’ils pourraient par ailleurs adresser à ces dispositifs. PNB n’est pas le projet de TGV Lyon – Turin, et si Erri de Luca se voulait le porte-voix de milliers de citoyens transalpins, la représentativité des pourfendeurs de PNB reste à démontrer. Il n’est pas davantage admissible de dénigrer le travail de collègues, par ailleurs soumis au devoir de réserve.

Ceci dit, venons en à l’essentiel. Il n’y pas d’autres institutions légitimes pour proposer un service de prêt numérique aux usagers que les bibliothèques. Or si les bibliothèques ne se montrent pas en mesure de proposer un service de prêt numérique efficient, elles perdront toute légitimité, notamment aux yeux des décideurs publics et des élus, pour continuer de proposer leurs services traditionnels et pour en proposer de nouveaux. C’est bien l’avenir des bibliothèques qui est en jeu. Ce n’est pas une vue de l’esprit, mais bien une crainte réelle quant à la réorientation des investissements publics des collectivités en matière culturelle. Le risque est réel par ailleurs de voir arriver sur le marché une offre par abonnement, à prix très réduit et à destination des usagers, émanant d’un acteur majeur (Google, Amazon…) balayant les autres modèles et laissant les bibliothèques à leur rôle « papier ».

Le moment est venu semble-t-il, pour les bibliothèques, de sortir d’une période d’expérimentations diverses qui a trop duré, et de se positionner clairement et de manière pérenne sur l’offre de services en matière de livres numériques. Or c’est par l’esprit de compromis et non par l’affirmation de principes intangibles qu’elles y parviendront.

Le marché du livre numérique implique des acteurs économiques multiples, certains issus de la chaîne du livre traditionnelle, d’autres nouveaux venus dont les intérêts économiques quoiqu’on les considère et souvent divergents, ne peuvent être niés. L’ABF a donc eu raison de rappeler le texte signé le 8 décembre 2014 par le ministère de la Culture et de la Communication, les organisations professionnelles (ABF, ADBDP, ADBGV, le Conseil permanent des écrivains, le Réseau Carel, le Syndicat de la librairie française, le SNE, le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels) et des représentants des collectivités (Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture). Ce texte avance 12 recommandations pour la diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques. Il était utile de les rappeler à tous les signataires. Il constitue le « socle naturel » de toute solution pérenne pour le prêt numérique en bibliothèque, par ses propositions autant que par la plateforme de signataires qu’il rassemble, même s’il faut être conscient qu’ils n’étaient évidemment pas exempts d’arrières pensées. Pour mémoire ce texte souligne la nécessité :

  1. d’un accès des bibliothèques publiques à l’intégralité de la production éditoriale numérique, c'est-à-dire à l’ensemble de ce qui est proposé aux particuliers (selon des conditions tarifaires et d’usages qui peuvent cependant être différentes)
  2. pour tous les libraires de connaître cette offre, ces conditions tarifaires et d’usages et de disposer des métadonnées des catalogues des éditeurs pour qu’ils soient en mesure de les présenter aux bibliothèques
  3. pour ces mêmes métadonnées d’être fournies aux bibliothèques afin qu’elles les présentent à leurs usagers et les utilisent pour la médiation
  4. d’une interopérabilité des catalogues proposés aux bibliothèques publiques  (autrement dit appliquer ce qui a été fait via le Fichier Exhaustif du Livre pour les libraires aux bibliothèques publiques)
  5. que cette offre soit accessible pour les usagers aussi bien en bibliothèque qu’à distance, depuis chez eux ou avec leurs mobiles et tablettes, étant entendu qu’il est de la responsabilité des collectivités de garantir que les usagers ont effectivement souscrit une inscription à la bibliothèque
  6. d’une régulation des accès afin de garantir un équilibre entre l’emprunt (en bibliothèque) et l’achat en librairie.
  7. de la reconnaissance de la légitimité des DRM (à condition qu’ils n’entravent pas la facilité d’usage) ; à noter que cette recommandation suggère que les systèmes de gestion des droits numériques peuvent très bien ne pas être des dispositifs techniques.
  8. de l’adaptation de l’offre aux déficients visuels
  9. d’un partage des données statistiques sur les usages (une convention spécifique sur ce sujet est prévue)
  10. d’une rémunération équitable des auteurs et du maintien des conditions de la création éditoriale (autrement dit la préservation de la chaîne économique du livre).
  11. de l’expérimentation des modèles économiques, en suggérant 2 modèles principaux : la commercialisation à l’unité et la commercialisation par bouquet
  12. de la stabilité des contrats avec les collectivités (pas de modifications des termes et conditions en cours de contrat)

L’ABF est également dans son rôle quand elle rappelle que PNB, censé être en phase d’expérimentation, serait en train de passer subrepticement au stade « industriel » sans qu’une réelle évaluation ait été menée, même si d’autres acteurs, ceux qui précisément se sont lancés dans l’aventure PNB jugent cette position contestable.

Cependant, en publiant son communiqué 3 jours seulement après qu’un collectif a appelé à une forme de sabotage de la bibliothèque numérique de la Ville de Paris et ce sans même y faire allusion, l’ABF a donné l’impression de cautionner cette initiative, ce qui n’était évidemment pas son intention. 

Il serait intéressant que les recommandations du 8 décembre soient également soumises à l’approbation des organisations professionnelles des autres pays ou régions francophones d’Europe (Fédération Wallonie-Bruxelles, Luxembourg, Val d’Aoste, Suisse Romande,) car à défaut de partager les mêmes législations elles partagent le même paysage éditorial et utilisent déjà le service PNB. Il serait également souhaitable que ce texte, qui est une liste de recommandations, change de statut pour devenir une charte engageante.

Pour conclure, il semble qu’une évaluation de PNB doive effectivement être menée, ne serait ce que pour mettre fin aux débats procrastinatoires, assortie de recommandations précises pour que ce service évolue dans le sens qui était défini dans le texte du 8 décembre.

Les dépôts institutionnels et les archives ouvertes dans les universités et centres de recherche algériens

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Depuis la création de la première archive ouverte aux Etats-Unis en 1991 dans le domaine de la physique (arxiv.org), un foisonnement de ce type d’expériences est remarqué à travers les établissements scientifiques de tous les pays soutenu par les partisans et les fervents défenseurs du libre accès aux publications scientifique tels Steven Arnad. Les pays du Sud ont rallié ce mouvement y compris les pays du monde arabe tels que l’Algérie. Cet article dresse un état des lieux des archives ouvertes et dépôts institutionnels mis en place dans les universités et centres de recherche algériens et les perspectives de leur développement.

Le lancement, en 1999, de l’Open Access Initiative (OAI) et du protocole de partage des métadonnées, OAI-PMH, parallèlement à  la mise à disposition des plateformes de dépôt, logiciels open source, tel que  Dspace en 2002, qui ont permis aux bibliothèques de développer des réservoirs numériques et de jouer un rôle prépondérant dans le mouvement du libre accès, et ce en mettant en place des archives ouvertes institutionnelles aux côtés des archives thématiques proposées par les communautés scientifiques. Durant la même année ce sont les bibliothèques de l’université de Michigan qui mettent en place OAIster, un moteur de recherche permettant d’interroger la quasi-totalité des archives actives de par le monde.  En 2003, ce sont les bibliothèques de l’université de Lund, en Suède, qui ouvrent le Directory of Open Access Journals (DOAJ) suivi du Directory of Open Access Books (DOAB)  et  Directory of Open Access Repositories (DOAR). L’accès libre aux publications et travaux de recherche ne cesse de s’accroitre et se répandre à travers le monde.

Cet article a comme objectif de mettre la lumière sur les archives ouvertes et les dépôts institutionnels mis en place par les universités et centres de recherche algériens. Pour donner une définition au terme « archive ouverte », nous avons retenu celle de l’Inist (France) :« le terme archive ouverte désigne un réservoir où sont déposées des données issues de la recherche scientifique et de l’enseignement et dont l’accès se veut ouvert, c’est-à-dire sans barrière. Cette ouverture est rendue possible par l’utilisation de protocoles communs qui facilitent l’accessibilité de contenus provenant de plusieurs entrepôts maintenus par différents fournisseurs de données. » [1], et pour le dépôt institutionnel nous citerons la définition de la Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition (SPARC) formulé par (Crow, 2002)  comme suit : « collection numérique capturant et préservant le capital intellectuel d’une ou de plusieurs institutions universitaires » [2] ajoutant qu’elle est institutionnelle et à teneur académique. Elle doit également être cumulative et perpétuelle. Enfin, les dépôts (et la collection) doivent être interopérables entre eux et ouverts aux membres de la communauté scientifique.

Cette contribution poursuit aussi le but de faire le bilan du projet ISTeMag [3] Optimisation de l’Accès à l’Information Scientifique et Technique dans les Universités du Maghreb qui s’adresse à des institutions d’enseignement supérieur. L’objectif du projet est d’arriver, entre autres,  à : « définir et mettre en place une politique institutionnelle d’archives ouvertes. ».
Nous nous limiterons aux établissements algériens concernés par ce projet qui sont au nombre de quatre,  situés dans les villes d’Alger, Boumerdes, Batna et Tlemcen.
 

Dans ce contexte, nos principaux objectifs sont de :

  • Faire un état des lieux des archives ouvertes et des dépôts institutionnels mis en place en Algérie;
  • Relever les caractéristiques des archives ouvertes et des dépôts institutionnels algériens;
  • Proposer des stratégies de développement des dépôts institutionnels dans les universités et centres de recherche algériens.

Pour atteindre ces différents objectifs, nous nous proposons de répondre aux questions de recherche suivantes :

  • Quels sont les établissements impliqués dans le processus d’implantation et de gestion des dépôts institutionnels et d’archives ouvertes en Algérie ?
  • Quelles sont les principales caractéristiques des archives ouvertes et dépôts institutionnels algériens ?
  • Comment les universités et centres de recherche en Algérie peuvent tirer profit de la mise en place de réservoirs numériques institutionnels ?

Afin de répondre à ces questions, nous analyserons les sites web des établissements algériens de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans l’objectif de repérer les expériences menées dans le domaine de l’accès libre aux travaux académiques produits par les communautés de ces établissements. Enfin, nous terminerons ce papier par quelques réflexions et propositions pour la généralisation et la bonne gestion des dépôts institutionnels dans les universités algériennes.

Évaluation des archives ouvertes des établissements d’enseignement supérieur et de la recherche scientifique algériens.

Présentation de la grille d’évaluation

Chacune de ces archives ouvertes a été étudiée selon 15 critères d’une grille d’analyse regroupés en cinq catégories comme suit :

  • Information générale : 3 critères (nom, URL, pays)
  • Information institutionnelle : 2 critères (nom de l’établissement, type de l’établissement),
  • Identification de l’archive ouverte : 2 critères (type d’archive, nombre de documents)
  • Contenu et fonctionnalité : 5 critères (type de documents, spécialité couverte, langue des documents, format des documents, mode d’accès),
  • Politique éditoriale : 3 critères (langue de l’interface, accessibilité, logiciel utilisé).

Cette grille d’analyse a été  est inspirée des études de Joachim Schöpfel & Hélène Prost  (2010) sur l’évaluation des archives ouvertes en France  et de Mohamed Ben Romdhane & Tarek Ouerfelli  (2012) sur les archives ouvertes dans le monde arabe [4] et ensuite adaptée à notre corpus constitué des archives ouvertes repérées dans le portail Opendoar.com [5].

Avant de rendre compte des observations relevées sur les réservoirs numériques étudiés, il y a lieu de faire la distinction entre une archive ouverte et un dépôt institutionnel, appelé également archive ouverte institutionnelle. Hélène Bosc définit une archive ouverte comme étant « un serveur dont le contenu (documents scientifiques et techniques) est accessible en ligne, librement sur le web » [6]. Elle comprend « deux types de publications : des prépublications et post-publications (…) Les prépublications sont des articles qui n’ont pas encore été soumis au contrôle des pairs (ou des experts). Les post-publications sont des articles qui ont été certifiés par les pairs » [7]. Quant aux dépôts institutionnels, il s’agit de « projets relevant d’universités, de grandes écoles, d’organismes de recherche, d’associations professionnelles » [8], souligne Gabriel Gallezot.

Résultats de l’étude 

Il ressort de notre étude qu’il y a 8 archives ouvertes et 4 dépôts institutionnels (voir annexe en fin d’article) mis en place dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Algérie appartenant à 9 universités et 3 centres de recherche (y compris les établissements pilotes du projet ISTeMAG évoqué plus haut) :

  • Archives ouvertes : Université de Bouira, Université de Souk Ahras, Centre de Développement des Energies Renouvelables CDER
  • Dépôts institutionnels : Université de Boumerdes, Université de Batna, Université d'Alger, Université de Tlemcen, Université de Chlef, Université de Biskra,  Centre de Recherche Scientifique et Technique en Soudage et Contrôle –CSC,  Centre de recherche  sur l’information scientifique et technique CERIST.

S’agissant des archives ouvertes, elles sont pluridisciplinaires dans la majorité des établissements. Concernant les dépôts institutionnels ils regroupent une multitude de documents (communications et publications scientifiques, mémoires et thèses de post graduation, ouvrages scientifiques et parfois revues éditées par l’établissement) dans diverses langues, en accès libre dans 9 cas et par identification et mot de passe dans 3 cas. Les interfaces de recherche des plateformes logicielles (DSpace, Wordpress ou Eprint) sur  lesquelles sont mis les documents sont soit en arabe, soit en français soit en anglais. Concernant les paramètres de recherche, ils sont les suivants :

- Collection (il s’agit du type de document : article, thèse,…)
- Date de parution
- Auteur
- Sujet

Les documents mis en ligne sont en format PDF.

L’accès à ces réservoirs est offert généralement à travers la page web de la bibliothèque principale de l’établissement ou directement sur la page d’accueil du site web de celui-ci.

A signaler que certaines plateformes d’archivage numérique demeurent vides de documents puisqu’elles ne sont pas alimentées par leurs établissements, comme celle de l’Université de Bouira.

Nos tentatives d’accéder aux sites web des établissements, objet de la présente étude, ont été vaines pour 16 établissements.

Conclusion 

Nous pouvons conclure que les dépôts institutionnels et les archives ouvertes sont rares dans les institutions scientifiques algériennes puisque uniquement 8 institutions sur 86 établissements d’enseignement supérieur et 3 centres sur 15 centres et unités de recherche ont mis en place un dépôt institutionnel ou une archive ouverte et l’accès n’est pas permis pour chacun. Pour faire la promotion du libre accès à l’information scientifique et technique, il devrait y avoir une politique nationale s’articulant sur les actions suivantes :

Amener les établissements scientifiques algériens à suivre le mouvement général pour le libre accès en mettant en place des plateformes de dépôts et d’archivage numériques et en incitant et sensibilisant leurs communautés respectives à y contribuer et à en faire usage;
Multiplier les espaces de discussion tels les colloques et les journées de vulgarisation et de promotion du libre accès ainsi qu’un soutien technique pour la mise en place de ces réservoirs par les bibliothèques universitaires et les bibliothèques des établissements de recherche scientifique ;
Créer des archives ouvertes disciplinaires dans tous les domaines de la science pour drainer les travaux de recherche de la communauté universitaire algérienne et les rendre visibles sur le plan international.

 

Bibliographie

Aubry, C., J. Janik (eds.), Les Archives Ouvertes : enjeux et pratiques. Guide à l’usage des professionnels de l’information, Paris : ADBS., 332p.

Ben Romdhane M., Ouerfelli T. L’offre des archives ouvertes dans le monde arabe : recensement et évaluation. Métiers de l’information, des bibliothèques et des archives à l’ère de la différenciation numérique : Actes du 15`eme Colloque International sur le Document Electronique (CIDE15), Nov 2012, Tunisia. Europea, pp.75-90.
En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/sic_00829058/document
Consulté le 15 septembre 2015.

Bourgois J.-M. L’avenir des bibliothèques et de l’édition dans le contexte de l’édition électronique.- In BBF 2000, t. 45, n° 6, p. 62-64.

Calenge B. Contenus des bibliothèques numériques et bibliothéconomie.- In BBF 2000, t. 45, n° 4, p. 117-119.

Calenge B.- Technologies de l’information dans les universités.- In BBF 2001, t. 46, n° 1, p.107-109.

Cédelle L. La numérisation dans les bibliothèques et les musées américains.- In BBF 2001, t. 46, n° 3, p. 101-104.

Dany B. Dimensions organisationnelles des dépôts institutionnels : une approche sociotechnique. "Partage de l'information dans un monde fragmente : Franchir les frontières",39ème Congrès annuel de l'Association Canadienne des Sciences de l'Information, May 2007, Université McGill, Montréal (Canada).
En ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/sic_00159335/document
Consulté le 13 septembre 2015.

Digital Publishing and its Impact on the Publishing Industry in the Arab World
Publiée en ligne : 21 September 2011
Springer Science+Business Media, LLC 2011

DOUKKALI S., ZAHIDI A. Mise en place d’une politique institutionnelle d’archives ouvertes.
En ligne : http://bibliometrie.imist.ma/images/stories/pdf/ReMabes_Archives_Ouvertes.pdf
Consulté le 5 octobre 2015.

Epron B.  L’édition universitaire numérique : Panorama et perspectives en sciences humaines et sociales.- In BBF 2004, t. 49, no 3, pp. 49-54.

Implementing digital archives: issues of trust
Gillian O., Brenda C., Hai Ping Liu
Publié en ligne: 9 October 2011
Springer Science+Business Media B.V. 2011

Mahé A. Bibliothèques et archives ouvertes. In BBF : 2011, t. 56, no 1, pp. 14-18

Martin F., Bermès E. Le concept de collection numérique.- In BBF : 2010, t. 55, no 3, pp. 13-17.
Mennessier A.-L. et al.- Valorisation de la production académique : collecte, conservation, diffusion. In BBF : 2011,1t. 56, no 1, pp. 26-33

Rigeade M. Les archives ouvertes institutionnelles en France : état des lieux et perspectives. Mémoire pour l’obtention du diplôme de conservateur des bibliothèques, ENSSIB, 2012.- 100 p.
En ligne: http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/56708-les-archives-ouvertes-institutionnelles-en-france-etat-des-lieux-et-perspectives.pdf
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Schöpfel  J., Prost H. Développement et Usage des Archives Ouvertes en France. 2e partie : Usage. 2010, 73 p. En ligne : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00527043/document
Consulté le 15 septembre 2015.

 

[1] http://openaccess.inist.fr/?+-Archive-ouverte-+ 25/03/2015
[2] Crow, Raym. 2002. The Case for Institutional Repositories: A SPARC Position Paper. ARL. En ligne : http://www.sparc.arl.org/sites/default/files/media_files/instrepo.pdf
[3] http://istemag.org/
[4]BEN ROMDHANE Mohamed, OUERFELLI Tarek,  L'offre des archives ouvertes dans le monde arabe : recensement et évaluation. En ligne: http://eprints.rclis.org/19050/1/BenRomdhane_Ouerfelli.pdf (consulté le 17/09/2015)
[5] The Directory of Open Access Repositories http://www.opendoar.org/ consulté le 17/09/2015
[6] Bosc, H. (2005), Archives ouvertes : quinze ans d’histoire. In : Les Archives Ouvertes : enjeux et pratiques. Guide à l’usage des professionnels de l’information, C. Aubry, J. Janik (eds.), Paris : ADBS. P. 2
[7] Ibid. p.33.
[8] Gallezot, G. (2005), Archives ouvertes : quinze ans d’histoire. In : Les Archives Ouvertes : enjeux et pratiques. Guide à l’usage des professionnels de l’information, C. Aubry, J. Janik (eds.), Paris : ADBS. P. 101.

Annexe

Dépôts institutionnels et archives ouvertes dans le secteur de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique algérien en 2015

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Annexe - Partie 1
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Annexe - Partie 2
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Annexe - Partie 3
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Annexe - Partie 4

Aarhus : du mythe à la réalité

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Aarhus, une ville portuaire

Aarhus, est la deuxième ville du Danemark par le nombre d'habitants (320 000, soit presque 6 % de la population du Danemark). C'est une ville portuaire importante, située dans la région du Jutland.

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Aarhus

C'est la plus vieille des grandes villes scandinaves, probablement construite au VIIIe siècle par les Vikings. Elle se développe à la fin du XIXe siècle, avec l'exode rural dû à la révolution industrielle.

Le “Grand Aarhus” possède la concentration d’entreprises d’énergie éolienne la plus dense au monde. Aarhus est réputée pour sa spécialisation en architecture et en design, connue pour sa population « la plus jeune et la plus heureuse » du Danemark. En effet, la ville accueille plus de 60000 étudiants (soit presque 19 % de sa population).

Par ailleurs, Aarhus abrite l’un des plus gros ports industriels d’Europe du Nord, le plus important du Danemark. L'agrandissement du port, débuté en 1998, s'étale sur 25 ans et fait partie d'un vaste projet de réaménagement de la ville. Il comprend un programme immobilier destiné aux étudiants et l'implantation de Dokk1.

Aarhus sera capitale européenne en 2017 sur le thème « re think » (repenser).

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De haut en bas et de gauche à droite : Aarhus vu du ciel, Hôtel de ville, Quartier des Icebergs, Park Allé / CC BY 3.0  Anosmoman
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« Les Icebergs », nouveau quartier construit au bout du port / CC BY-SA 3.0 Villy Fink Isaksen
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Quartier latin traversé par la rivière Aarhus, située derrière la bibliothèque / CC BY 2.0 Anders.Bachmann

« La bibliothèque la plus réfléchie du monde » (Marie Østergård, développeuse du projet)

Lorsque Rolf Hapel, directeur des services aux citoyens et aux bibliothèques, prend son poste à Aarhus en 1994, on lui annonce qu'une nouvelle bibliothèque sera construite bientôt. Après différentes enquêtes et changements de localisation, le conseil municipal acte finalement la construction d'une nouvelle bibliothèque (2003) sur une des deux presqu'îles donnant sur le port (2004), tout en stipulant bien que le projet ne peut voir le jour rapidement car il est nécessaire d'épargner afin de pouvoir le financer. Des années que l'équipe porteuse du projet et les bibliothécaires mettront à profit pour expérimenter avec les publics diverses possibilités, et travailler en collaboration avec les architectes du cabinet Schmidt Hammer Lassen (choisi en 2009). 2011 vera la pose de la première pierre, mais l'ouverture au public ne se fera qu'en 2015 : en effet, 4 ans seront nécessaire à la construction de ce bâtiment complexe, dont la structure repose en bonne partie sur l'eau.

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Vue aérienne du port avec Dokk1 / © Bibliothèques de Aarhus

Bien plus qu'une bibliothèque

Très tôt rebaptisé « multimédia house » puis « Urban Mediaspace » afin de repousser la classique image poussiérieuse des bibliothèques, Dokk1 est une marque. Le nom, choisi par le Conseil municipal parmi 200 propositions de citoyens, évoque le port d'Aarhus passé et présent.

Dokk1 n'est pas seulement un projet de bibliothèque. C'est avant tout un projet pour la ville : un projet urbain, communautaire et social.

En effet, le fleuve Aarhus traverse la ville du même nom. Recouvert par une route dans les années 1970, il a été par la suite à nouveau découvert dans le cadre du réaménagement du quartier latin. Cependant, les prévisions sur la montée des eaux liées au réchauffement climatique faisaient peser une grande menace sur l'ensemble de la vieille ville. Le projet a donc inclus une écluse qui permette d'une part de bloquer la montée des eaux maritimes et d'autre part de pomper les eaux fluviales afin de les rejeter dans la mer, de l'autre côté de l'écluse.

Afin de finaliser le réaménagement à vocation piétonne du centre-ville, les parkings y ont été supprimés. Un parking de remplacement de 1000 places a donc été construit sous la nouvelle bibliothèque.

Dokk1 est donc bien plus qu'une bibliothèque, c'est un outil d'aménagement urbain pour la ville, mais c'est aussi le coeur d'un projet social et communautaire : la bibliothèque accueille un guichet unique (« citizen services » : passeports, sécurité sociale…) tenu par des employés municipaux. C'est également le cas des 18 bibliothèques de quartier d'Aarhus, où les guichets sont tenus par les bibliothécaires. La bibliothèque se veut tout à la fois un lieu de rencontre, un centre culturel et un learning center[1].
Cela résume bien la philosophie de Rolf Hapel qui martèle : « À quel problème de la société votre bibliothèque répond-t-elle ? Pour résoudre quel problème a-t-elle été construite ? Il faut être plus qu'une bibliothèque ; être utile à la communauté. »

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Rolf Hapel / CC BY-SA Amandine Jacquet

Ce point de vue a d'autant plus de pertinence qu'un tel projet a un coût important : 300 millions d'euros, dont un tiers pour la bibliothèque (le reste étant attribué au parking et à l'écluse). Mais Rolf Hapel en fait un bilan très positif : l'argent pour le parking et l'écluse auraient de toute façon dûs être dépensés ; 100 millions ont été financés par la fondation Realdania, 12 millions ont été perçus grâce à la vente des anciens locaux de la bibliothèque (qui seront transformés en auberge de jeunesse) ; et le troisième étage du bâtiment dédié aux bureaux doit être en partie loué à des entreprises. Si pour l'instant, rien n'a changé dans la situation des bibliothèques de quartier, celles-ci craignent cependant des coupes budgétaires si les locaux à louer ne trouvent pas preneurs sous peu.

Un bâtiment étonnant et remarquable

Le bâtiment d'une architecture complexe possède un troisième étage à 7 façades, posé en quinconce par rapport aux étages du dessous. Il repose sur un parking traversé par une voie ferrée. L'ensemble se situe à la confluence entre la mer Baltique et le fleuve Aarhus.

 

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Le bâtiment est conçu pour que la ville et le ciel se reflètent sur ses façades / CC BY-SA Amandine Jacquet

 

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Plan de la bibliothèque, niveaux 1 et 2 / © Bibliothèques de Aarhus

 

Le bâtiment de 30 000 m² abrite la bibliothèque aux 1er et 2ème étages sur une surface de 18 500 m².

L'entrée dans le bâtiment se fait soit par le parking, soit par des escaliers monumentaux extérieurs qui donnent sur une terrasse qui fait le tour du bâtiment et abrite des jeux pour les enfants. Les enfants ont une grande importance dans la société danoise : la bibliothèque étant entièrement vitrée, chacun peut regarder les enfants jouer à tout moment.

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Les jeux extérieurs sont le signe d’une grande attention portée aux enfants / CC BY-SA Amandine Jacquet

 

Face à l'entrée, le bureau d'information, à droite le « guichet unique », avec une vingtaine de postes d'accueils, et à gauche le fonds adulte. Son look assez traditionnel et le mot « bibliotek » en lettres blanches sur le mur vert sont une réminiscence « du temps où les bibliothèques étaient encore des bibliothèques alors qu'aujourd'hui elles sont tellement plus que cela », a expliqué Stephen Willacy, l'architecte de la ville, lors de la session d'ouverture de Next Library 2015. [2]

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« Guichet unique », espace d'accès aux services municipaux / CC BY-SA Amandine Jacquet

 

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Espace des collections adultes /  CC BY-SA Amandine Jacquet

 

Pour passer de cet espace à l'espace jeunesse situé au second étage, il faut monter une grande rampe de béton brut qui comporte de nombreux paliers où canapés, tables et chaises accueillent ceux qui le souhaitent. La rampe peut également servir de gradins.

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La rampe permet de changer de niveau grâce à une pente douce et a été conçue comme un espace à occuper / CC BY-SA Amandine Jacquet

 

La section jeunesse est incontestablement la partie la plus réussie de bâtiment : elle allie une vue imprenable sur le port avec des aménagements confortables et ludiques. Un coin déguisement, des jeux, une cabane de jardin vitrée dont on ne sait pas encore ce qu'elle contiendra (des peluches ? De vrais animaux ? Des plantes ? La question est à l'étude), un espace de jeux vidéos anciens et nouveaux, un espace pour la petite enfance, une cuisine avec frigo et micro-ondes pour le repas des enfants venus avec leurs parents,...

Un fonds local a été créé. Mais, au vu du passé ouvrier et portuaire de la ville et de l'importance du port dans le projet architectural de la bibliothèque, on peut déplorer qu'il soit aussi réduit et peu mis en valeur.

Le tout est complété par de nombreux espaces multifonctionnels, un point presse et une cafétéria.

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Espace jeunesse et petite enfance /  CC BY-SA Amandine Jacquet

 

Symbole de la vie communautaire, le coeur de la bibliothèque est sans aucun doute son gong de 7,5 m de haut. Lorsqu'un enfant naît à Aarhus, les parents sont invités à appuyer sur un bouton à la maternité : cela fait résonner à distance le gong dans la bibliothèque. Tous les présents à la bibliothèque à cet instant peuvent ainsi se réjouir de l'arrivée de cette nouvelle vie au sein de la communauté.

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Le Gong annonce chaque nouvelle naissance /  CC BY-SA Amandine Jacquet

Sans y être omniprésente, la technologie n'est bien sûr pas absente du bâtiment : une installation interactive, sonore et visuelle, créée par Spoink, accueille les visiteurs qui se présentent par le parking. En tête de gondole de nombreux rayonnages, un écran tactile permet d'obtenir des suggestions de lecture via une étagère digitale dotée d'un programme de type CultureWok (développé par Systematic).

Ouverte aux publics, 7 jours sur 7, de 7h à 22h, la bibliothèque offre de nombreux services aux visiteurs. Il est cependant à noter que les bibliothécaires ne sont présents que de 8h à 19h. En dehors de ces horaires, les usagers peuvent accéder à la bibliothèque avec leur carte et bénéficient de l'aide de gardiens pour les dépanner en cas de problème. Les bibliothèques de quartier sont ouvertes sur le même modèle mais parfois sans gardiens.

Le bâtiment a accueilli 18000 visiteurs dès le premier week-end suivant son ouverture, et pour l'instant son succès ne se dément pas.

Portraits d'usagers

La famille Jensen prend un petit déjeuner dans la cafétéria de la bibliothèque, afin de célébrer tardivement un anniversaire. Tous n'avaient pas encore eu l'occasion de venir dans la nouvelle bibliothèque. Ils sont venus pour se « créer un bon souvenir ».

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Famille Jensen / CC BY-SA Amandine Jacquet

Else est bibliothécaire à Kalundborg, une ville d'environ 50000 habitants située sur Sjælland, l'île principale du Danemark, à environ 100 km d'Aarhus à vol d'oiseau. Elle a entendu parler de la nouvelle bibliothèque et a décidé de faire d'une pierre deux coups en venant rendre visite à sa sœur (qui vit à Aarhus) et en visitant Dokk1.

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Else, sa sœur et son beau-frère / CC BY-SA Amandine Jacquet

Jesper, Betina, Henrik, et Martin ont tous 20 et quelques années. Ils viennent d'arriver à Aarhus pour poursuivre leurs études. C'est la première fois qu'ils viennent à la bibliothèque. Ils avaient besoin d'un lieu pour travailler ensemble sur un projet. Comme ils habitent non loin de la bibliothèque, ils ont décidé de s'y retrouver. « C'est un chouette endroit pour se rencontrer, me confient-ils. Mais on ne vient pas pour utiliser les livres ni les autres services, comme acheter à boire ou à manger par exemple », ajoutent-ils, bien qu'ils aient précisément choisi de s'installer dans la cafétéria.

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Jesper, Betina, Henrik, et Martin / CC BY-SA Amandine Jacquet

Karin, Resmus et Steffie ont entre 22 et 24 ans. Ils sont inscrits à l'école de commerce (« business academy »), et ont besoin d'un espace pour travailler ensemble. Ils ont choisi Dokk1 parce que c'est proche de l'endroit où ils vivent, contrairement à la bibliothèque universitaire qui est, de toute façon, bondée. Comme l'établissement est nouveau, ils sont contents de le découvrir : ils apprécient particulièrement ses grands espaces ouverts, l'atmosphère sympa et les places disponibles.

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Karin, Resmus et Steffie / CC BY-SA Amandine Jacquet

Annie, Ulla et Ingrid vivent également à Aarhus et c'est la première fois qu'elles viennent à Dokk1. Elles ont d'abord déjeuné à la cafétéria et profitent maintenant de la vue sur le port en papotant. Elles apprécient le panorama et le fait que les services municipaux pour les citoyens aient un espace d'accueil à l'entrée de la bibliothèque. Elles pourront ainsi demander de l'aide si elles en ont besoin. Ingrid lit beaucoup mais elle m'avoue qu'elle n'est allée qu'une seule fois dans l'ancienne bibliothèque. Cependant, elle pense qu'elles reviendront ensemble dans celle-ci. Une fois par semaine ? Je lui demande. Une fois par mois peut-être, tempère t'elle. Annie projette déjà de venir profiter des jeux extérieurs avec ses petits-enfants. Ingrid a une fille qui habite à Washington. Lorsque celle-ci viendra en visite, elle aura plaisir à lui faire admirer la nouvelle bibliothèque avec une fierté de propriétaire.

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Annie, Ulla et Ingrid / CC BY-SA Amandine Jacquet

Camilla et Katerina ont toutes les deux un bébé de moins d'un an. Elles avaient envie de se retrouver et ont choisi la bibliothèque pour cela. Malgré le temps nuageux et humide, Camilla n'a pas hésité à faire 3 km à pied pour rejoindre son amie à Dokk1. Elles aiment y séjourner car l'atmosphère est très agréable, la vue superbe et que les enfants y sont les bienvenus. De plus, il est facile de circuler dans les espaces avec les poussettes ou les landaus. Aujourd'hui, confortablement installées sur un canapé dans la section jeunesse, elles ont discuté en regardant la vue sur le port, mangé un sandwich et allaité leur bébé. Au contraire de Camilla, Katerina vient pour la cinquième fois à Dokk1. Elle y est même inscrite. Elle avait l'habitude de fréquenter l'ancienne bibliothèque, du temps où elle travaillait (son arrêt de bus était juste en face), mais avait cessé de la fréquenter depuis ces deux dernières années.

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Camilla et Katerina et leurs bébés / CC BY-SA Amandine Jacquet

Au final, pas un seul n'est venu pour les collections… Mais cela n'a sans doute que peu d'importance puisque comme le rappèle Marie Østergård, développeuse du projet, : « Nous ne construisons pas un bâtiment pour les collections, mais nous construisons un bâtiment pour les gens ».

[1] http://www.enssib.fr/le-dictionnaire/learning-center
[2] Next Library est un évènement pour les professionnels des bibliothèques qui se déroule tous les deux ans environ à Aarhus, Danemark. Il est basé sur l'interaction entre participants et se veut avant-gardiste et innovant.

Co-construire, partager, apprendre ensemble

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Le niveau de formation des personnels de bibliothèques a toujours été en étroite corrélation avec l'efficacité du service aux usagers et la performance des établissements documentaires. Pendant longtemps, les efforts se sont principalement concentrés sur la formation initiale, universitaire et professionnelle. Depuis quelques décennies, l'environnement des bibliothécaires connaît d'importantes mutations qui nécessitent la mise en œuvre permanente de capacités d'adaptation et de compétences sans cesse renouvelées. Sans cette dynamique, les services aux usagers pourraient se trouver rapidement inadaptés et l'utilité des bibliothèques remise en cause.

La formation tout au long de la vie s'est très largement développée, s'appuyant sur des technologies numériques, et est devenue plus accessible, offrant ainsi une première réponse à cette problématique : formations diplômantes via des plateformes d'enseignement à distance, modules spécifiques proposés par des MOOC, autoformation... Ces offres s'avèrent d'autant plus essentielles pour les bibliothécaires confrontés à des coûts de déplacements élevés et à une offre en présentiel limitée, comme c'est généralement le cas dans la Caraïbe.

Si les modalités de formation ont parfois radicalement changé, la façon de concevoir l'acquisition des compétences dans une relation hiérarchisée et duelle apprenant-enseignant, est restée relativement constante, même dans le cas des formations à distance. Elle fait face aux solutions d'auto-formation où l'individu est isolé, sans référant, ni échanges contextuels.

Ces modèles d'apprentissage ne constituent pas les seuls moyens d'acquérir et de développer des compétences, des capacités, des savoirs et des connaissances (Marsick & Watkins, 2001). Selon certains chercheurs, 90% de l'apprentissage se ferait de façon informelle, c'est-à-dire en dehors des dispositifs de formation. A ce jour, la question des apprentissages informels a été peu explorée en bibliothèque et on mesure encore peu l'impact joué par l'organisation du travail, de moins en moins verticale, dans les services documentaires. Ces façons d'apprendre, fondées sur l'échange, le partage et l'investissement du sujet autour de la co-construction de projets présentent pourtant des avantages pour les agents, tout autant que des effets directs sur les réalisations (Cross, 2011). La plasticité des compétences professionnelles développées est probablement l'une des clés de ces bénéfices (Rey, 2011). Le travail proposé ci-dessous s'appuie sur l'analyse du groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc (Pajard, 2014), à partir d'une expérience d'animation de ce groupe sur une durée de six ans mais également d'une enquête anonyme qui a été adressée à chacun des partenaires en 2015.

Projets collaboratifs, co-construction hybrides

On présente souvent les bibliothèques numériques collaboratives comme des projets dont l'intérêt réside dans la mutualisation des coûts, des infrastructures, des ressources technologiques et documentaires. Pour de petits territoires ou de petits établissements, la collaboration apparaît comme une nécessité pour ceux qui souhaitent s’engager dans des projets pérennes. Il s'agit donc pour chacun des acteurs de s'investir ensemble, de co-construire des collections numériques pour des lecteurs et de créer des espaces communs à partir de la diversité des contextes culturels, économiques, institutionnels, et des savoir-faire des uns et des autres. Le fondement du partenariat est constitué par l'apport de chacun à un projet commun ; qu'il s'agisse de moyens humains ou financiers. Chaque structure investie est donc partie-prenante d'un projet qu'elle contribue à façonner par sa participation.

L'exemple de la bibliothèque numérique Manioc est particulièrement intéressant à ce titre, car, si le groupe de travail des professionnels de la documentation que nous étudierons ici, au cœur du pilotage du projet, comprend une quinzaine de personnes, plusieurs centaines de personnes, issues d'une dizaine de structures (laboratoires de recherche, associations, fondations...) contribuent d'une façon ou d'une autre à accroître le nombre de documents disponibles : enseignants-chercheurs dans toutes les disciplines, informaticiens, secrétaires de laboratoire, représentants d'institutions, politiques, prestataires assurant la captation vidéo... Cette bibliothèque numérique en accès ouvert est un projet atypique qui inclut la numérisation de collections anciennes, tout autant que l'édition numérique de bases de données contemporaines.

Le projet, qui compte chaque année de nouveaux partenaires, n'est pas physiquement localisé en un lieu. Certains acteurs se trouvent en Guyane, d'autres en Guadeloupe, en Martinique, en France hexagonale ou en République dominicaine. Il est donc difficilement envisageable que des centaines d'acteurs se retrouvent simultanément en un même lieu. Il a donc fallu mettre en place un fonctionnement qui permette de s'adapter aux configurations changeantes tout en maintenant de la continuité entre les groupes d'acteurs. Si la coordinatrice et les responsables scientifiques assurent ce lien quotidien entre les différents groupes, cette continuité est aussi assurée par l'interface numérique qui propose l'accès unifié à l'ensemble des volets et renforce le sentiment d'appartenance à des dynamiques communes.

L'organisation est donc complexe et le rôle du groupe de travail qui réunit les professionnels des bibliothèques et de la documentation est central. Il est garant de ce décloisonnement qui permet que les documents et les informations proposés rencontrent des besoins, des usages qui ne sont pas calqués sur les logiques organisationnelles auxquelles répondent les groupes spécifiques. Outre le travail lié à la numérisation des fonds anciens qui constituent les collections physiques de leur établissement, les bibliothécaires assurent une fonction essentielle : la médiation, transversale à l'ensemble des volets de la bibliothèque numérique, médiation entre documents et lecteurs au cœur de laquelle se trouve l'activité de description des métadonnées des documents. Le caractère hybride et la plasticité de Manioc ont conduit à une organisation atypique du groupe de travail qui nous permet de présenter des pistes de réflexions pour rénover les organisations en favorisant l'acquisition de compétences par les professionnels et l'innovation pour les projets.

Projets collaboratifs : motivations, confiance et économie de l'attention

Au-delà des économies d’échelles réalisées, l’expérience proposée montre que l’engagement d’un établissement dans un projet collaboratif, s’il peut assurer une plus grande notoriété à l’établissement et accroître l'usage de ses collections, peut également avoir un effet direct sur le développement des compétences des personnes qui contribuent au projet.

La participation à un projet collaboratif s’inscrit dans une dynamique de partage d’expérience qui stimule les membres du groupe et permet à chacun d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances plus spontanément qu’au cours d’une formation. Les individus ne s'inscrivent pas a priori dans une démarche structurée d’apprentissage, ni dans une relation spécifique apprenant-enseignant ou l'un dispense le savoir et l'autre l'acquiert, ou l'un évalue, l'autre est évalué. L’attention est motivée par l’engagement et par l’atteinte des objectifs.

Dans le groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc, chaque personne investie dans le projet joue un rôle clé en relation avec ses fonctions professionnelles et ses compétences : sélectionner les ouvrages, préparer les envois pour la numérisation, décrire les documents, rédiger les spécifications, réaliser les développements informatiques, renseigner les usagers, assurer la médiation numérique sur facebook, wikipédia ou le blog... La fonction légitime la participation au projet dans son ensemble et permet à chacun d'aborder le travail en groupe avec une certaine confiance, dépourvue de la crainte de ne pas savoir, ou de ne pas obtenir une note satisfaisante, qui peut caractériser les formes traditionnelles d'apprentissage. Le rôle de chacun construit une expérience propre qu’il sera en mesure de partager et qui sera toujours différente de celle d’un autre membre du groupe. De plus, chaque individu sait qu'il œuvre au succès du projet, y apporte sa contribution, en fait partie. La fonction sert de point d’entrée mais ouvre en réalité vers tout un champ de partage des compétences professionnelles théoriques et pratiques, de connaissances culturelles, de savoirs-être favorisés par la convivialité et les liens qui se tissent entre les acteurs d'un groupe hétérogène ; ces éléments constituent un apport considérable et souvent sous-estimé, tant pour chacun des acteurs, que pour le projet dans son ensemble.

Le groupe de travail de Manioc comprend une quinzaine de personnes. Les échanges tout au long de l'année, prennent différentes formes :

  • échanges collectifs par email concernant tout ce qui est relatif aux réalisations et aux changements importants et sont surtout unilatéraux ;
  • échanges interpersonnels asynchrones (par email)
  • échanges interpersonnels synchrones via des dispositifs (téléphones, skype...) ou en présentiel pour certains groupes d'acteurs situés sur les mêmes territoires

 Chaque année, pendant trois jours, les professionnels se retrouvent également physiquement pour échanger autour de bilans, d’ateliers collaboratifs et de réunions destinées à construire ensemble le devenir du projet. Ces interactions en présentiel sont essentielles et n'ont pas d'équivalent avec ce qui pourrait être organisé via des technologies telle que la visio-conférence. Elles permettent à chacun de nouer des relations avec les autres membres du groupe, relations qui auront un impact fort sur la motivation des membres mais également sur l'attention qui sera portée aux informations ensuite transmises par voie numérique par l'un ou l'autre des membres (Eraut, 2004). L'individualisation des relations est au fondement d'une économie de l'attention que les technologies et services numériques tentent de recréer ou réinventer et qui se trouve ici capitalisée. Chacun va s'autoriser d'avantage de digressions en présentiel, la pause méridienne sera l'occasion de discussions directement liées ou non à l'activité professionnelle, qui permettront à chacun de s'intéresser à l'autre, de développer une certaine proximité, voire des connivences. Les échanges postérieurs, à distance, ne seront donc pas anonymes. Les conditions seront également réunies pour penser le devenir des projets avec davantage de liberté et de créativité souvent porteuses d'innovation pour le projet. Chacun va acquérir aux cours des échanges et travaux, des connaissances et des compétences sans même en avoir une conscience immédiate.

Retour d'expérience : qu'ont appris les acteurs du projet ?

Nous sommes partis de l'observation de situations concrètes du groupe de travail et des compétences que les acteurs nous semblaient acquérir au fil des années –observation nourrie par quelques années d'expérience dans le domaine de la formation professionnelle en présentiel et à distance- pour concevoir le questionnaire anonyme qui a été adressé à chacun des participants.

L'observation a fait apparaître le triptyque suivant : situation (liée à l'engagement), action du sujet (en relation avec son engagement), compétences et ou connaissances acquises.

Le processus qui favorise le développement des connaissances s'observe dès la situation initiale, la participation au projet. Il s'intensifie et se complexifie au cours de deuxième étape, caractérisée par la participation effective au projet.

Exemple du processus observé : situation, actions du sujet, compétences, savoirs ou connaissances acquis lors de la première étape.

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Exemple du processus observé : situation, actions du sujet, compétences, savoirs ou connaissances acquis à lors de la première étape

Lors de la première étape, le sujet est motivé par l'objectif. Lors de l'étape 2, outre l'objectif commun, les situations et les actions sont caractérisées par les interactions entre professionnels qui deviennent fondamentales dans le processus d'apprentissage informel réciproque.

Exemple du processus observé : situation, actions du sujet, compétences, savoirs ou connaissances acquis lors de la deuxième étape.

  • Communiquer avec des partenaires à distance >> je vais chercher à utiliser les outils nécessaires pour communiquer les informations et échanger >> Acquérir des compétences en bureautique, logiciels et outils de communication divers (email, skype, facebook), google site, interface professionnelle du site...
  • Participer à l'analyse des usages >> je vais chercher à comprendre les outils statistiques, essayer d'interpréter les données et m'interroger sur les pratiques numériques >> Compétences outils (logiciel d'analyse statistiques comme google analytics), développement des capacités d'analyse des interfaces à partir des usages
  • Ecouter chaque “spécialiste” présenter le bilan de son travail >> je vais bénéficier de son expérience : exemple, le catalogueur explique les choix fait par le Sudoc, la procédure de traitement et montre les notices dans le catalogue, le reversement dans worldcat… >> Compétences théoriques formats bibliographiques et échanges de données
  • Travailler ensemble pendant les ateliers de médiation numérique des collections >> je vais rédiger avec d'autres des articles pour valoriser les collections, nous recherchons des informations sur un personnage, un événement, un auteur, une thématique pour écrire notre article, nous débattons >> Développement de la culture générale et de la connaissance des collections, développement des capacités rédactionnelles. Compétence d'écriture numérique selon les dispositifs (réseaux sociaux, wikipédia) et de conception d'animations, de jeux.

Il est important de préciser que l'organisation du groupe, articulée sur les fonctions et non sur la position hiérarchique, a probablement un impact non négligeable sur les bénéfices observés. Cette organisation est étroitement liée au caractère du projet puisque les professionnels proviennent d'établissements distincts et occupent des fonctions distinctes.

L'une des clés du développement des connaissances et compétences des acteurs tient probablement à l'hétérogénéité du groupe : différents parcours professionnels, origines géographique distinctes, services ou spécialités différentes, types d'usagers quotidiennement accompagnés différents[1]...

Cette diversité des profils se retrouve dans les réponses particulièrement disparates à la question  portant sur les principaux atouts que l'individu pense apporter au projet.

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Quels sont selon voux vos principaux atouts dans Manioc (savoir-faire et savoir-être) ?

On peut alors supposer que le sentiment de complémentarité favorise la dynamique de groupe et l'investissement des acteurs qui s'avère favorable au projet.

Parmi les douze personnes interrogées, toutes ont considéré qu'elles avaient acquis des connaissances et/ou compétences du fait de leur participation au projet. En moyenne chaque personne a considéré avoir acquis entre sept et huit compétences parmi celles proposées. Outre les éléments spécifiques au projet, le partage d'expérience apparaît comme un facteur clé de l'apprentissage caractérisé par la  réciprocité.

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Participer à un projet de numérisation vous a permis :

Les autres compétences ont toutes été sélectionnées par une ou plusieurs des personnes interrogées mais de façon plus hétérogène, ce qui montre, comme nous en faisions l'hypothèse, que chacun acquiert des compétences différentes, complémentaires, effet lié à l'hétérogénéité du groupe.

On constate aussi que la participation à ce projet collaboratif a renforcé la motivation des personnes interrogées pour développer leurs compétences mais aussi rénover leurs pratiques professionnelles. On peut supposer que l'impact dépasse donc le cadre du projet collaboratif visé et que les répercussions touchent d'autres activités exercées agissant sur la performance globale de l'établissement de rattachement.

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Retour sur l'expérience

Enfin, onze des douze personnes interrogées indiquent que la participation au projet peut avoir un effet favorable sur leur carrière professionnelle (avancement, concours...).

Conclusion

L'observation réalisée de même que l'enquête auprès des acteurs du groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc démontrent que la participation à des projets collaboratifs peut avoir un fort impact sur le développement des compétences des professionnels. La poursuite d'objectifs communs, l'hétérogénéité des groupes, l'organisation fonctionnelle non hiérarchique, la reconnaissance de l'apport de chacun, la personnalisation des relations, l'hybridité des modalités de communication (face-à-face, distance) ainsi que la place prépondérante qui peut être accordée à la dimension conviviale de l'organisation, nous apparaissent comme les facteurs clés favorisant l'apprentissage informel et l'innovation.

Outre l'acquisition immédiate de connaissances théoriques et de savoir-faire pratiques, l'expérience révèle la corrélation entre la participation au projet et la motivation des personnels pour s'inscrire dans une dynamique de formation tout au long de la vie et de rénovation des pratiques professionnelles au sein de leurs établissements. Malgré les critiques de certains chercheurs face à la demande d'engagement des sujets de plus en plus croissante dans le monde professionnel (Wittorski, 2008), demande perçue comme une pression du monde du travail, on constate une perception positive à très positive de l'engagement déclarée par l'ensemble des acteurs dans le cas de notre exemple. Ces conclusions pourraient conduire les travaux critiques à interroger davantage les modalités de l'engagement des sujets, les techniques d'organisation et de management des groupes plutôt que l'engagement lui-même.

Les bénéfices de ce type d'organisation, assurant le décloisonnement de services, de territoires, de compétences et favorisant le partage d'expérience, concernent probablement en premier lieu le projet lui-même en rendant possible l'émergence d'idées originales et créatives. Cependant, il nous est apparu intéressant de souligner ici les dynamiques sous-jacentes qui irriguent les individus et restent encore des pistes peu explorées pour repenser les modalités de développement personnel et professionnel dans une relation très différente, et probablement complémentaire, de celle des dispositifs de formation.

Bibliographie

Cross, J. (2011). Informal learning: Rediscovering the natural pathways that inspire innovation and performance John Wiley & Sons.

Eraut, M. (2004). « Informal learning in the workplace », Studies in Continuing Education, 26(2), 247-273. doi:10.1080/15803704200022524

Marsick, V. J., & Watkins, K. E. (2001). « Informal and Incidental Learning », New Directions for Adult and Continuing Education, 2001(89), 25-34. doi:10.1002/ace.5

Pajard, A. (2014). « Visibilité sur le Web du patrimoine Caraïbe-Amazonie : le projet « Manioc.org » », In C. Frémaux (Ed.), Rencontres Caraïbe-Amazonie : méthodes et expériences d'inventaire du patrimoine (Ibis Rouge ed., ). Cayenne: Ibis Rouge.

Rey, L. (2011). « L'étonnante plasticité des compétences professionnelles et la bibliothèque numérique », Bulletin des bibliothèques de France, (4)

Wittorski, R. (2008). « La professionnalisation », Savoirs, 17(2), 9-36. http://www.cairn.info/revue-savoirs-2008-2-page-9.htm

[1] Il est cependant important de noter que plus des 3/4 des acteurs ont un niveau de formation supérieure relativement élevé (bac +3 ou plus), une formation professionnelle et une expérience de plus de 10 ans en bibliothèque, ce qui contribue probablement à renforcer la légitimité du groupe.


Une brève histoire d’Okina

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Introduction

Ouverte à sa communauté en février 2015, Okina, l’archive ouverte institutionnelle de l’Université d’Angers, a été développée au sein d’un projet global autour de l’Open Access.

Les lignes qui suivent retracent l’histoire de cette archive et la manière dont Okina est née puis a été portée politiquement. Elles se penchent également sur les choix techniques comme stratégiques ou humains effectués le long du chemin, qui ont permis que de vagues idées se concrétisent dans un objet fonctionnel né de (presque) rien.

L’histoire d’un choix

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L'histoire d'un choix

1.1 La Genèse

Si plus d’une année de discussions, de réflexions et d’études des possibles a précédé la décision officielle de mettre en place une archive locale, l’histoire d’Okina trouve son déclencheur dans un premier projet qu’il faut évoquer ici, dans lequel il s’agissait de répondre au besoin exprimé par un laboratoire souhaitant disposer d'un outil de gestion de ses références bibliographiques intégré au site web de l'unité, tâche impossible à réaliser avec Amétys, le CMS utilisé par l'Université d'Angers.
En cours d’instruction, cette demande est apparue rapidement comme une opportunité idéale pour proposer des solutions plus ambitieuses (en l’espèce, une archive institutionnelle), mettre en lumière toutes les spécificités bibliographiques de ce type de projet (exposition des données, interopérabilité des formats, etc) et bien entendu poser la question de l'Open access et des archives ouvertes.
Plutôt que de se contenter de répondre à la commande exprimée, la stratégie a alors été de se positionner à un niveau plus général de la problématique soulevée, et de proposer à l’Université d’Angers de se lancer dans une politique ambitieuse d’Open Access tout en se dotant d’une archive institutionnelle. C’est à ce moment que s’enclenchent les premières pièces du puzzle de ce qui deviendra Okina, et c’est là que les premières discussions politiques commencent.
Le vice-président recherche de l’Université, Christian Pihet, alors contacté, est immédiatement convaincu et une première intervention est faite en Conseil scientifique au printemps 2012 afin de présenter d’une manière générale l'Open access et une première esquisse de ce que pourrait être l'archive institutionnelle de l'UA. Des contacts sont également pris dès l'automne 2012 avec le PRES LUNAM, qui se montre intéressé par l'expérience proposée dans le cadre évident d’une éventuelle extension ultérieure à l'échelle de la région.
Un comité de pilotage du projet en émergence est à ce moment monté, qui compte parmi ses membres le vice-président recherche, le vice-président du numérique Stéphane Amiard, la directrice recherche de l'époque, trois directeurs de laboratoire représentant les SHS, les Sciences Exactes et la Santé, une représentante de la Direction du Développement du Numérique, la directrice par intérim de la bibliothèque universitaire et la bibliothécaire chef de projet, Stéphanie Bouvier. Suite aux premières réunions de ce comité, un cahier des charges des fonctionnalités attendues est validé, qui comprend trois grands volets : modalités de dépôt, valorisation et services, archivage pérenne.
À ce moment de l'histoire d’Okina, les auteurs de cet article sont rattachés au SCD de l'Université d’Angers. Celui-ci connaît alors une période d'incertitudes, la direction étant vacante depuis quelques mois et l'intérim assuré par la directrice adjointe Nadine Kiker. Prenant officiellement la direction du SCD en septembre 2012, Nathalie Clot demande que soit réétudiée la question de l'archive locale versus une utilisation directe de HAL[1], et conditionne l'utilisation d'une archive institutionnelle au vote d'un mandat officiel valant obligation de dépôt pour les chercheurs.
Des comparatifs fonctionnels sont alors réalisés, des scénarios soulignant les implications RH respectives établis. À la suite de la semaine Erasmus passée par la chef de projet à l'ULg, pionnière en matière d'archive ouverte institutionnelle avec ORBi ouverte dès 2007, une délégation angevine se rend à son tour à Liège : le président de l'UA, Jean-Paul Saint-André, la directrice du SCD, le VP numérique et un directeur de laboratoire y rencontrent Paul Thirion, directeur des bibliothèques universitaires, et Bernard Rentier, alors recteur de l'Université, convaincu de la première heure du bien-fondé de l'Open access et des archives locales. Celui-ci trouve les mots pour achever de convaincre le président.
En mars 2013, lors du CS qui suit ce voyage liégeois, le principe d'une archive institutionnelle locale et connectée à HAL est officiellement voté, puis c'est au tour du texte d’un mandat de dépôt[2] d'être adopté en CS et CA en avril 2013. Le travail technique commence lors de l’été 2013.

Le local ou le portail ?

S’il semble évident que HAL joue un rôle de plate-forme nationale qui n'est pas à remettre en cause, il paraît tout aussi évident que la priorité du CCSD doit rester la diffusion en open access et qu’il faut éviter de “tordre” l'outil pour en faire une base de gestion interne aux institutions, dérive qui présente le risque de multiplier les dépôts de notices seules (ce type de dépôt représente actuellement environ deux tiers du nombre total de dépôts HAL). En ce sens, logiquement, les archives institutionnelles locales paraissent essentielles à développer au sein des institutions souhaitant avoir une vue exhaustive de leurs publications.
Par ailleurs, les archives locales permettent de disposer classiquement de fonctionnalités absentes de HAL. Ainsi, dans le cadre d’un mandat d’obligation de dépôt des fichiers, et en l'absence d'une directive politique claire enjoignant à diffuser systématiquement la version auteur en accès libre, il est nécessaire de permettre la modulation des droits d'accès aux fichiers car tous ne peuvent pas — sauf choix personnel des auteurs — être diffusés en accès libre. En l’occurrence, HAL permet d'entrer une référence avec fichier diffusé en accès libre, le cas échéant après une période d'embargo pouvant aller jusqu'à deux ans, mais HAL ne gère pas l’accès restreint, ce qui oblige à déposer une notice nue lorsque les droits de diffusion en accès libre ne sont pas acquis[3]. HAL, ici, ne répondait clairement pas à l’un des besoins de l’UA puisqu’il était important pour l’Université que tout fichier puisse être déposé et diffusé, de manière directe ou non.
Il paraissait également primordial d’être au plus près des besoins des chercheurs, et de bénéficier du retour des utilisateurs pour procéder à des améliorations immédiates ou à la création de nouveaux services. Cette proximité, permettant une réactivité maximale dans le cas d’une équipe maîtrisant son outil et son planning de développement ou de paramétrages, était évidemment assurée uniquement dans le cas d’une archive institutionnelle locale.
Enfin, le souhait premier était de travailler avec le souci permanent de faciliter autant que possible le travail des chercheurs. Cet objectif, apparemment simple, a de nombreuses implications, allant de l’identification automatique sans nécessité de création de compte sur un site externe, à l'ergonomie du formulaire, qu’il s’agissait de rendre le plus intuitif possible. La plate-forme nationale HAL, que ce soit sous sa forme générique ou ses portails, ne répondant pas à ces critères, il a été finalement fait le choix d’une archive institutionnelle locale.

La gestion du projet

Les Ressources Humaines

Dans la vie d’Okina, une étape importante s’est produite début mai 2013, lorsqu’une lettre de mission signée du président de l'Université a été adressée à la chef de projet. Ce document précieux rappelait en effet les objectifs poursuivis et la tutelle politique du projet (en l’occurrence, le vice-président délégué au développement du numérique) tout en en fixant les contraintes, en particulier de délai, soit mars 2014 pour la mise en oeuvre d'un outil bêta, mars 2015 pour la généralisation de son utilisation à l'ensemble des unités.
Les  moyens humains étaient également précisés dans ledit document :

- sur 2013 :

  • 1 Bibliothécaire titulaire temps plein pendant 8 mois ;
  • 1 ASI recherche 50 % pendant 8 mois ;
  • 1 Contrat Bibliothécaire temps plein 4 mois à partir du 01/09 ;
  • 1 Développeur temps plein 7 mois à partir du 01/06 ;

- sur 2014 :

  • 1 Bibliothécaire titulaire temps plein pendant 8 mois ;
  • 1 ASI recherche 50 % pendant 12 mois ;
  • 1 Contrat Bibliothécaire Temps plein 8 mois jusqu'au 31/08 ;
  • 1 Développeur temps plein 5 mois jusqu'au 31/05 ;
  • Finalisation de l'une ou l'autre fonction ci-dessus pour mise en production 01/09/2014 : 3 mois TP ou 6 mois 50% ;

Dans les faits, en mode projet, soit de l'été 2013 à l'été 2015, l'équipe archive ouverte a compté les éléments suivants :

  • une chef de projet, bibliothécaire titulaire, 80% puis 100% ETP à partir de janvier 2015 : Stéphanie Bouvier ;
  • un développeur de la Direction du Développement Numérique, à temps plein, de l'été 2013 à décembre 2014 : Baptiste Judic ;
  • un ASI contractuel à temps plein, de septembre 2013 à août 2015 : Emmanuel Lemoine

Trello, une aide précieuse

Concernant le quotidien de la gestion de projet,  deux tableaux de bord Trello[4] ont été utilisés pour gérer le travail technique d’une part, et organiser l’intégration des laboratoires d’autre part. Outre sa facilité de prise en main et la qualité de son interface, Trello dispose en effet de fonctionnalités fort utiles, telles que la possibilité d’assigner des tâches à des individus, de mentionner des échéances pour chaque item, de catégoriser les “cartes”, de dresser des listes à cocher, etc.[5]
Le tableau de bord technique, utilisé prioritairement par le développeur et la chef de projet, a permis de lister les fonctionnalités souhaitées, de préparer de la documentation en vue des développements, de planifier les réalisations et de les suivre. Concrètement, ce tableau se compose des éléments suivants, de gauche à droite : une wishlist (comprenant encore de nombreux items, peut-être pour une v2 future ?), trois listes priorisant les fonctionnalités à réaliser, “étape 3”, “étape 2”, “étape 1”, une liste “en cours” et une liste “réalisé”.
Le tableau de bord “laboratoires”, partagé entre l’assistant ingénieur et la chef de projet, a été pour sa part utilisé pour dresser les listes de laboratoires par pôles, référencer les correspondants pour chaque laboratoire, et organiser les vagues d’intégration des unités.

Quelques détails de méthodologie

Dans les coulisses

Tout le travail effectué lors du projet Okina s’est fait suivant l’inspiration de la méthode agile : priorisation des attendus, déploiement d’une v1 (en interne dans un premier temps) proposant des fonctionnalités élémentaires, et implémentation des développements ultérieurs au fur et à mesure de leur réalisation sur un outil déjà en production.
Cette manière souple de faire permet en effet une grande réactivité et des ajustements immédiats en fonction des retours des utilisateurs, et donne des résultats intéressants pour des configurations du type de celle en place sur ce projet.
Après avoir au départ essayé d’adopter et d’appliquer très scrupuleusement la méthode SCRUM, il est vite apparu que la petite taille de l’équipe rendait les choses un peu artificielles. Il a donc été décidé de mettre en place plus simplement des points d’étapes très réguliers avec Daniel Bourrion, supérieur hiérarchique de la chef de projet, dans le rôle du facilitateur, ces points constituant autant de bilans temporaires en plus des échanges permanents permis par la proximité physique[6] et la taille réduite de l’équipe-projet (3 personnes).
Concernant la v1 d’Okina, elle a été ouverte en interne en avril 2014, sans le module de tirés à part, et évidemment sans le module d’envoi dans HAL dont la conception a occupé les trois derniers mois de l’année 2014. Avant sa mise en production, cette v1 a été testée une première fois, et alors même que le travail de mise en page graphique n’avait pas débuté, par un chercheur en ingénierie des systèmes choisi pour sa familiarité avec les questions de développements informatiques : le fait que le site soit peu présentable et en désordre ne constituait pas un obstacle à ces tests et à ces retours. Une fois l’habillage graphique réalisé, de nouveaux tests ont été réalisés avec des chercheurs chimistes.
Dans la même logique, les modules développés ont fait l’objet d’une batterie de tests successifs : d’abord éprouvés dans un premier temps par la chef de projet et l’assistant ingénieur[7], ils ont ensuite été pris en main par les utilisateurs eux-mêmes[8] de manière informelle. Les bêta-testeurs n’ont en effet pas été réunis spécifiquement pour réaliser des scénarios prédéfinis, du fait du risque de désamour que représentaient de trop nombreuses sollicitations, mais il leur a été demandé de décortiquer l’outil et de faire tout retour qu’ils pouvaient juger utile, ce qu’ils ont fait très volontiers.
Enfin la version 2 d’Okina a été mise en production en février 2015, et ouverte dès lors au grand public, des ajustements continuant depuis cette date à se faire sur l’outil, en fonction des demandes et des ressources humaines disponibles pour y répondre.

Des utilisateurs et des contenus

Afin d’assurer l’intégration des laboratoires, une première vague de test a été constituée avec huit laboratoires volontaires, de discipline, taille et rythme de publications variés. Après cette première expérience destinée à rôder la procédure envisagée, les autres laboratoires ont été ventilés en cinq vagues prises en charge successivement d’octobre 2013 à juin 2015 par l’assistant ingénieur et la chef de projet, qui en assuraient conjointement l’encadrement et l’accompagnement.
Pour ce qui concerne le processus d’intégration, il comprenait plusieurs phases successives, de la vérification de la liste du personnel aux formations desdits personnels en passant par la reprise du rétrospectif des chercheurs. Par ailleurs, il a été demandé à chaque laboratoire de désigner en son sein un correspondant - IGE ou chercheur selon les unités, parfois même directeur du laboratoire - avec qui l’équipe-projet pouvait échanger et travailler directement.
Le mandat imposant le référencement des publications depuis 2008, et pour ne pas décourager les chercheurs, il avait été par ailleurs décidé que l’équipe-projet Okina se chargerait directement du rétrospectif[9] des laboratoires correspondant à la période 2008-2012. Ceci a constitué l’une des deux principales missions de l’assistant-ingénieur, l’autre versant de ses tâches consistant en la formation des utilisateurs[10]. À lui seul, l’assistant ingénieur a ainsi créé au final dans Okina, en lieu et place des chercheurs, plus de 7000 notices bibliographiques.
Pour que cette tâche conséquente puisse être réalisée, il a été demandé à chaque laboratoire de fournir ses données bibliographiques sous la forme de son choix. Dans de rares cas, des bases bibliographiques existaient déjà en interne, permettant de disposer d’exports dans des formats standards connus d’Okina. Plus souvent, il a fallu travailler à partir de listes au format doc ou pdf.
Le travail consistait alors à créer des enregistrements Zotero pour chaque publication, en recherchant préalablement chaque élément en ligne, afin de récupérer des notices plus complètes que les seules informations fournies dans des citations parfois bien lacunaires. Une fois que la collection du laboratoire était complète dans Zotero, un import dans Okina était effectué. Enfin, et c’était là la partie de loin la plus rébarbative, il “restait” à repasser sur chaque notice pour mentionner les affiliations UA du ou des auteurs[11] des publications. Ceci terminé, il était temps de passer à la phase suivante, des formations.
Pour ces formations, le schéma a été d’organiser d’abord une présentation générale d’Okina et du projet à destination de l’ensemble des membres du laboratoire, présentation assurée par la chef de projet et l’assistant ingénieur[12]. Ensuite, des formations composées de petits groupes d’une douzaine de personnes maximum et prises en charge par l’assistant-ingénieur, aidé de la chef de projet, étaient proposées aux laboratoires, sur plusieurs créneaux horaires, à plusieurs dates. Enfin, en dehors de ces formations de groupes, des formations individuelles étaient et sont toujours dispensées à la demande.
On notera qu’il est apparu très nettement que le facteur décisif d’une mobilisation maximale des chercheurs, doctorants et autres personnels d’un laboratoire était l’investissement de son directeur dans le projet : si celui-ci était absent des échanges préalables, peu motivé ou inintéressé, les interventions sur un projet tel que celui décrit ici ne parvenaient à toucher que des chercheurs motivés par ces problématiques à titre individuel. Au contraire, dans les cas où le directeur adoptait et présentait Okina comme l’outil du laboratoire, les interventions faisaient pour ainsi dire salle comble.
Lors des formations, il était demandé aux publiants de se munir des fichiers de leurs articles depuis 2012. Un premier temps permettait de leur apprendre à ajouter leurs documents sur les notices 2012 pré-saisies par Emmanuel Lemoine. Les participants étaient ensuite formés à déposer les références complètes de leurs parutions postérieures à 2012. Évidemment, les chercheurs ont apprécié de trouver dès leur première connexion des listes de publications déjà associées à leur nom, et ils étaient naturellement enclins à compléter ces listes avec les publications n’y figurant pas encore.
Concernant la création des comptes et l’attribution des droits nécessaires au dépôt dans Okina, elle a reposé sur une extraction de la liste du personnel et des doctorants affiliés à tel ou tel laboratoire à partir d’Harpège et d’Apogée, envoyée pour vérification au correspondant de chaque laboratoire pour correction, signalement des départs en retraite ou ajout des nouveaux arrivants. Au retour de la liste corrigée vers l’équipe-projet, une copie en était envoyée pour information aux services RH de l’Université pour d’éventuelles mises à jour, puis la liste finale était finalement importée dans Okina, avec attribution automatique du rôle “déposant” aux comptes ainsi créés.
Cette manière de procéder a émergé du fait qu’aucun référentiel “personnes” n’était suffisamment à jour pour travailler sur une récupération automatique des données dans Okina via des connexions LDAP[13] : ces données n’auraient pas été fiables. Toujours est-il que lors des séances de formation, les utilisateurs n’avaient qu’à se connecter : sans création de compte ou opération préalable à exécuter, ils avaient directement accès au dépôt.

Le zoom technique

Drupal et ses modules

Après le choix de construire une archive institutionnelle locale, et considérant qu’aucun des outils spécialisés présents sur le marché en 2012-2013 ne disposait de l’ensemble des fonctionnalités souhaitées, décision avait été prise de partir d’une base applicative existante et de réaliser les développements nécessaires.
Du fait des compétences locales construites autour de Drupal et de ses multiples possibilités, déjà mises en oeuvre avec le site web de la BU d’Angers[14] et surtout DUNE[15], l’archive des travaux étudiants de l’UA, le choix s’est rapidement porté sur ce CMS, dont le principal avantage est sans conteste que nombre de fonctionnalités peuvent être imaginées et créées grâce à de simples paramétrages de vues et de règles automatisant le déclenchement d’actions[16].
Un certain nombre de modules déjà existants et bien maintenus rendaient de plus immédiatement disponibles des fonctionnalités attendues. Citons en particulier :

  • CAS[17], pour l’identification des usagers de l’Université ;
  • Bibliography[18], pour la gestion des références bibliographiques ;
  • Search API[19], son extension Biblio Search API, et Facet API pour la recherche parmi les références ;
  • Views OAI-PMH[20] pour l’implantation du protocole éponyme ;
  • Download count[21] pour les statistiques de téléchargements.

Certaines fonctionnalités offrant des éléments plus spécifiques ont en revanche nécessité un développement intégral, toujours en respectant la logique de Drupal, c’est-à-dire sous la forme de modules activables ou non en fonction des nécessités de chacun :

  • Biblio ContributorsAffiliations pour la gestion des affiliations dans les notices ;
  • Biblio Contributors Affiliations HAL, qui permet d’étendre les fonctionnalités du précédent en permettant la récupération de nouveaux laboratoires déjà référencés dans AureHAL ;
  • Biblio Export HAL, pour l’envoi des notices depuis Okina vers HAL ;
  • Biblio Files qui permet une gestion fine des fichiers et de leurs modalités d’accès ;
  • Biblio Files Request pour les tirés à part ;
  • Biblio Sherpa Romeo pour la récupération et l’affichage des informations de Sherpa Romeo directement dans le formulaire de dépôt Okina.

Si certains de ces modules sont très simples (Biblio Sherpa Romeo par exemple), d’autres sont clairement plus complexes (l’envoi dans HAL en particulier). Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces développements, plus le montage intégral du site, la sélection des modules à déployer, leur configuration, la réalisation de l’habillage graphique du site, et tous les paramétrages, ont été effectués sur une période courant de l’été 2013 à décembre 2014.

Métadonnées et fonctions bibliographiques

On l’a vu précédemment, la gestion des références bibliographiques dans Okina repose sur un module dédié préexistant au projet, nommé Bibliography. Ce module, riche et intéressant, dispose de fonctionnalités dont certaines méritent qu’on s’y arrête quelques lignes.
Dans le cahier des charges initial, les références bibliographiques devaient pouvoir être entrées de différentes manières, d’une part à l’unité ou en lots, d’autre part en étant entièrement créées ex nihilo ou précomplétées automatiquement à partir d’un DOI par exemple. C’est justement l’une des fonctionnalités natives du module Bibliography qui est ici utilisée et qui permet au déposant d’opter pour la complétion manuelle du formulaire, un copier-coller Bibtex ou RIS, ou encore un import à partir d’un DOI ou d’un PubMedID. Ce module permet également l’import d’un lot de notices[22] sous forme de fichiers BibTex, Endnote, RIS, MARC, etc. En outre, Bibliography propose un dédoublonnage a priori lors des imports sur DOI, PubMedID ou copier-coller BibTex/RIS : ce qui a déjà été importé, un DOI par exemple, ne peut l’être une seconde fois, et Okina redirige en ce cas automatiquement l’utilisateur vers la notice préexistante[23].
Toujours dans l’éco-système Drupal, signalons au passage Bibliography advanced import[24], un module très intéressant offrant nombre de possibilités puisqu’il permet de définir les règles de repérage des doublons et l’action à mener (ne rien faire, mettre à jour, remplacer). Ce module n’a toutefois pas été utilisé sur Okina, en particulier parce qu’il ne prend en compte que les métadonnées et qu’il n’est pas possible de définir une règle qui favoriserait la conservation d’une notice avec fichier par rapport à une notice seule.
Bien entendu, une fonction d’export des références dans divers formats standards était prévue et est également assurée par le module Bibliography, qui fournit les formats BibTex, RTF, EndNote, MARC, RIS, selon des règles de mapping de champs paramétrables via l’administration du module (dans les sens import comme export).
Enfin, pour ce qui concerne les métadonnées d’Okina, elles sont exposées en OAI-PMH grâce au module Views OAI-PMH[25]. Notons ici que l’exposition par sets n’est en revanche pas implantée de manière native dans le module et qu’elle nécessiterait un développement qui n’a pas été jugé prioritaire et n’a finalement pas été réalisé à cette date.

Fichiers, tirés à part

L’un des choix initiaux du projet a été de permettre aux utilisateurs de déposer les versions auteur ou éditeur de leurs papiers, et de choisir pour chaque fichier ses modalités de diffusion selon trois possibilités : accès libre, accès restreint (accès à la seule communauté de l'UA, après identification), ou confidentialité. De cette manière,  tous les fichiers, sans exception, peuvent être déposés dans Okina.
Précisons par ailleurs que, contrairement à ORBi par exemple, le dépôt du fichier n’est pas requis sur Okina, quel que soit le type de publication : même si le mandat requiert qu’un fichier soit joint aux notices d’articles publiés depuis 2012, il est techniquement possible d’enregistrer une référence bibliographique seule. Ce choix a ses avantages et ses inconvénients. La présidence ayant souhaité utiliser Okina pour les extractions HCERES, en fixant comme priorité les références bibliographiques jusqu’à l’automne 2015, une autre option n’aurait de toutes façons pas pu convenir jusqu’ici. On peut espérer toutefois que la pédagogie, l’émulation entre pairs et une politique forte en faveur de l’accès ouvert favoriseront le dépôt systématique des fichiers dans un avenir très proche.
L'objectif premier d'une archive ouverte restant la diffusion la plus large possible des travaux de la recherche, il fallait également disposer d'une fonctionnalité permettant aux auteurs de distribuer des tirés à part de leurs articles aux utilisateurs qui leur en feraient la demande, que les fichiers soient en accès restreint ou confidentiels. Le fameux bouton, "request copy", parfois sujet de polémiques, a donc fait l’objet du développement d’un module spécifique.

Une logique permanente de facilitation

Okina dispose évidement de fonctionnalités, plus ou moins classiques des archives ouvertes ou même de sites web, telles que la recherche à facettes. Les lignes qui suivent ne se penchent cependant que sur certaines de ces fonctionnalités plus "particulières".
Toutes les raisons susceptibles de créer un rejet d’Okina par les chercheurs ont d’une manière générale été autant que faire se pouvait écartées. En l’occurrence, les arguments classiques en défaveur des archives ouvertes sont bien connus : “on nous demande toujours du travail administratif supplémentaire”, ou “mes papiers sont déjà dans ResearchGate”. Citons aussi, mais assez rarement à l’UA où curieusement le dépôt dans HAL était peu fréquent et la plateforme nationale peu connue de la majorité des chercheurs jusqu’à l’émergence du projet Okina, le fameux “je dépose déjà dans HAL”, ou enfin le tout aussi classique “le formulaire est incompréhensible”.

L’interface

Pour répondre à ce dernier argument, un soin particulier a été apporté à l’ergonomie du formulaire de dépôt[26], qui comporte un minimum de champs obligatoires (ils sont au nombre de 3 : le titre, l’année, le type de document), choix radical fait en comptant sur le bon sens des déposants pour qu’ils en complètent davantage, et sur une modération a posteriori par des bibliothécaires pour enrichir les notices si besoin.

Le lien avec HAL

Il s’agissait également d’éviter que le dépôt dans Okina soit vécu comme “encore un dépôt de plus”,  le challenge étant au contraire de faire de l’archive institutionnelle le lieu de dépôt unique pour l’UA avec dissémination automatique ou facilitée vers d’autres archives ou sites. En particulier, compte tenu du contexte national, il était indispensable de développer un connecteur Okina-HAL, l’archive centrale ne moissonnant pas les dépôts institutionnels, au contraire de ce qui se fait en Belgique. Pour cela, un travail a été mené à partir de la documentation technique du CCSD et en collaboration avec Laurent Capelli via échanges de mails, dès le passage en production de la v3 de HAL à l’automne 2014[27].
Notons que, côté utilisateur, l’envoi dans HAL n’est pas systématique puisque c’est au déposant de décider s’il souhaite procéder à un dépôt HAL en simultanéité avec son dépôt Okina. Plusieurs raisons motivent ce choix.
D’abord, il a semblé essentiel que l’utilisateur accepte lui-même les conditions de HAL, considérant qu’il n’était pas de la mission des gestionnaires de l’archive, simples intermédiaires, d’endosser cette responsabilité. En particulier, il n’était pas question que des envois systématiques de fichiers fassent postérieurement au dépôt l’objet de demandes de retrait par les utilisateur, demandes que les gestionnaires locaux auraient eu à traiter avec le CCSD, et qui iraient de plus à l’encontre de la politique de HAL[28]. En outre, un dépôt HAL systématique aurait participé à la création de doublons dans le cas d’auteurs hors UA déposant déjà dans HAL, en raison de l’absence de contrôle sur les notices sans texte intégral côté plateforme nationale.
En tous cas, lors d’un envoi vers HAL, et HAL étant plus exigeant que Okina pour ce qui concerne les métadonnées, le déposant se voit demander de procéder à la complétion des champs obligatoires dans HAL éventuellement laissés vides jusque là côté Okina. Pour cette raison, il est d’ailleurs apparu à l’usage que certains déposants renoncent à l’envoi dans HAL mais la simplicité de dépôt dans l’archive de l’établissement étant la priorité, le choix du nombre minimal de champs obligatoires a été maintenu pour ne pas ralentir l’adoption de l’outil.

L’Import-export

Toujours dans cette  logique de point d’entrée unique permettant des exploitations multiples des données, Okina propose des services d’import mais aussi d’export des références bibliographiques. Que ce soit à l’échelle du laboratoire ou du chercheur, des exports aux formats bibliographiques et bureautiques standards (BibTex, RIS, Endnote, doc, pdf, html…) sont disponibles pour tout ou partie des références (par exemple par type de documents, panier de sélections). Des flux XML permettent également une récupération automatique des références dans des sites tiers. Enfin, parmi les fonctionnalités souhaitées au départ du projet mais malheureusement non réalisées faute de temps de développement disponible figure l’envoi dans d’autres archives, en particulier arXiv[29].

Un bilan

Coté utilisateurs

Sur environ 900 utilisateurs potentiels[30] à l’Université, 257 ont été formés par l’équipe-projet et 389 ont créé au moins une notice dans Okina. La mobilisation par laboratoire s’est révélée par ailleurs fluctuante, jusqu’à l’exemple enthousiasmant de quelques laboratoires au sein desquels les correspondants sont apparus très actifs, suivant les dépôts “locaux” et formant eux-mêmes leurs collègues. Quoi qu’il en soit, 604 personnes parmi les utilisateurs potentiels se sont connectées au moins une fois à la plate-forme.
Malgré ces bons chiffres, une part importante de la communauté reste toutefois encore à sensibiliser, notamment dans le domaine de la Santé où plusieurs laboratoires n’ont manifesté aucun intérêt pour l’outil en ne semblant pas voir l’intérêt des archives ouvertes du fait de l’existence de PubMed.
Du point de vue qualitatif, pour ce qui concerne les utilisateurs, ils expriment sans ambiguïté lors des formations leur satisfaction[31], en particulier en ce qui concerne la simplicité de l’outil, la facilité de prise en main d’Okina étant à peu près systématiquement soulignée comme une bonne surprise. Les services sont également appréciés, ainsi que la réactivité de l’équipe, tant dans le suivi quotidien des dépôts que dans les réponses concrètes apportées aux suggestions d’amélioration.

Coté contenus

12987 références bibliographiques sont signalées dans Okina à ce jour. Parmi elles, 5690 ont été créées par les chercheurs eux-mêmes, ce qui représente une moyenne de plus de 14 références par utilisateur déposant, le reste des dépôts étant le fruit du travail de reprise du rétrospectif évoqué plus haut, et d’une aide ponctuelle apportée aux laboratoires pour leur permettre d’extraire leur liste de publications en temps et en heure pour l’HCERES. Si le mandat de dépôt requiert le signalement des productions depuis 2008, on notera que certains chercheurs ont rapidement compris l’intérêt de l’outil et signalé l’ensemble de leurs publications, y compris certaines remontant aux années 1980.

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Okina en chiffres

Sur les 5690 références créées par les membres des laboratoires, 1955 sont accompagnées d’au moins un fichier, qui totalisent 14 775 téléchargements (hors robots).
Par ailleurs, 3160 notices correspondent aux critères du mandat voté par l’Université[32], mais seules 715 comportent un fichier, soit 23% des notices concernées. Ce pourcentage constituerait un score plutôt bon pour une archive ouverte non régie par un mandat de dépôt. Dans le cas d’Okina, on voit bien que la politique officielle de l’Université en la matière n’a pour le moment pas de répercussion concrète sur l’utilisation de l’archive ouverte institutionnelle.

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Articles avec comité de lecture depuis 2012

Plusieurs explications peuvent être apportées. La première est sans doute que, fin 2015, du fait de l’échéance HCERES[33], la priorité de la gouvernance a clairement porté sur l’obligation de signalement des références et non sur l'obligation de dépôt de fichiers.
Ensuite, il n’existe actuellement aucun contrôle du respect du mandat, et aucune conséquence, positive ou négative, n’est définie pour qui se plie (ou ne se plie pas) à ce mandat, demeurant de fait pour l’instant une invitation plus qu’une réelle obligation.
Une fois l’évaluation HCERES terminée, l’accent devrait cependant à nouveau être mis sur la dimension Open access du projet, et il est à espérer que se mette en place une réelle politique en la matière avec l’appui des élus et de la direction recherche de l’Université.

En dehors de ces considérations, et pour information, à ce jour, près de 64% des documents déposés dans Okina sont diffusés en accès libre, 26% en accès restreint et à peine moins de 10% sont dits confidentiels : il est manifeste que la proportion des documents librement accessibles pourrait encore progresser.

Coté coulisses

Côté coulisses, la difficulté majeure se situe actuellement dans la sortie du mode projet d’un programme lancé voilà plusieurs années, et l’attribution de ressources humaines pour le suivi courant d’Okina, qu’elles relèvent du Service Commun de la Documentation, de la Direction recherche ou de postes en dehors de ces deux services. En l’espèce, plusieurs scénarios ont été construits pour accompagner cette nécessaire sortie de mode projet, qui attendent encore une prise de décision.
L’assistant ingénieur n’est en tous cas plus en poste à l’Université depuis septembre 2015 du fait de la fin de son CDD. Les auteurs de cet article ont pour leur part été mis à disposition par le SCD sur un nouveau service de la Direction du Développement du Numérique, le Lab’UA[34], et le projet Okina a suivi ces personnes puisqu’il n’était évidemment pas question de l’abandonner en l’absence de réorganisation de sa gestion humaine.
Actuellement, deux personnes assurent le suivi quotidien d’Okina, soit sa chef de projet et un personnel magasinier du SCD, à temps partiel et en télétravail, depuis septembre 2015. Pour cette dernière personne, le travail consiste au contrôle qualité des métadonnées au fur et à mesure des dépôts puisqu’il n’y a pas de validation a priori des enregistrements faits par les utilisateurs mais en revanche, un contrôle a posteriori des notices, corrigées ou complétées le cas échéant, avec rappel au déposant, si besoin, des mentions essentielles qu’il aurait omis (son laboratoire par exemple).
Ce suivi quotidien est primordial et les éventuels échanges avec le chercheur doivent être fait le plus rapidement possible après le dépôt. Cette réactivité a en effet des conséquences très positives : les déposants répondent, des échanges s’en suivent, des formations se mettent également en place, parfois le jour même. Partant, ce suivi est apprécié, les utilisateurs constatant qu’ils sont réellement accompagnés dans leur démarche de dépôt, ce qui ne peut que les satisfaire, voire les rassurer.
De nombreuses tâches ne sont cependant pas encore passées dans les missions courantes d’autres ressources humaines qui seraient dévolues à Okina. À terme, il faut espérer que d’autres personnels s’occuperont côté SCD des métadonnées, mais aussi des fichiers. De plus, il serait grandement souhaitable qu’un personnel prenne en charge le suivi des référentiels laboratoires et auteurs, ainsi que celui des mouvements de personnel au sein des unités.

Coté outil

Du strict point de vue technique, le développeur qui est intervenu dans ce projet a veillé à appliquer les bonnes pratiques de développement pour Drupal. Il respectait par là l’objectif premier de réaliser des modules utilisables par tous, et disposant donc d’interfaces de configuration pour tous les éléments variant d’une instance à l’autre, le but final avoué étant de mettre ces modules à disposition de la communauté Drupal.

L’une des ambitions de ce projet était aussi de réaliser une distribution Okina prête à l’emploi incluant tous les modules indispensables à une archive ouverte institutionnelle, et qui pourrait être diffusée, déployée et réutilisée facilement par d’autres établissements ou institutions. Ici, le temps a malheureusement manqué au développeur pour parfaire ce packaging si bien que les modules créés ne sont pour la plupart pas partagés en ligne à cette date. Ce point est d’autant plus frustrant qu’il ne reste que peu de travail à effectuer pour que ces modules soient parfaitement réutilisables, mais à l’heure actuelle, d’autres priorités ont éclipsé cette question. Le souhait demeure toutefois d’aller au bout de ces développements pour finaliser dès que possible une distribution Okina, aboutissement logique de la démarche ici retracée.

Si Okina est plutôt une réussite du point de vue de l’expérience utilisateur, des points noirs subsistent pour les professionnels amenés à suivre les dépôts, comme pour toute application similaire.
En particulier, aucune solution miracle n’a été trouvée à la question des multiples formes auteurs, ce qui suppose encore d’effectuer une vérification systématique des noms d’auteur sur chaque nouveau dépôt afin de fusionner si nécessaire les formes dans le référentiel auteurs, pour ce qui concerne les chercheurs de l’Université.
Du fait de l’import des nouveaux laboratoires depuis HAL, le problème des nombreux doublons existant dans la base HAL d’origine se reporte également sur Okina. Une alerte a donc été mise en place, qui signale chaque nouveau laboratoire importé : il arrive encore que des chercheurs importent une occurrence nouvelle d’un laboratoire de l’Université, et créent ainsi un doublon, ce malgré les efforts de pédagogie et de mise en valeur graphique de la ligne à choisir déjà présente dans le référentiel Okina. Ce suivi-quaité, effectué quotidiennement par la chef de projet, n’est pas délégué pour le moment : aucune ressource humaine n’est présente pour le prendre en charge, et cette prise en charge suppose en outre comme pré-requis d’être très familier des sigles, codes, labels des unités de l’Université.

En guise de conclusion

Au final, le projet Okina a été mené à bien dans les délais impartis et fonctionne à présent au quotidien dans un mode de production satisfaisant, même s’il faut encore éclaircir la manière dont il sera pris en charge dorénavant par les différents partenaires présents au sein de l’Université.
Au-delà des enjeux liés à l’Open Access, la mise en place d’Okina a également été l’occasion de prouver qu’un tel projet pouvait être préfiguré, monté, organisé et réalisé dans des délais relativement courts à l’aide d’une équipe légère mais motivée, pour peu qu’un appui politique vienne soutenir les efforts, et que des modes de fonctionnement agiles, peu hiérarchiques, soient privilégiés.
Projet d’établissement, Okina doit à présent s’ancrer définitivement dans les habitudes des chercheurs. Ici, ce n’est plus tant d’un sprint dont il s’agit, que qu’une course de fond - une toute autre discipline.

 

[1] dont la version 3 tarde alors à passer en production, et n'arrivera finalement qu'à l'automne 2014.

[2] cf. http://okina.univ-angers.fr/politique-de-depot

[3] Certains chercheurs angevins ont d’ailleurs expliqué que n’étant pas sûrs de leurs droits, ils préféraient ne jamais déposer de fichier dans HAL, dans le doute.

[4] https://trello.com/

[5] Dans le cadre du projet Okina, la version gratuite, tout à fait suffisante, a été utilisée. Il est probable qu’aujourd’hui, le choix se porterait plutôt vers Framaboard, un équivalent libre à Trello proposé par Framasoft.

[6] Bureaux voisins, le développeur ayant rejoint nos locaux le temps de ce projet, ce qui a grandement facilité le travail.

[7] Exécution de scénarios prédéfinis, visant autant que possible l’exhaustivité des situations.

[8] Participation de chercheurs et ingénieurs de plusieurs laboratoires, toutes disciplines confondues, pour les tests de tel ou tel module.

[9] entendre ici, la création des seules notices bibliographiques.

[10] en plus d’autres tâches allant des tests de développements sur la plateforme en cours de montage, à l’organisation d’une journée d’études autour du droit d’auteur et de l’Open access (vidéos de la première journée : https://www.youtube.com/playlist?list=PLPWXvik2JaF8KM5cGxa6rnL21siJUTdRW / vidéos de la seconde journée : https://www.youtube.com/playlist?list=PLPWXvik2JaF937tW0Zv3Y47YG8GdFQswH )

[11] Compte tenu de la charge de travail, des RH disponibles et du calendrier, le pragmatisme a prédominé et il a été décidé de ne pas récupérer les affiliations des auteurs des publications ne relevant pas de l’Université.

[12] Pour un certain nombre d’unités, des présentations sur l’Open access avaient en plus déjà eu lieu les mois ou années précédentes.

[13] Il existe en effet un module Drupal LDAP qui permet de récupérer automatiquement dans les champs du compte utilisateur des attributs prédéfinis, ce qui rend tout à fait envisageable pour l’avenir, sous condition de qualité du référentiel, de connecter Okina à un annuaire LDAP afin que les comptes et droits soient délivrés automatiquement.

[14] http://bu.univ-angers.fr/

[15] http://dune.univ-angers.fr/

[16] Comprendre, “sans écrire une seule ligne de code”.

[17] https://www.drupal.org/project/cas

[18] https://www.drupal.org/project/biblio

[19] https://www.drupal.org/project/search_api

[20] https://www.drupal.org/project/views_oai_pmh

[21] https://www.drupal.org/project/download_count

[22] Dans tous les cas toutefois, pour des raisons de qualité des données, il est apparu nécessaire de repasser sur ces notices présaisies à l’unité ou en lot pour ajouter les affiliations des auteurs et si possible les fichiers. Pour cette raison nous avons réservé l’import par lot aux administrateurs de la plateforme, et décidé d’imposer aux utilisateurs le passage par le formulaire en mode édition.

[23] Des vues ont par ailleurs été créées, listant de possibles doublons en repérant les occurrences de titres etc.

[24] https://www.drupal.org/project/biblio_advanced_import

[25] https://www.drupal.org/project/views_oai_pmh

[26] Sur ce point, les commentaires des chercheurs lors des formations semblent attester d’une réussite indéniable.

[27] L’ouverture tout public d’Okina a d’ailleurs été reportée pour cette raison : l’intégration du module de connexion HAL devait être effective pour l’ouverture, et il n’était pas question de commencer à travailler à partir des webservices de la v2 voués à l’obsolescence quelques mois plus tard, ce qui serait revenu à doubler les développements nécessaires.

[28] Il aurait été certes possible d’envisager un envoi systématique des seules métadonnées, mais cela n’a pas semblé souhaitable, HAL étant pensé pour la diffusion des fichiers avant tout.

[29] Les mathématiciens, utilisateurs de HAL, ont sur ce point insisté sur les avantages que représenterait cette possibilité pour eux par rapport à l’option d’envoi dans arXiv via HAL.

[30] Membres des unités de recherche et disposant des droits de dépôt.

[31] Pour l’Open access week 2015, une vidéo intitulée “Okina vue des labos”  a été réalisée, offrant à entendre les retours de six utilisateurs (chercheurs, directeurs d’unité, ingénieur) membres de trois laboratoires (domaines de recherche : langues, littérature et linguistique, ingénierie des systèmes, sciences et technologies moléculaires).

[32] Rappelons que ce mandat requiert le dépôt du texte intégral pour les seuls articles parus depuis 2012 dans des revues à comité de lecture.

[33] Rapports HCERES à extraire d’Okina à l’automne 2015

[34] le lab’UA est une structure dédiée à l’accompagnement de la communauté des enseignants et des chercheurs en matière d’innovation au service de la pédagogie et de la recherche. Son site web a pour adresse http://labua.univ-angers.fr/

Anuki, prix de la Biennale du numérique 2015

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Naissance du projet   

La Bibliothèque départementale de la Somme (BDS) met en œuvre depuis plusieurs années des résidences d'auteur sur son territoire avec le soutien de la DRAC et notamment depuis 2011 des résidences d'auteur de bande dessinée, dont l'objectif est d'initier et de sensibiliser les publics à la bande dessinée autour de l’œuvre de l'auteur accueilli.
Ce dispositif est l'aboutissement d'un travail de long terme car la BDS et l’association amiénoise de promotion et de diffusion de la bande dessinée « On a marché sur la bulle » travaillent ensemble depuis 20 ans. Ce partenariat a permis la co-réalisation de supports d’animation, en particulier des expositions sur panneaux autour de thématiques ou d’œuvres emblématiques du 9e art, ayant vocation à circuler dans les bibliothèques et collèges de la Somme.
Depuis 2012, la BDS a diversifié son approche des supports de médiation autour du livre afin de permettre la proposition d'animations originales et variées dans son réseau, notamment autour du numérique. L'introduction des tablettes tactiles dans l'offre proposée a fait naître l'envie d'aller plus loin dans l'approche des résidences d'auteur de bande dessinée. Un appel à projet de la Région Picardie autour de l'innovation numérique auprès des jeunes publics a été une opportunité pour la mise en œuvre de ce souhait.
La bande dessinée muette, dans laquelle se sont spécialisées les éditions de la Gouttière, branche éditoriale de l’association « On a marché sur la bulle », apparaît comme le média le plus approprié aux idées qui avaient déjà germé. En effet, par son absence de texte, la bande dessinée muette est le support idéal pour accentuer l'appropriation des codes de conception de cet art et de la lecture de l'image pour un jeune public découvrant par ailleurs la lecture textuelle.
Anuki n'est pas inconnu des lecteurs du département de la Somme grâce aux actions de médiation autour de l’œuvre auprès des scolaires et du public des bibliothèques, ainsi qu'à la présence régulière des auteurs sur les salons du livre. Contactés, l’illustrateur Stéphane Sénégas et le scénariste Frédéric Maupomé sont vite enthousiasmés par ce projet novateur.

Comment naît une application ?

Les auteurs se sont attelés à l’importante tâche d’écriture et d’illustration, car l’application Anuki n’est pas une simple retranscription numérique d’un volume de la bande dessinée, mais bien une création originale. Frédéric Maupomé a rédigé des scénarios inédits et Stéphane Sénégas a dessiné la bible graphique permettant de mettre en scène Anuki et ses amis.

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L'application Anuki

Parallèlement, le studio Lumini, retenu dans le cadre de l'appel d'offre, a travaillé à la conception de la coquille technique, à l’intégration des contenus au fur et à mesure des envois des auteurs, à leur animation et à l’ambiance sonore, le tout étant piloté par la Bibliothèque départementale de la Somme. Après huit mois de travail, de phases de tests et de validations, le village indien installe son campement sur les plate-formes de téléchargement Android et Apple.

Anuki en appli

Dès l’origine du projet, la Bibliothèque départementale et les auteurs souhaitaient un outil de médiation d’un nouveau genre pour amener les enfants vers la lecture de bande dessinée. Le projet a donc pris la forme d'une application permettant la lecture et la composition de planches. L'application s'adresse à des enfants à partir de 8 ans car, quand bien même la bande dessinée est muette, ils doivent être en mesure de comprendre les codes de la bande dessinée et de concevoir de courts scénarios.

L'application se compose comme suit :

- Histoire : une courte histoire interactive disponible à la lecture ;

- Création de planches : il est possible de composer soi-même une planche de la bande dessinée en choisissant le nombre de cases, le fond, les éléments de décors, les mouvements et attitudes des personnages ainsi que les émotions qu’ils expriment. Cette partie a demandé un travail important à Stéphane Sénégas pour obtenir un panel diversifié et réaliste des indiens et des animaux qui peuplent le monde d’Anuki. L’ensemble est exportable et imprimable ;

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L'application Anuki
 
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Chasse à la poule / Application Anuki

- Section ludique : pour aller plus loin dans la découverte de son univers, Anuki propose aux enfants de jouer avec lui. Dans le « photomaton », il est possible de devenir le héros de sa propre bande dessinée en prenant un « selfie » qui sera inséré à la place du visage de l’un des jeunes indiens, cette possibilité étant également offerte dans la section de création, permettant ainsi d'être le héros de sa bande dessinée. Pour les plus jeunes, des coloriages et un jeu de memory sont proposés, faisant ainsi un lien vers l'exposition interactive sur panneaux conçue par « On a marché sur la bulle » puisque l'on y retrouve également ces jeux ;

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Découvrir Anuki dans 3 jeux exclusifs / Application Anuki

- Section documentaire : un making-off de la création du tome 5 d’Anuki est présenté pour comprendre comment une bande dessinée vient au monde, depuis les scénarios et les premiers traits de crayons, jusqu’à la sortie du livre en librairie. Les deux auteurs ont pris le soin d'y insérer un lexique expliquant les termes techniques. Deux courtes vidéo permettent également d'appréhender les étapes du crayonné et de la colorisation.

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Section documentaire de l'application Anuki

- Section édition : les 5 tomes publiés à l'heure actuelle sont présentés avec le résumé et quelques visuels de planches.

Résidence d'auteur

La réalisation de l’application Anuki n’est que le début de l’aventure. Le but est d’en faire un support complémentaire de médiation et de sensibilisation à la lecture et à la bande dessinée.
Une résidence d’auteur de trois mois a ainsi été mise en place avec Stéphane Sénégas d'octobre à décembre 2015 dans cinq bibliothèques du département (Pernois, Saint-Ouen, Conty, Roisel et Ham). L’objectif de cette résidence a été de faire travailler des enfants de 8 à 10 ans autour de la conception d’une bande dessinée, du lien entre conception graphique et informatique, et entre livre papier et application numérique. Chaque enfant a expérimenté la composition de planches scénarisées depuis l’application et découvert de manière interactive les codes de la bande dessinée, sans avoir l’appréhension de « mal dessiner ».
La prise en main de l'outil par les enfants a été intuitive, le travail d'encadrement de l'auteur et des bibliothécaires a principalement porté sur l'accompagnement des enfants dans la composition : à partir de phrases d'accroche proposées par Frédéric Maupomé, les enfants ont conceptualisé leur idée et conçu leur planche. Chacune de ces planches a bénéficié d'analyses et de conseils quant à la cohérence narrative, la cohérence et la lisibilité du positionnement des éléments, permettant ainsi une approche pédagogique douce et ludique pour faire comprendre ce qui fonctionne ou pas dans l'aspect général et la compréhension intellectuelle par le lecteur de l'histoire muette ainsi réalisée.
Au total, pas moins de 170 enfants ont participé aux ateliers et rencontres dans ce cadre.
Ils peuvent ensuite retrouver Anuki chez eux puisque l’application est disponible gratuitement au téléchargement.

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Ateliers Anuki / ©CBazin-CD80

Un outil de médiation

L’application Anuki est l’un des supports de médiation qui peuvent amener au goût du livre et de la lecture, aux côtés du kamishibaï, du théâtre d’ombre et du tapis narratif qui ont été exploités et, pour certains, spécifiquement créés dans le cadre de cette résidence.
L’application est également présentée et valorisée lors des salons du livre soutenus par le Département ou encore dans le BD bus (bibliobus dédié depuis 2009 aux actions culturelles autour de la bande dessinée) et proposée comme support d’animation aux bibliothèques dans le cadre des ateliers « clefs en main » conçus par la BDS pour son réseau dans le cadre des Nouvelles Activités Périscolaires. Elle est également installée sur l’ensemble des tablettes prêtées au réseau de lecture publique de la Somme et téléchargeable depuis le site de la Bibliothèque départementale  via des QR codes.

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QR codes de téléchargement de l'application Anuki

 

Une fiche pratique de prise en main et de conduite d'ateliers autour de l'application est également proposée pour les médiateurs, bibliothécaires ou enseignants, sur le site de la BDS.
Le prix de l'innovation en bibliothèque décerné par l'enssib le 23 novembre 2015 lors de la biennale du numérique est une reconnaissance de ce travail de médiation et d'innovation de longue haleine dont la BDS et le Département de la Somme sont particulièrement fiers.

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Pour cette occasion, la Bibliothèque départementale et « On a marché sur la bulle » avaient conçu un poster

L'application est téléchargeable gratuitement sur les plate-formes de téléchargement car l'objectif est de partager cet outil avec le plus grand nombre : auprès des enfants qui participent aux ateliers tout d'abord car ils peuvent ainsi la retrouver chez eux et effectuer de nouvelles créations, mais aussi et surtout des professionnels de lecture publique, de l'animation et de l'enseignement.

L'application Anuki fait partie d'une stratégie plus globale de promotion et de diffusion du numérique, aux côtés de l'Histoire d'école Flamboyant le courageux, conçue avec La Souris qui raconte et l'auteure Anne-Sophie Gousset, et de la version numérique de Chuut ! de Barroux, album distribué en 2015 aux parents de nouveaux-nés dans le cadre de l'opération « Des parents, des bébés, un livre » labellisée Premières Pages par le Ministère de  la Culture et de la Communication. L'ensemble de ces projets numériques est disponible à l'adresse suivante : http://www.bibliotheque.somme.fr/bibliotheque-numerique/creation-numerique.html

Les bibliothèques d'écoles d'art et de design

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Actrices à part dans le monde des bibliothèques, les bibliothèques des écoles d'art et de design françaises et de Monaco sont un réseau de bibliothèques spécialisées, majoritairement constitué de petites structures. Elles ont rapidement su se fédérer pour proposer des outils de recherche dans le vaste champ de l'art et du design, et exister comme des entités à part entière dans les réseaux de l'art contemporain et des écoles d'art.

Les professionnels qui les animent, issus de cursus artistiques, des métiers du livre, de la documentation ou de formations en Histoire de l'art, sont notamment chargés de constituer, de gérer et de mettre en valeur leurs ressources, en lien avec la pédagogie des écoles et l'actualité artistique locale, nationale et internationale.  Ils soutiennent également les étudiants et l'équipe pédagogique dans leurs travaux de recherche, par un accompagnement de ces publics, qui va du renseignement ponctuel à des actions de formation ou à des modes de suivis personnalisés. Confrontés aux changements qui, depuis le début des années 2010, traversent les écoles d'art et de design, leurs bibliothèques se situent aujourd'hui dans une période charnière que nous avons tenté de rendre grâce notamment à une enquête[1].

Vers un rapprochement des écoles d'art et de l'université

Introduit en 1999 par les accords de Bologne, le processus d'harmonisation européenne des enseignements supérieurs prévoit notamment une architecture des études en trois grades (Licence-Master-Doctorat), une semestrialisation des études et la délivrance de crédits ECTS (European credits transfer system = système européen de transfert et d'accumulation de crédits), répartis par enseignements et transférables d'un établissement à l'autre, à l'échelle européenne, facilitant la circulation des étudiants, enseignants et chercheurs ainsi que la reconnaissance des diplômes à l'échelle européenne.

Pour que le DNSEP (Diplôme national supérieur d'expression plastique), délivré par les écoles d'art après cinq années d'études, soit reconnu au grade de master, les écoles d'art ont dû s'adapter aux préconisations d'une évaluation de l'AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur)[2] publiée en 2010 à partir d'un échantillon de sept établissements, à la demande des ministères de l'Enseignement supérieur et de la Culture.  Préconisations qui prévoyaient notamment l'introduction d'un travail de mémoire de la part des étudiants, calqué sur un modèle universitaire, un adossement de l'enseignement à la recherche, et une autonomie des établissements, devant s'organiser sur le modèle des établissements publics et des établissement publics de coopération culturelle[3] ou EPCC (pour les écoles territoriales).

Cette réforme a amené les bibliothèques d'école d'art, alors majoritairement municipales, à changer de statut. En accordant plus de place à l'écrit dans la formation des étudiants[4] et à la recherche, elle a amené également les bibliothécaires à s'interroger sur l'évolution de leurs missions, en s'impliquant par exemple davantage dans la formation des étudiants, mais également dans la recherche en art et en design et dans la visibilité de la production écrite et éditoriale des écoles. Les dernières évolutions de la Base spécialisée art & design, gérée par l'association Bibliothèques d'école d'art en réseau (BEAR)[5] et dont nous proposerons un aperçu historique, traduisent cette volonté tout comme la nécessité des bibliothèques d'école d'art et de design d'exister au sein d'un réseau autonome.

Un réseau de bibliothèques spécialisées

Les bibliothèques d'école d'art appartiennent aux bibliothèques spécialisées, et en possèdent toutes les caractéristiques : des structures de petite taille, un personnel spécialisé et des collections couvrant un champ précis de la connaissance. Dans leur “écosystème”, les revues tiennent une place centrale, documentant un domaine en mutation constante.

Des structures de petite taille

Les bibliothèques d'écoles d'art forment un réseau constitué majoritairement de petites structures : 19 bibliothèques, parmi les répondants à l'enquête comptent moins de 2 professionnels. 9 bibliothèques comptent entre 2 et 5 salariés et seule la bibliothèque de l'ENSBA de Paris compte plus de 10 salariés. Malgré leur faible masse salariale, les bibliothèques offrent des plages d'ouvertures importantes qui les rapprochent plus des bibliothèques universitaires que des bibliothèques municipales[6] par exemple : une enquête interne réalisée en 2012 auprès du réseau décompte une moyenne de 38h d'ouverture hebdomadaire, avec des différences, à quelques exceptions près, peu significatives suivant les bibliothèques. Cette large amplitude horaire implique une organisation du travail différente : dans une bibliothèque ne comptant qu'un seul professionnel, les tâches dites internes de catalogage, de gestion des commandes, … etc doivent en grande partie être réalisées sur le temps dévolu à l'accueil du public.

Des professionnels spécialisés

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Formation initiale des répondants à l'enquête

Les répondants à l'enquête, dont on peut penser qu'il s'agit principalement des responsables des bibliothèques interrogées, sont largement issus de cursus universitaires. Travaillant dans des bibliothèques spécialisées, les bibliothécaires d'écoles d'art ne viennent pas uniformément des filières métiers du livre, même si ils sont une majorité à avoir suivi ces cursus. 13 professionnels viennent de l'art : école d'art, filière universitaire en art, École du Louvre. 6 professionnels ont suivi un cursus double : art et métiers du livre quand seulement 13 autres professionnels viennent uniquement des filières métiers du livre/documentation/bibliothèque. On observe donc , parmi les répondants à l'enquête, une répartition équilibrée entre filières artistiques et métiers du livre.

Une large présence dans les réseaux municipaux et universitaires

Avant de former des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), les écoles d'art étaient majoritairement des structures municipales. Leurs bibliothèques faisaient alors partie du réseau des bibliothèques municipales. Si des bibliothèques ont quitté ce réseau une fois leur école devenue EPCC, elles sont encore nombreuses aujourd'hui (50%) à être intégrées dans le catalogue des bibliothèques municipales de leur territoire. Cette présence, malgré le changement de statut des écoles d'art, garde une pertinence en terme de recherche de documents et de circulation des publics sur un territoire donné, certaines villes proposant un catalogue interrogeant à la fois les fonds des bibliothèques généralistes et spécialisées (bibliothèques des archives, centres de documentation de FRAC...).

Le rapprochement des écoles d'art avec l'Université a, par ailleurs, encouragé les bibliothèques d'écoles d'art à intégrer le Sudoc, catalogue fédérant les bibliothèques d'enseignement supérieur. 32% des bibliothèques référencent leurs collections dans le Sudoc. Chiffre auquel il faut ajouter les 8,8% de bibliothèques qui référencent leurs périodiques dans ce même catalogue. 12% des bibliothèques font, enfin, partie d'un catalogue constitué de bibliothèques d'établissements d'enseignement supérieur locales.

Classification universelle ou spécifique? Logique de réseau local ou adaptation aux collections?

Les bibliothèques municipales et universitaires françaises utilisent en majorité la Classification décimale de Dewey (CDD), ou son dérivé, plus précis dans les indices et adapté au monde universitaire  : la classification décimale universelle (CDU). Ces deux classifications sont adaptées aux fonds généralistes et encyclopédiques de ces deux types de bibliothèques. Elles présentent en sus, l'avantage d'être universelles et standardisées, comme peut l'être le format UNIMARC des notices de catalogues, ou l'utilisation de RAMEAU pour les vedettes-matières, facilitant à la fois logique de réseau, et cadre de travail commun à tous les bibliothécaires.

Les bibliothèques d'écoles d'art utilisent en partie (44%) la classification Dewey. Ce chiffre monte à 60% des bibliothèques faisant partie du catalogue des bibliothèques municipales de leur territoire, pour les bibliothèques ayant choisi cette classification universelle. Ce chiffre renforce l'idée d'une utilité de la classification Dewey dans le cadre d'un réseau où figurent des bibliothèques municipales à vocation généraliste. 

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Présence des bibliothèques dans des catalogues communs par type de classification

Mais il est intéressant de constater que 56 % des bibliothèques interrogées passent par une classification "maison"[7] pour organiser leurs collections et que ces bibliothèques sont, en règle générale, moins imbriquées dans les réseaux municipaux ou intercommunaux : 42% d'entre elles font partie du catalogue des bibliothèques municipales de leur territoire. Elles sont, en revanche, plus présentes dans le Sudoc que les bibliothèques utilisant la classification Dewey : 42% d'entre elles font partie de ce catalogue qui regroupe les bibliothèques d'enseignement supérieur.

Si la Dewey offre tous les avantages liés à la standardisation, elle reste mal adaptée à un fonds spécialisé en art, à moins de procéder à des adaptations. Son découpage, d'abord, en grandes disciplines (peinture, sculpture, photographie et cinéma...), ne correspond plus à l'actualité de l'art contemporain, où prime aujourd'hui la transdisciplinarité. Les fonds des bibliothèques spécialisées en art contemporain restent, par ailleurs, partiellement organisés par types de documents : monographie, catalogue d'exposition, essai...etc. Ce qui conduit également certaines bibliothèques à adopter une classification mixte : “maison” pour les monographies et Dewey pour le reste du fonds par exemple ou à procéder à des adaptations de la classification Dewey.

Des acquisitions concertées avec l'équipe pédagogique

Les suggestions de l'équipe pédagogique sont recueillies par toutes les bibliothèques. Afin de documenter au mieux les enseignements des écoles, leur actualité propre, mais aussi solliciter les domaines d'expertises des enseignants, l'équipe pédagogique, pour certaines demandes précises, est fréquemment consultée. Les bibliothèques du réseau utilisent majoritairement un mode de communication informel (échanges de mails, de vive-voix, demandes postées sur le site de la bibliothèque) ou la bibliographie (d'un cours, sur un sujet, à partir d'un projet) pour recueillir les suggestions.

Ces suggestions peuvent être une source d'information évaluée au regard de la politique documentaire, de la vision globale du fonds que, dans la plupart des cas, seul le bibliothécaire détient. Mais dans certaines bibliothèques, le choix est d'accepter toutes les suggestions de l'équipe pédagogique, en ce qu'elles émanent des principaux prescripteurs de lecture auprès des étudiants : les professeurs.

Dans trois bibliothèques du réseau les acquisitions se font, pour tout ou en partie, de manière concertée avec l'équipe pédagogique par l'intermédiaire d'un comité de lecture. Les professeurs interviennent alors directement dans la mise en pratique de la politique d'acquisition avec le bibliothécaire. Un choix intéressant pour des structures de petite taille où il n'y a, souvent, qu'un bibliothécaire acquéreur : la multiplicité des voix, la mise en débat des acquisitions permettant plus de diversité dans les choix.

Revues et veille documentaire

Dans un domaine où l'on demande au bibliothécaire de suivre à la fois une certaine actualité liée à l’événement (expositions, biennales…), et de détecter, suivre des artistes émergents, d'orienter sa politique documentaire dans le champ du contemporain, la revue tient une place importante dans le travail de veille documentaire qui précède les acquisitions, dont elle est une des sources ; la source principale avant l'existence d'internet.

Elle documente également une certaine Histoire de l'art contemporain et est une source importante de la recherche documentaire. Sa périodicité permettant d'approcher “l'art en train de se faire”[8], plus qu'aucune autre source documentaire : entretiens d'artistes en cours de création, polémiques, contexte d'actualité proche ou lointaine... Elle permet également de découvrir des “auteurs qui, faute d’avoir publié des livres ou enseigné dans de célèbres écoles, sont aujourd’hui oubliés, alors que leurs analyses ont eu une influence sur la création de leur époque”. Elle était aussi, au XXe siècle, d'après Didier Schulmann, conservateur au Musée national d'art moderne, “un espace de rencontre, de confrontations, de discussions, et de construction : un espace où se préparaient des initiatives collectives, que ce soit pour des lancements de manifestes, des expositions, des diffusions d’une œuvre, de ce qu’on appellerait aujourd’hui une performance qui pouvait être une soirée à l’initiative de Dada ou autre…[9]”.

La nécessité d'élaborer un outil permettant d'interroger cette source de manière large – compte tenu du nombre important de titres édités -, actualisée et fine – par artiste, critique, lieu...etc -, s'est donc fait sentir de manière précoce, avant même l'avènement d'internet, parmi les bibliothécaires d'écoles d'art.

Des bibliothèques qui travaillent depuis longtemps en réseau : l'association BEAR et la Base spécialisée art & design

La capacité des bibliothèques à s'associer sous forme de réseaux, afin d'élaborer des outils de travail, des catalogues, des espaces de réflexion communs, leur permettra de garder une pertinence à l'heure de l'information globalisée et de la mobilité. Les bibliothèques d'écoles d'art, par l'intermédiaire de l’École nationale supérieure des Beaux arts de Paris puis de l'association BEAR (Bibliothèques d'écoles d'art en réseau) ont, dès les années 70, réussi à se fédérer autour d'un outil commun de dépouillement des revues à destination des professionnels, des chercheurs et du grand public, mais  également d'un réseau d'échange, de travail, de rencontres inter-écoles d'art.

Une initiative ancienne : le Bulletin signalétique des arts plastiques

Le réseau BEAR, dont l'acte fondateur remonte à 2011, est l'héritier d'une initiative ancienne : le BSAP (Bulletin signalétique des arts plastiques). En 1969, le ministre des affaires culturelles André Malraux crée l'Institut de l'environnement[10], qui tente de développer la recherche et d'élaborer un enseignement pluridisciplinaire de l'architecture et des arts plastiques. Dès 1971, l'Institut de l'environnement en tant que lieu d'enseignement disparaît, mais la recherche, fortement centrée sur l'architecture, le centre de documentation – qui tient une place centrale — et l'activité intellectuelle et éditoriale de l'institut subsistent. Le centre de documentation est animé par une équipe de documentalistes qui crée un dépouillement en réseau des périodiques dès 1974[11]. Intégrées à l’École nationale des Beaux arts de Paris, avec Mathilde Ferrer à leur tête, elles créent une salle d'actualité, transforment la bibliothèque en médiathèque et créent également les éditions de l'ENSBA.

Ce travail de dépouillement en réseau, qui associe les bibliothécaires de l’École nationale des Beaux arts de Paris et des écoles régionales, sera publié sous format papier jusqu'en 1999 ; puis sous la forme d'une base accessible en ligne sur le site de l'ENSBA de Paris. Une liste de diffusion, qui existe toujours aujourd'hui, est créé et le réseau se rencontre à l'occasion de réunions de travail, de séminaires et organise également des formations à destination de ses membres.

Un changement de l'équipe de la Médiathèque de l'ENSBA sonne la fin de l'alimentation du Bulletin signalétique des arts plastiques en 2009, malgré un maintien de sa consultation sur le site de l'école. Ce changement amènera le réseau, après une interruption de son activité, à revoir son mode d'organisation.

Bibliothèques d'écoles d'art en réseau (BEAR)

Après quelques années d'inactivité, le réseau des bibliothèques d'écoles d'art, fédéré jusque là de manière informelle autour du BSAP, est confronté en 2011 à la réforme visant à intégrer les écoles d'art dans le système européen LMD[12]. Réforme qui entraîne un changement de statut pour les bibliothécaires, qui quittent leurs municipalités pour intégrer des EPCC (Établissements publics de coopération culturelle), établissements associant une ou plusieurs collectivité et éventuellement l’État dans la gestion de structures culturelles.

Sous l'impulsion de la bibliothèque de l'école d'art de Nîmes, les bibliothécaires d'écoles d'art se réunissent et décident de s'unir au sein d'une association. Ils souhaitent notamment relancer le BSAP et créer ce qui deviendra la Base spécialisée art & design. Des statuts sont rédigés et le réseau reçoit le soutien de l'ANdÉA[13] (Association nationale des écoles supérieures d'art), association qui fédère les écoles d'art et organise les Assises des écoles d'art, puis du ministère de la Culture. Ils reprennent également contact avec la Médiathèque de l’École des Beaux arts de Paris qui accepte la migration des données du BSAP dans une nouvelle base. Le réseau BEAR, pour Bibliothèques d'écoles d'art en réseau, est né.

Outre la gestion de la BSAD, qui constitue une part importante de l'activité de l'association BEAR, le réseau organise des rencontres professionnelles annuelles, moments de formation, de rencontre, de débat et de visite de l'école organisatrice – différente à chaque rencontre – et de son territoire culturel.

Dans un contexte où de nombreux bibliothécaires assument seuls la gestion de leur bibliothèque, face à des interlocuteurs qui n'ont pas forcément connaissance des conditions de gestion d'une bibliothèque, le réseau BEAR est un important espace d'échanges. Il permet de partager des difficultés rencontrées, de recueillir l'avis d'autres professionnels sur les projets de la bibliothèque et de comparer les pratiques.

Membre du CIPAC (Fédération des professionnels de l'art contemporain) et du comité consultatif de la bibliothèque de l'INHA (Institut national d'Histoire de l'art), le réseau accueille aujourd'hui des partenaires extérieurs comme le Mac/Val (Musée d'art contemporain du Val de Marne), le Carré d'art de Nîmes, et plus récemment le Lam (Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole) dans une démarche de soutien. Il permet également aux bibliothèques d'écoles d'art d'être identifiées comme une entité à part entière dans le paysage de l'art contemporain et des écoles d'art. Elles ont disposé, par exemple, d'un stand aux dernières assises des écoles d'art à l'école nationale supérieure des Beaux arts de Lyon[14], dans le but de promouvoir la Base spécialisée art & design et l'activité éditoriale des écoles d'art.

La Base spécialisée Art & Design

Successeure du Bulletin signalétique des arts plastiques, la Base spécialisée art et design est une plate-forme reposant sur le système intégré de gestion de bibliothèque PMB. Elle vise, à l'origine, à proposer un dépouillement, article par article, d'un ensemble de revues d'art et de design, offrant un outil gratuit et unique à destination des professionnels, des chercheurs et du grand public. Reprenant les données du Bulletin signalétique d'art plastiques, elle couvre aujourd'hui 200 titres de revues, parmi lesquels Art Press, Beaux arts magazine, Frieze, Parkett, Sciences du design...etc pour 40.000 notices d'articles créées depuis 1987. Le dépouillement s'effectue de manière décentralisé : chaque membre du réseau dépouille un nombre déterminé de revues dans la base.

Elle est un outil important pour la recherche documentaire en art et en design, et permet de rechercher dans cet ensemble de revues des articles par nom d'artiste, nom d'auteur, mots-clés...etc, ainsi que de les localiser dans les collections des bibliothèques membres du réseau pour les obtenir sur simple demande. Elle est, par ailleurs, devenue aujourd'hui une base globale qui intègre les mémoires des étudiants d'écoles d'art, et met en valeur toute l'activité éditoriale des écoles.

Vers une place renforcée des bibliothèques en école d'art?

Le travail de mémoire désormais exigé en cinquième année a renforcé la place accordée aux enseignements théoriques, et s'accompagne d'un développement des pratiques d'écriture, de recherche documentaire, tout au long des cursus des écoles d'art. Les bibliothèques ont dû s'adapter à la fois à cette nouvelle donne, et s'interroger sur la conservation et la mise en valeur des mémoires, parmi les publications, travaux de recherches, revues, qui constituent la production écrite des écoles.  En tant que professionnels de l'écrit, les bibliothécaires voient leur rôle renforcé, en même temps que cette réforme de l'enseignement en art fait naître de nouvelles missions, qui sont encore à définir.

Quels mémoires en école d'art?

Le mémoire constitue, pour l'étudiant à l'université, une première initiation à la recherche. Il est suivi par un directeur de recherche, porte sur un sujet pointu et est évalué en interne par un jury. Il repose sur un travail de recherche et sur une indispensable bibliographie. Il représente une composante pédagogique  importante dans le programme de master, à la fois en terme de notation et de temps dégagé pour les étudiants. Il est, enfin, et c'est important de le souligner, un travail écrit et très formalisé, à la différence de celui exigé en école d'art.

Pour l'universitaire, habitué aux travaux imprimés en A4, le mémoire d'école d'art peut, de prime abord, surprendre par sa forme très libre, et le soin apporté à la mise en page, à la reliure, à la réflexion qu'il porte parfois sur l'objet-livre, … quand il ne s'agit pas de présenter ce travail de réflexion sous forme de plan, performance, … etc. Objet gravitant autour du travail plastique de l'étudiant, il n'est ni un commentaire de ce travail, ni dénué de rapport avec lui[15]. Il peut précéder le passage de l'étudiant à l'acte pratique, ou l'aider à mieux le conceptualiser.

Si la forme est libre, les genres, les formes d'écriture sollicités, le sont tout autant : certains étudiants mettent, par exemple, à profit un semestre à l'étranger pour écrire un récit de voyage où se lit, en filigrane, la maturation d'une pensée et d'une œuvre artistique, l'importance d'une telle expérience en terme d'éveil artistique. D'autres optent pour la création d'un livre d'artiste, d'une œuvre venant, par les liens qu'elle construit avec celle présentée au diplôme, en apporter une lecture, par un effet de miroir, sans que l'on soit dans un discours explicatif ; ou d'un roman, d'une œuvre poétique. D'autres, enfin, dessinent leur constellation personnelle : parcours libre dans l’œuvre des artistes dont ils reconnaissent l'influence, sous des formes extrêmement variées.

Son contenu, sa forme, sont laissés à l'appréciation du jury qui est, à l'inverse du jury de mémoire universitaire, ouvert sur l'extérieur, étant composé d'un enseignant de l'école, d'un doctorant et de trois personnalités du milieu artistique. Dans les faits, son évaluation pèse peu dans la note attribuée à l'étudiant de DNSEP, il peut cependant être remarqué et justifier une mention ; et permet aux diplômes d'être soutenus par “des références plus solides et des réflexions mieux étayées”. Il est en tout cas un objet dont les écoles d'art se sont saisies pour lui donner une nouvelle vie. 

Des bibliothèques déjà très engagées dans l'accompagnement des étudiants

Les bibliothèques du réseau sont, majoritairement, très engagées dans l'accompagnement des étudiants, dans le cadre de leurs travaux de recherche et de rédaction du mémoire de DNSEP, généralement à plusieurs niveaux : réponse aux demandes de recherche des étudiants, rendez-vous individuels et suivi personnalisé de leur travail de recherche, participation et/ou proposition de modules de formation à la recherche documentaire.

Seules 5 bibliothèques (sur 34 bibliothèques répondantes) déclarent ne jamais consacrer de rendez-vous individuels aux étudiants, les autres bibliothèques étant engagées de manière très diverses dans ce type de suivi individualisé : documentaliste chargée de recevoir les étudiants en rendez-vous individuels et d'appuyer, pour son domaine d'expertise, la recherche ; accompagnement des étudiants défini comme une tâche prioritaire sur toutes les autres ; … etc. Trois bibliothèques centrent ces rendez-vous individuels sur les années “charnières” de passation des diplômes de DNAP (Diplôme national d'art plastiques, de niveau licence) et DNSEP. Pour une majorité des bibliothèques du réseau, ces rendez-vous se font à la demande et de manière non formalisée.

Les bibliothèques sont également très engagées dans les modules de formation à la recherche documentaire, pour 27 bibliothèques sur 34. Il est à noter que l'AERES, dans son évaluation de 2010, suggérait déjà d'intégrer au cursus des étudiants des cours de méthodologie de la recherche documentaire, domaine où l'expertise du bibliothécaire prend tout son sens, et que ce type de cours existe à l'Université, généralement assurés par les enseignants et les bibliothécaires. Ces modules, dans lesquels les bibliothèques sont engagées, sont majoritairement à destination des étudiants de première et deuxième année. 10 bibliothèques proposent ainsi ces modules à destination exclusive des élèves de première et deuxième année.

Ce fort engagement des bibliothèques est à mettre en relation avec la faible taille des équipes et la forte amplitude horaire de ces dernières. Ce travail d'accompagnement semble, pour beaucoup de bibliothèques, central, si il n'est prioritaire sur d'autres tâches. Les bibliothécaires qui ne peuvent l'assurer mettent, par ailleurs, en avant un manque de moyens humains.

Le mémoire d'étudiant : une nouvelle ressource documentaire

A l'instar du mémoire universitaire, le mémoire d'école d'art est devenu, aujourd'hui, une ressource documentaire conservée, référencée, mise en valeur, par les écoles d'art et leurs bibliothèques. Ressource qui fait partie de la mémoire de l'école et qui peut servir d'”exemple” aux étudiants qui conçoivent le leur, certes, mais dont le contenu doit pouvoir être interrogeable dans le cadre d'une recherche, au même titre que d'autres ressources documentaires que la bibliothèque est chargée de conserver, décrire, mettre en valeur.

Les mémoires sont, en grande majorité, référencés dans les catalogues informatiques des bibliothèques. Pour 15 d'entre elles, le catalogage est effectué de manière détaillé, intégrant par exemple des mots-clés, et 11 bibliothèques cataloguent les mémoires de façon simplifiée (au titre et à l'auteur). 11 bibliothèques ne cataloguent pas les mémoires d'étudiants mais pour 5 d'entre elles, cela est envisagé.12 bibliothèques numérisent, par ailleurs, leurs mémoires et les proposent en consultation sur place ou directement en ligne ; 14 bibliothèques envisagent d'en faire de même.

Dans le cadre du projet commun aux bibliothèques d'écoles d'art – la Base spécialisée art & design (BSAD) – le référencement des mémoires est par ailleurs un chantier en cours et devrait précéder la mise en ligne d'une sélection de mémoires d'étudiants, sur des critères qui restent à déterminer ; au même titre que le référencement des publications des écoles d'art. 

Des bibliothèques encore rarement à la source d'une programmation d’événements

Si les bibliothèques municipales et universitaires sont maintenant acquises au développement de l'action culturelle, et si le rôle croissant de l'écrit dans les écoles d'art concourt à un rôle renforcé de leurs bibliothèques en tant qu'acteur – et pas seulement de service – dans la proposition pédagogique des écoles, les bibliothèques d'écoles d'art sont encore nombreuses (18 sur les 34 répondants à l'enquête) à ne pas proposer de programmation d'événements.

16 bibliothèques proposent des événements initiés par la bibliothèque ou co-organisés avec d'autres acteurs de l'école (pédagogie…). Rencontres littéraires, ateliers, expositions, lectures, interventions d'artistes… figurent au programme. Ces événements ne font, cependant, pas l'objet d'une programmation pensée, établie sur un cycle long, sauf pour 2 d'entre elles. Seules 3 bibliothèques disposent, par ailleurs, d'un budget alloué à la programmation, ce qui peut limiter les propositions.

Le manque de moyens humains explique, là encore, cette situation : la programmation d'événements est une activité chronophage et qui implique de disposer de temps de travail interne, ce qui n'est pas une évidence pour le grand nombre de bibliothèques où seul un agent est affecté. L'activité des bibliothèques se centre alors sur l'essentiel : l'accompagnement des étudiants et la gestion des collections notamment.

 

Le rôle des bibliothèques d'écoles d'art se trouve renforcé par les nouvelles exigences en termes de production écrite et de recherche. Les professionnels qui les animent s’y sont adaptés en développant un accompagnement plus personnalisé des étudiants, en se rapprochant de l’équipe pédagogique qui se trouve à la fois associée à l’activité de la bibliothèque et qui intègre les bibliothécaires comme source d’enseignement dans leur domaine de compétence : la recherche documentaire. Ils rendent, par ailleurs, visible l’activité éditoriale des écoles et les mémoires d’étudiants, qui constituent un enjeu actuel dans le développement de la Base spécialisée art et design. Base qui est, par ailleurs, et depuis la création du Bulletin signalétique des arts plastiques, un outil important dans la recherche en art et en design.

Malgré ce rôle renforcé, les bibliothécaires, à l’instar de leurs confrères travaillant dans les bibliothèques municipales et universitaires, souffrent d’un manque de reconnaissance, de définition, voire de protection de leurs missions. On note fréquemment le déficit de textes venant définir les activités et l’importance dans l'espace démocratique[16] des bibliothèques, qu’elles soient généralistes ou spécialisées. Aucun texte ne garantit le rôle et les missions des bibliothèques d'écoles d'art. La nécessité de disposer d'un personnel suffisamment nombreux et formé pour les exercer.

Au regard, par ailleurs, de l’élargissement considérable des missions du bibliothécaire d’école d’art, une restructuration du métier doit être engagée. Le bibliothécaire n’est, aujourd’hui, plus un simple « gestionnaire » des collections, et ses missions ne se limitent plus à la bibliothéconomie pure (catalogage, indexation, désherbage…). Il est aussi formateur, est mobilisé dans la recherche, la pédagogie, la programmation des écoles. Le savoir bibliothéconomique ne disparaît pas pour autant : il est mobilisé sur des fonds qui n’existaient pas auparavant, notamment les mémoires d’étudiants. La bibliothèque n’est plus seulement un « équipement » ou un « service » pour reprendre une terminologie usitée, mais une actrice force de proposition, pour son domaine de compétence, dans le microcosme des écoles d’art.

 

[1] L'enquête, qui s'est déroulée sur les mois d'octobre et novembre 2015, a constitué en l'envoi d'un questionnaire Google Forms aux 42 bibliothèques membres de l'association BEAR. Les réponses ayant permis de sonder au total 34 bibliothèques. Nous nous appuyons également sur une enquête interne à l'association réalisée en 2013 par Marie Christine Linck, bibliothécaire à l'Ecole supérieure des Beaux-arts de Tours.

[2] Rapport d'évaluation prescriptive de l'AERES relative au DNSEP. Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. 2010. https://www.aeres-evaluation.fr/Actualites/Communiques-dossiers-de-presse/Rapport-d-evaluation-prescriptive-de-l-AERES-relatif-au-DNSEP [consulté le 31 janvier 2016].

[3] L'établissement public de coopération culturelle est un établissement public constitué par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour gérer un service public culturel. Les activités de l'EPCC doivent présenter un intérêt pour chacune des personnes morales en cause et contribuer à la réalisation de la politique culturelle nationale.
Les EPCC permettent d'associer plusieurs collectivités territoriales et éventuellement l'État dans l'organisation et le financement d'équipements culturels importants. Ils offrent un cadre souple mais stable pour gérer des institutions permanentes. (Source : Wikipédia)

[4] Emmanuelle Lequeux. Révolution dans les écoles d'art : les étudiants devront écrire plus qu'avant. Le Monde, 9 avril 2010. http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/04/09/revolution-dans-les-ecoles-d-art-les-etudiants-devront-ecrire-plus-qu-avant_1331309_3246.html [consulté le 31 janvier 2016].

[5] Annuaire des écoles et présentation de l'association BEAR disponibles sur la Base spécialisée art & design : http://www.bsad.eu/opac/index.php.

[6] Rapport 2013 de l'Observatoire de la lecture publique. http://www.observatoirelecturepublique.fr/observatoire_de_la_lecture_publique_web/docs/Rapport%20national%20BM%202013.pdf [consulté le 31/01/2016]. Les statistiques concernant les bibliothèques universitaires n'étant plus publiques, nous n'avons pas pu réaliser un comparatif avec ces dernières.

[7] Nous avons intégré, à ce chiffre, les deux bibliothèques ayant répondu “Autre classification” et qui, après vérification, utilisent effectivement une classification “maison”.

[8] La diffusion de l'art à travers les revues. Dossier pédagogique de la bibliothèque Kandinsky. http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-revues/ENS-revues.html [consulté le 31 janvier 2016].

[9] ibid.

[10] Environnement et design. Rosa B - 5e numéro. École d'enseignement supérieur de Bordeaux.  http://www.rosab.net/fr/la-situation-francaise-les/ [consulté le 31 janvier 2016].

[11] Annie Chèvrefils-Desbiolles. L'amateur dans le domaine des arts plastiques : nouvelles pratiques à l'heure de web 2.0. Ministère de la Culture et de la communication, 2012, p. 201.

[12] Voir partie 3 de cet article “Vers une place renforcée des bibliothèques en écoles d'art?”.

[13]Présentation de  l'AnDÉA. http://www.andea.fr/fr/andea/060613-presentation [consulté le 31 janvier 2016].

[14] Programme des assises nationales des écoles supérieures d'art des 29 et 30 octobre 2015. http://www.demainlecoledart.fr/upload/document/demainlecoledart_programme.pdf [consulté le 31 janvier 2016].

[15] L'exercice du mémoire. Etapes :, n° 216 pp 155-157, décembre 2013.

[16] La mission des bibliothèques publiques n'est définie par aucune loi. Une charte, adoptée par le Conseil supérieur des bibliothèques, a été établie en 1991 http://www.andea.fr/fr/andea/060613-presentation [consulté le 1e février 2016], et elles s'appuient fréquemment sur le manifeste de l'UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) sur la bibliothèque publique http://www.unesco.org/webworld/libraries/manifestos/libraman_fr.html [consulté le 1e février 2016].

A Clamart, la grande bibliothèque est encore ronde

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Et si toutes les pièces de la maison de la lecture étaient rondes ?

Nous connaissons tous la grande bibliothèque François Mitterrand, le site principal de la Bibliothèque nationale qui règne sur le bord de Seine à l’Est de Paris. Elle est carrée, à l’angle droit de ses tours qui montent au ciel comme des livres géants qu’une petite créature observerait ouverts debout. Célébration du livre. Il y a aussi, loin de là, dans une cité HLM de la ville de Clamart, dans la banlieue Sud de la capitale, une autre grande bibliothèque qu’on dit « petite ». Sans angles droits, ni aigus, elle est ronde et tourne merveilleusement bien depuis un demi-siècle.

La nuit du 14 puis du 15 mars 2014, la Petite Bibliothèque Ronde de Clamart est « vandalisée ». Un groupe de jeunes saute l’enceinte, entre dans le jardin puis dans la bibliothèque après avoir brisé ses vitres. Ils reviennent le lendemain cassent d’autres portes, vident les extincteurs à  incendie dans la salle principale, saccagent la banque de prêt, cassent les écrans d’ordinateurs qu’ils mettent par terre. Ils partent ensuite sans rien voler : l’action est symbolique. Une bonne partie des collections est rendue inutilisable par la poudre anti incendie, Le choc est fort pour l’équipe et surtout pour les lecteurs et les habitants du quartier.

La jeune équipe de la Petite Bibliothèque Ronde arrive dès le lendemain matin. L’équipe est jeune parce que ses membres sont jeunes (presque tout le monde a entre 20 et 40 ans), et parce qu’une bonne partie d’entre eux a rejoint l’expérience de l’association il y a quelques mois à peine. La perplexité est à son comble, mais on ne tardera pas à disposer d’éléments d’interprétation. L’attaque de la bibliothèque est associée aux élections municipales du 23 mars 2014. Remise en cause avec un projet local qui ne parvient plus à convaincre, l’équipe socialiste qui gouverne alors la ville est débarquée. Jean-Didier Berger (UMP puis LR) l’emporte au premier tour avec 53% des suffrages exprimés (et un taux d’abstention de 36%). Les violences faites aux bibliothèques de quartier en lien avec des élections locales ou nationales, le plus souvent le soir des scrutins, sont plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Lecteurs, électeurs et abstentionnistes se mêlent dans les espaces politiques de la bibliothèque et de la citoyenneté.

Nous avons enquêté et discuté avec les habitants de la cité. Pendant la campagne électorale, les quelques semaines qui ont précédé les faits, le bruit courait selon lequel si la droite gagnait les élections, la Petite Bibliothèque Ronde serait fermée. La rumeur a éveillé alors le souvenir de 2006 quand la municipalité a tenté de fermer la bibliothèque et que les habitants du quartier et le collectif Pour que vivent nos cités ! l’ont occupée pendant deux semaines jusqu’à obtenir sa réouverture et s’assurer qu’elle resterait une bibliothèque associative, de quartier, telle qu’elle fonctionne depuis octobre 1965 quand une équipe dirigée par Geneviève Patte initiait là une expérience unique, internationalement reconnue.

Dès sa prise de fonction, la nouvelle municipalité a confirmé les bruits qui couraient dans le quartier de la Plaine. Des problèmes de sécurité et de « vandalisme », la présence d’amiante, l’existence d’une bibliothèque municipale ouverte en 2007 à quelques centaines de mètres du quartier (nommée François Mitterrand et bâtie à angle droit, elle aussi), tous les prétextes sont argüés comme autant de motifs pour fermer la Petite Bibliothèque Ronde qui n’aurait ainsi plus de raison d’être. Cinquante ans après sa création, elle est menacée par le pouvoir politique. Le maire adjoint à la culture et la direction de la lecture publique locale ont manifesté leur volonté de fermer l’historique bibliothèque dès cet été, et à peine voilé leur intention de conquérir l’édifice. Pensent-ils confisquer le prestige de cette expérience en s'accaparant le bâtiment que la municipalité a reçu en donation en 1971 ? Récupérer un immeuble classé Monument Historique, internationalement admiré – c’est un joyau de l’architecture contemporaine -  et le vider du projet et de l’association qui l’ont créé, qui lui ont donné vie, qui l’ont intégré à la vie de ce quartier populaire…

Qui viendra défendre ce projet toujours reconnu dans la recherche de pratiques innovantes de la lecture, comme le montre le fait qu’il soit cette année parmi les lauréats de Partir en livre, la fête nationale du livre jeunesse organisée par le Centre national du livre ? Le ministère de la culture viendra-t-il à son aide ? La haute Bibliothèque nationale peut-elle tendre la main à sa petite consœur ronde ? La profession peut-elle protéger le travail des 12 personnes qui composent son équipe ? Que feront les habitants du quartier de la Plaine ? Les bibliothèques associatives ont-elles encore une place sous le soleil ? Au moment où la lecture publique de proximité cherche à promouvoir la participation des habitants ou des usagers, on ne peut que s’étonner de voir ainsi menacée une expérience unanimement saluée.

Un espace d’apprentissage de l’anatomie en BU Santé : l’espace Vesalius

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Projet de service de la nouvelle BU Santé de Saint-Etienne

Contexte

Implantée au sein du Campus Santé Innovations sur le site de l'hôpital Nord de Saint-Etienne, la nouvelle BU Santé de l’Université Jean Monnet a été inaugurée le 26 juin 2015. Avec la Faculté de médecine Jacques Lisfranc, le Campus Santé Innovation rassemble plusieurs structures de formation et de recherche autour de la santé, la prévention et l’innovation médicale favorisant ainsi les collaborations pédagogiques, scientifiques et industrielles entre médecins, ingénieurs, entreprises et étudiants. Installée dans le bâtiment de la Faculté de médecine, la BU est ainsi positionnée de manière idéale dans un environnement particulièrement riche.

Une bibliothèque « transférée » ou une nouvelle bibliothèque ?

Bien plus qu’un transfert d’équipement, la nouvelle BU Santé a été conçue pour être un lieu qui tient compte, dans ses espaces et son offre de services, de l’évolution des études, de la documentation médicale et des pratiques très diversifiées de la filière médecine. Sa réalisation a été portée par une équipe de neuf agents très investie dans ce projet et dans les nombreux chantiers réalisés en amont du déménagement.

De fait, pour répondre à la préoccupation constante des étudiants de médecine de trouver toujours plus de places en BU, un travail collectif très approfondi a été mené sur l’implantation du mobilier. Parallèlement, les collections imprimées en libre-accès et en magasin ont été fortement réduites. La majorité des abonnements a basculé en version online.  La BU a ainsi pu optimiser son nombre de places assises, proposant à ses usagers 450 places de travail pour un espace public de près de 1800 m2 (mobilier de détente non inclus). Parallèlement, prenant acte de l’appréhension des étudiants de voir les premières années (PACES) investir massivement la  nouvelle bibliothèque, il a été décidé dès le départ de répartir les collections dans des salles de travail spécifiques en fonction de leur niveau d’études. Un espace PACES + et un espace ECN, tous deux identifiés comme zones silencieuses, ont ainsi été créés et aussitôt très appréciés des étudiants. Par ailleurs, afin de prendre en compte les multiples usages de travail, 8 carrels individuels et 4 salles de travail en groupe ont été aménagés.  

Les services liés au confort des étudiants qui utilisent la BU pendant de longues heures ont été également privilégiés : création d’un espace détente à l’entrée de la bibliothèque avec des distributeurs de snacking, de boissons et d’eau réfrigérée ; installation de casiers de rangement en libre-accès ; mise à disposition de Fatboy pour la sieste ou le travail en posture allongée, et d’une collections de documents orientés vers les loisirs (films de cinéma en DVD, bandes-dessinées, romans graphiques, revues de détente).

Une offre de services pour concourir à la réussite des étudiants

L’ensemble des services proposés dans ce nouvel équipement répond à une volonté forte du SCD de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, d’inscrire la bibliothèque comme un acteur clé de la réussite étudiante. Parmi ces services, deux y répondent de manière plus ambitieuse que les autres.

Le premier est le Point info-doc qui est un espace de formation individualisée dans le domaine des sciences de la santé. Il vise à accompagner plus spécifiquement les étudiants de médecine externes et internes dans la réalisation de leurs bibliographies, thèses ou mémoires.

Les deux bibliothécaires qui gèrent le Point Info-Doc forment plus particulièrement ces étudiants à l’utilisation des bases de données médicales, des ressources documentaires de l’Université et du logiciel de gestion des références bibliographiques Zotero. Le modèle des rendez-vous d’aide à la recherche documentaire est désormais un « classique » en BU. Il fonctionnait déjà dans l’ancienne bibliothèque et avait démontré son utilité. Il s’agissait de lui réserver un espace dédié plus accueillant, d’organiser son fonctionnement dans les nouveaux locaux, et d’en assurer une meilleure visibilité à travers une communication dynamique.

Deuxième service mis en place à l’ouverture de la BU Santé, l’espace Vesalius se révèle beaucoup plus innovant. Dénommé ainsi en référence à l’anatomiste et médecin André Vésale (1514-1564), ce lieu est entièrement réservé à l’apprentissage de l’anatomie. Il a pour objectif de fournir un solide appui pédagogique aux étudiants en complément des enseignements de la Faculté Jacques Lisfranc.

Enjeux d’un espace consacré à l’anatomie

De fait, si le modèle du Learning Center n’a pas pu être retenu pour ce projet de construction dont les prémisses datent du début des années 2000, l’ambition d’inscrire de manière dynamique la documentation dans les processus d’apprentissage des étudiants en lien avec les enseignements n’en était pas moins un objectif prioritaire. En quoi, la création d’un espace anatomie au sein de la BU Santé pouvait-il y répondre ?

En tant que base indispensable à la bonne compréhension des différentes spécialités médicales, l’étude de l’anatomie du corps humain demeure une étape incontournable de la formation médicale. Mais chaque année, de nombreux étudiants rencontrent des difficultés en l’abordant. Michel Dufour, enseignant en anatomie et en technologie kinésithérapique y voit plusieurs explications (1). La masse de connaissances à acquérir en PACES est  vertigineuse et représente de très nombreuses heures de travail pour les assimiler (60 à 70% du travail personnel selon une enquête). Par ailleurs, n’ayant pas été abordée dans le secondaire, cette matière nouvelle repose sur un enseignement concret, qui peut déstabiliser des étudiants. Actuellement, les cours de  PACES à l’Université Jean Monnet se déroulent sous la forme d’un cours magistral (44h). Les étudiants devront attendre la 3ème année avant d’être confrontés à la réalité anatomique, en participant à des travaux pratiques de dissection. Rares sont encore les étudiants de médecine comme par exemple ceux de l’Université de Besançon qui peuvent bénéficier des services d’un laboratoire d’anatomie dès la première année à l’internat (2).

Naissance du projet : l’Espace Vesalius

En adoptant une démarche de benchmarking, force a été de constater qu’un grand nombre de bibliothèques et de centres de ressources du monde anglo-saxon mettaient déjà à disposition des modèles anatomiques, voire des espaces dédiés à l’anatomie comme le learning center de l’Université de Logan (3) (Utah, États-Unis). En France, les expériences étaient très limitées. On peut noter l’exemple de la BU de Clermont-Ferrand qui offre une collection de modèles anatomiques empruntables. En 2011, la lecture du mémoire DCB-Enssib (4) de Raphaële Moatti a révélé le projet du SCD d’Angers visant à : «proposer un espace d’apprentissage interactif de l’anatomie : on y trouverait réunis des ouvrages d’anatomie, le squelette Stan49 et différents types d’os. Les étudiants pourraient aimanter posters, photographies et documentation à un mur. Les lecteurs interrogés semblaient très réceptifs à ce projet, qui correspond à un besoin réel. On sait en effet que travailler sur des os et un squelette est important pour les étudiants de première année qui apprécient beaucoup de pouvoir en trouver en BU. »

Le projet d’expérimenter dans la nouvelle BU Santé un espace consacré spécifiquement à l’anatomie est né à la suite de cette étude comparative. Le public cible identifié en priorité a été celui des étudiants de PACES pour lesquels les besoins d’accompagnement dans cette discipline sont, comme on l’a vu, particulièrement importants. L’objectif principal a donc été de leur fournir, au sein d’un lieu qui privilégie les échanges en groupe, les outils nécessaires pour améliorer leurs chances de réussite au concours. Il a semblé aussi important de cibler en second lieu les kinésithérapeutes, les élèves-infirmiers et les ostéopathes pour leur permettre de compléter et d’approfondir leur apprentissage. Compte-tenu de  la richesse de cette matière, et du degré de détails à intégrer dans des délais très courts, un grand nombre d’étudiants sont dans une démarche d’ «apprentissage par cœur » et non dans la compréhension. Ils oublient donc très rapidement des éléments qu’ils n’ont pas compris.

Texte alternatif pour l'image
Photo : Johan MEALLIER

La décision a donc été prise de proposer dans cet espace des outils facilitant la mémorisation pour une meilleure compréhension des liens logiques entre les différentes notions : sélection de logiciels spécifiques en 3D, affichage de planches anatomiques, mise à disposition d’un tableau blanc pour dessiner des schémas. L’offre d’une sélection de modèles anatomiques et d’un squelette STAN s’est par ailleurs imposée pour permettre l’apprentissage à la fois par la vue et le toucher. La présence d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur portable empruntable sur place permet de travailler à plusieurs. Elle donne aussi les moyens aux tuteurs en anatomie de préparer leurs séances de travail. Enfin, des livres de référence en consultation sur place, viennent compléter les collections déjà présentes dans l’espace PACES+.

En 2012, ce projet a été validé dans le cadre d’une commission pédagogique de la Faculté de médecine. Il a  recueilli un avis enthousiaste du Doyen, des enseignants et des étudiants élus. Néanmoins, la collaboration avec les enseignants en anatomie qui devait suivre pour sélectionner les ressources en 3D et les modèles anatomiques n’a pas obtenu les résultats escomptés. En l’absence de leur avis, les bibliothécaires en charge du projet et la responsable de l’organisation des services aux usagers ont organisé début 2015 un focus groupe réunissant des étudiants de la PACES à l’internat. Des échanges constructifs ont permis de sélectionner les planches et modèles à acquérir en priorité pour le démarrage du service, (vertèbres, hanche, crâne, cœur, coude, oreille, genou, œil et épaule).

La période de 2014 à 2015 a été consacrée à la longue mais nécessaire instruction de l’organisation de l’Espace Vesalius. L’enjeu était de rendre accessible cet espace au plus grand nombre d’étudiants tout en garantissant un cadre de contrôle sur les matériels qui soit gérable au quotidien par le personnel. Dès les premiers mois de fonctionnement, il a été évident qu’une évaluation serait nécessaire pour ajuster la trame de l’organisation initiale.

Texte alternatif pour l'image
Photo : Johan MEALLIER

Fonctionnement de l’Espace Vesalius

Le fonctionnement du lieu a été fixé dans un règlement d’usage qui est affiché dès son entrée. Il est réservable uniquement par les lecteurs inscrits à la BU selon trois créneaux horaires. Deux réservations maximum par semaine et par groupe sont autorisées pour favoriser un roulement optimal des étudiants. Avec une capacité de huit places, l’espace Vesalius nécessite, pour être réservé, un minimum de 3 inscrits qui doivent déposer leur carte à l’accueil. Les inscriptions se font actuellement à l’accueil de la BU ou par téléphone. Une solution de gestion informatisée des réservations est à l’étude. A leur arrivée, les étudiants se voient remettre la clé et le matériel dont ils ont besoin (brosse, feutres, câble HDMI …) et le personnel de permanence à l’accueil ouvre les vitrines qui contiennent les modèles anatomiques. Les étudiants effectuent un état des lieux d’entrée sur les modèles. L’état des lieux de sortie est effectué par  le personnel. Un questionnaire est remis aux étudiants à la fin de la séance de travail. Il a pour objectif de mesurer leur degré de satisfaction, et de consigner leurs remarques et attentes. L’état des réservations est affiché à l’entrée de la salle.  Il est à noter que lorsque la salle n’est pas réservée, les étudiants peuvent l’utiliser librement car la pression sur les places de travail est forte.

Pour en assurer le bon fonctionnement, les deux bibliothécaires en charge de ce service ont rédigé une procédure disponible pour le personnel à l’accueil. En outre, ils ont établi un récapitulatif des consignes à respecter.

Valorisation du service

Fin août 2015, à l’ouverture de la bibliothèque, les agents de la BU Santé ont présenté cet espace aux étudiants PACES dans le cadre des visites organisées chaque année par la Faculté de médecine.

En novembre 2015, l’équipe de la BU Santé et la responsable de la communication du SCD, ont travaillé sur un plan de communication ciblé en direction des étudiants. Ce dernier a intégré également la promotion de l’atlas d’anatomie en 3D : Visible Body de l’éditeur Ovid récemment acquis.

De novembre 2015 à janvier 2016, les principaux vecteurs de communication ont été les écrans de diffusion de la BU et de la Faculté, le blog des BU (5) et les réseaux sociaux (Twitter, Facebook). Une rubrique spécifique à l’Espace Vesalius a été créée sur le site web. Des mailings ont été envoyés aux étudiants de PACES par l’intermédiaire de la scolarité 1er cycle.

Des réunions avec les tuteurs en anatomie ont été organisées à la BU afin de présenter l’espace à ces étudiants et leur offrir la possibilité de l’utiliser pour organiser leur séance de travail.

En dernier lieu, un logo a été créé par un bibliothécaire de l’équipe pour favoriser l’identification de ce service dans les documents de communication et dans les locaux.

Bilan intermédiaire

Après neuf mois de fonctionnement, il est encore difficile de tirer un bilan complet de l’utilisation de ce nouveau service. Les demandes de réservation n’ont réellement démarré qu’en janvier 2016 lorsque les cours magistraux en anatomie ont débuté. Pour autant, les premières appréciations des étudiants sont positives. Les modèles anatomiques sont en adéquation avec les besoins exprimés. Les créneaux de réservation conviennent. C’est également un service qui a tendance à fidéliser un public. De plus, l’envoi du mailing par la scolarité 1er cycle a suscité de nombreuses réservations.

Cependant, on constate que l’utilisation de cet espace par les étudiants de PACES est circonscrite dans le temps, sur le 1er semestre. L’option de toucher plus largement les étudiants de la filière santé (kinés, ostéopathes, IFSI) s’avère en conséquence une piste pertinente à creuser.

Les étudiants de PACES ayant à gérer un planning de révisions complexe et exigeant, il faut sans doute assouplir les règles de réservation pour répondre aux demandes formulées le jour même. Par ailleurs, l’obligation de constituer un groupe de 3 personnes semble un frein, certains étudiants souhaitant réserver la salle pour 2 personnes.

Dans les mois à venir, il s’avère essentiel de poursuivre le travail d’approche en direction des tuteurs et des enseignants en anatomie pour atteindre l’objectif initial qui est d’intégrer étroitement l’activité de l’espace Vesalius aux enseignements.

Bibliographie

1. Interview - Michel Dufour (Professeur anatomie) - Kine-Web.com [Internet]. [cité 22 mai 2016]. Disponible sur : http://www.kine-web.com/interview-professeur

2. Moulun A-G. Lieu d’enseignement et de recherche. Un laboratoire d’anatomie ouvert à tous les étudiants. Le Quotidien du Médecin. 9 mars 2015. n°9393). p.10.

3. About the Library | Logan University [Internet]. [cité 22 mai 2016]. Disponible sur : http://www.logan.edu/learning-resources-center-lrc

4. MEMOIRE - 49071-les-mutations-des-bibliotheques-universitaires-en-sciences-de-la-sante-l-influence-de-l-evolution-des-etudes-medicales-et-paramedicales.pdf [Internet]. [cité 22 mai 2016]. Disponible sur :http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/49071-les-mutations-des-bibliotheques-universitaires-en-sciences-de-la-sante-l-influence-de-l-evolution-des-etudes-medicales-et-paramedicales.pdf

5. L’anatomie prend du volume [Internet]. [cité 22 mai 2016]. Disponible sur : https://blogbuster.univ-st-etienne.fr/2016/02/11/lanatomie-prend-du-volume/

Entre bibliothèques et pédagogie universitaire

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L’objectif des formations documentaires est de contribuer à accroître le niveau de compétences documentaires et informationnelles de l’ensemble des étudiants, afin qu’ils puissent :

  • aller rapidement à l’essentiel des ressources qui leur seront utiles ;
  • assimiler les procédures techniques de recherche documentaire ;
  • être capables de différencier et de hiérarchiser les sources d’information ;
  • évoluer dans un milieu d’interaction riche avec les écrits scientifiques et les œuvres.

Ces compétences, qui paraissent assez simples, ne le sont pourtant pas en réalité, et ce en raison de nombreux obstacles et difficultés, certains anciens, d’autres apparus avec l’explosion du numérique. Dans l’acquisition de ces compétences, les bibliothèques, les centres de ressources et de documentation et leurs personnels ont-ils un rôle à jouer et lequel ? Quelle place peuvent prendre les formations documentaires dans les parcours étudiants, et comment les définir et les organiser de la manière la plus pertinente et la plus efficace  possible ?

Bibliothèques et pédagogie

Les bibliothèques comme milieu d’interaction et d’apprentissage dans lequel s’acquièrent des compétences

Le rôle pédagogique des bibliothèques est complexe et se situe à plusieurs niveaux.  En effet, celles-ci constituent un milieu d’interaction et d’apprentissage. Par elles, les étudiants vivent une modalité particulière d’apprentissage : l’apprentissage par les ressources. Cette modalité, qui est insuffisamment valorisée et souvent réduite au minimum recommandé par les enseignants, peut être très stimulante chez de jeunes adultes qui doivent trouver leur chemin, et devront nécessairement le faire en s’affranchissant des directives, certes nécessaires, mais qui ne permettront pas à leur désir de connaître de s’épanouir.

S’approprier les bibliothèques et leurs ressources, c’est, pour l’étudiant, une manière de se former et d’acquérir des compétences lui permettant de progresser dans le « métier d’étudiant », et de développer ses capacités cognitives.

Se situer et agir dans un espace

L’orientation dans le milieu universitaire pose de nombreuses difficultés. Elle est généralement comprise exclusivement en termes d’orientation vers une activité professionnelle. Mais la capacité à s’orienter est d’abord la capacité à se situer dans un espace qui constitue le milieu de formation de l’étudiant, et à s’engager dans des projets, qui, avant d’être des projets professionnels, sont des projets d’étude ou de recherche.

Quel rapport les étudiants entretiennent-ils avec le milieu universitaire ? Ils paraissent souvent avoir peu de repères dans un espace opaque pour eux. Leurs parcours, leurs démarches semblent peu diversifiés, et assez stéréotypés. L’espace universitaire est souvent appréhendé comme local, fermé, sans rapport avec d’autres espaces. Or, son appropriation nous paraît essentielle : il s’agit en effet de s’approprier un espace, mais aussi les possibilités d’action qu’il contient. En tant qu’espace complexe (physique, numérique et symbolique) organisé, les bibliothèques constituent un milieu d’apprentissage particulièrement riche.

Une socialité liée à l’apprentissage

Les compétences documentaires et informationnelles paraissent attachées à l’individu et non au groupe. Pourtant, leur acquisition, tout comme celle des autres compétences, est facilitée par les liens sociaux, soit entre pairs, soit avec les enseignants, les bibliothécaires, et les étudiants avancés.

Le phénomène récent de développement d’une socialité via les réseaux sociaux risque de créer des problèmes supplémentaires : les étudiants baignent dans une socialité numérique diffuse qui les protège d’une confrontation brutale avec les exigences du savoir. En outre, ayant peu d’expérience du travail en coopération avec leurs pairs et avec les adultes, ils restent souvent dans une forme de passivité qui ralentit la construction des savoirs.

Une socialité complémentaire de celle qu’ils connaissent habituellement peut se construire dans l’apprentissage autour des ressources documentaires, à condition que celui-ci se fasse de manière continue au long du parcours étudiant, que les personnels impliqués soient suffisamment investis dans une relation d’aide ou de formation, et que le cadre ait intégré cette fonction et lui accorde une valeur suffisante.

Mais, la fréquentation des bibliothèques et des ressources documentaires sont aussi un moyen pour l’étudiant de développer ses capacités cognitives.

Faculté de représentation et logique informatique

L’appropriation des outils informatiques documentaires pose un certain nombre de difficultés qui sont cachées aux yeux de l’utilisateur : ayant acquis sur le web des habitudes de requêtes simples avec réponse immédiate, il se contentera souvent de poser les termes qui lui viennent à l’esprit, et se découragera vite si le système ne lui fournit pas de réponse. Une interface fréquemment utilisée pourra devenir familière, et l’utilisateur reproduira alors le type de requête qui a réussi, sans chercher à découvrir les autres possibilités. Enfin, il lui sera très difficile de transférer ses acquis d’une interface à l’autre, pourtant très similaire dans sa structure.

Pour renforcer la capacité de l’étudiant à s’approprier rapidement les interfaces des applications documentaires, il faut le former à les appréhender dans leur globalité, à savoir y lire une structure, et l’entraîner à en utiliser les fonctionnalités jusqu’à acquérir la représentation d’un objet qui est largement invisible au novice.

Une autre difficulté, accrue par les habitudes prises sur le web, vient de l’écart entre la logique informatique et le langage naturel. Une manifestation de cette difficulté apparaît par exemple dans la mauvaise utilisation (ou la non utilisation) des opérateurs booléens. Là aussi, la compréhension et l’assimilation par la pratique contribueront à former l’étudiant, et à renforcer ses capacités de logique et d’abstraction.

La conceptualisation

L’apprentissage par les ressources peut également avoir un effet positif sur les capacités de conceptualisation des étudiants. En effet, c’est souvent le manque de connaissances, et l’insuffisance de matière disponible qui rendent difficile la progression dans la maîtrise des concepts ; tout autant que le manque de pratique de la réflexion personnelle ; la naïveté sur le langage ; le manque de méthode pour aborder un domaine ou un sujet nouveau.

La capacité de lecture

La capacité de lecture des étudiants peut sembler naturelle et suffisante si l’on s’en tient à une définition minimale. Elle ne l’est pas si l’on considère le niveau qui devrait être le sien à l’université. Là aussi, aux difficultés traditionnelles s’ajoutent de nouvelles : difficulté à comprendre des textes longs ou complexes ; difficulté à fixer son attention, à se concentrer, à rester seul ; pratiques de l’écrit faibles, trop rapides ou négligées.

Le contact beaucoup plus fréquent et massif avec les textes, la découverte d’écrits qui font écho à leurs propres préoccupations, la construction et la poursuite de pistes à travers les ressources, la communication et le partage autour des supports et de leurs contenus, sont autant de voies qu’une pratique encouragée des bibliothèques et des ressources documentaires pourrait faciliter.

Le rôle pédagogique des bibliothèques ne se limite pas à la possibilité qu’elles offrent à l’étudiant, par leur fréquentation et l’utilisation des ressources documentaires, d’acquérir ou de renforcer des compétences. Les services aux publics qu’elles mettent en œuvre comportent également une dimension pédagogique forte.

La dimension pédagogique des services des bibliothèques

Les services d’accueil et d’information

Certains services de bibliothèques ont une dimension pédagogique forte. Lorsqu’ils se trouvent au contact du public, les personnels ne cessent de prodiguer aux étudiants explications et conseils, et de répondre à leurs interrogations quant à l’organisation, au fonctionnement des bibliothèques, à l’accès aux ressources imprimées et numériques, et même dans de nombreux cas à des questions qui ne sont pas strictement liées aux bibliothèques et aux ressources documentaires : connexion à l’ENT,  utilisation des matériels et des logiciels informatiques, etc…

A cette information donnée en présentiel s’ajoute de manière complémentaire celle communiquée via les sites web et les divers guides, plaquettes et dépliants, de plus en plus conçus en fonction des besoins des étudiants. C’est véritablement une démarche pédagogique qui sous-tend désormais les activités des bibliothèques au contact du public étudiant.

Les services de recherche documentaire ou  de référence

Le caractère pédagogique des services de référence est également de plus en plus affirmé. La raison en est que les outils sont conçus pour une utilisation directe, non médiatisée. Le service rendu par les bibliothèques ne consiste plus à réaliser des recherches pour le public, mais à le former et à l’aider à réaliser les recherches lui-même.

Au minimum, lorsque l’étudiant a besoin de résultats dans un délai court, cela consiste à réaliser les recherches en les lui montrant et en les lui expliquant. Au mieux, à prendre le temps de l’initier et de le former de manière à ce que ces démarches ultérieures soient facilitées. Cet accompagnement peut avoir lieu avant des formations que l’on conseille à l’étudiant de suivre à la suite de premiers conseils, ou bien après pour permettre l’assimilation des acquis qui ne peut se faire que par une pratique réitérée. Les services en ligne délivrent un service comparable par des réponses qui peuvent être différées ou en temps réel.

Les formations documentaires : caractéristiques et articulation pédagogique

Caractéristiques

Les formations qui peuvent être réalisées par les bibliothèques et leurs personnels présentent un certain nombre de traits qu’il est important de prendre en compte si l’on veut éviter tout malentendu. Cela permettra de trouver une articulation pédagogique adéquate que ce soit dans les cursus ou avec des dispositifs tels que le Certificat Informatique et Internet.

Ces formations ne portent pas sur un corpus de connaissances qu’il suffirait d’acquérir une fois pour toutes. Elles sont théoriques  dans la mesure où elles font référence à des notions nouvelles pour l’étudiant, mais ces notions ou concepts sont toujours situés par rapport à un contexte local qui prend en compte le niveau, la situation, la discipline, le cadre pédagogique de l’étudiant. En outre, elles comportent une dimension pratique forte : il s’agit de former les étudiants à découvrir des ressources et leur organisation, à réaliser des démarches documentaires en vue d’un but précis. C’est à cette occasion que des notions théoriques ou des connaissances disciplinaires sont évoquées ou rappelées.

Les objectifs des formations doivent être définis dans un référentiel [1]. Mais les contenus, le déroulement des séances, les méthodes employées dans telle formation sont précisés avec le responsable pédagogique et l’équipe d’enseignants. Le personnel documentaire formateur prend en compte le groupe d’étudiants tel qu’il est, veille à connaître son niveau réel, pour, le cas échéant, pallier d’éventuelles lacunes. L’interaction avec le groupe, et avec l’enseignant lorsqu’il est présent, doit être forte pour que les étudiants soient actifs, seule manière pour eux d’acquérir rapidement les compétences visées. Les méthodes employées s’inspirent donc beaucoup plus des techniques employées en formation continue lors de stages, que des techniques traditionnelles de formation initiale.

Nous avons évoqué plus haut le rôle pédagogique des bibliothèques en tant que milieu d’interaction et d’apprentissage, ainsi que la dimension pédagogique forte de leurs services. Il est nécessaire de clarifier la distinction entre rôle et action pédagogiques des bibliothèques et formations organisées.

Le rôle et l’action pédagogiques des bibliothèques concernent l’ensemble des activités des services destinées directement ou indirectement au public. Ils constituent le résultat pour ce public d’une offre documentaire comportant bâtiments, équipements mobiliers et matériels, ressources imprimées et numériques et services. En revanche, les formations documentaires constituent une modalité d’action tout à fait différente qui se rapproche plus des activités de formation de l’Université que de celles de ses bibliothèques. Certes, elles font intervenir des personnels documentaires dont la proximité avec les bibliothèques et les ressources constitue précisément l'intérêt, mais leur conception et leur mise en œuvre s’opèrent dans le domaine de la formation, et non dans celui de la documentation.

Il s’agit donc d’une relation complexe entre deux domaines d’activité de l’université : celui de la formation et celui de la documentation. Ces formations sont à la charnière des deux, et sont capables d’enrichir à la fois la formation des étudiants et la dynamique des bibliothèques.

La place dans les cursus

Pour définir la place dans les cursus des formations documentaires, souplesse et adaptabilité dans le cadre d’un référentiel commun nous semblent de règle. Telles que nous les avons définies plus haut, elles peuvent s’insérer aussi bien dans des UE de méthodologie du travail universitaire que dans des UE disciplinaires.

Un nombre d’heures minimum, en–deçà duquel il ne paraît pas possible de faire acquérir aux étudiants les compétences correspondant à leur niveau d’études, a été défini à titre indicatif.

Quels que soient la durée, les objectifs, le déroulement des séances déterminés avec le responsable pédagogique, une validation de cette partie de leur formation est impérative. Il est important que les personnels documentaires formateurs y soient associés, tant au niveau des épreuves que de leur correction. A défaut de cette validation, la formation assurée revêtira une importance moindre que le reste de la formation, et les étudiants la négligeront.

Quels rapports avec le Certificat Informatique et Internet (C2i) ?

Les compétences documentaires et informationnelles étant largement dépendantes des compétences informatique et internet, ces formations sont conçues dans une complémentarité avec le C2i. Certes, une partie leur est commune, mais elles ont pour caractéristiques particulières de se situer :

  • dans l’appropriation des ressources et des outils dans des domaines disciplinaires déterminés ;
  • dans une pratique liée au parcours de l’étudiant ;
  • dans un environnement documentaire et informationnel hybride, qui n’est pas seulement numérique, mais aussi physique ;
  • dans une définition plus large des compétences documentaires et informationnelles débordant largement la recherche d’information.

Elles n'en sont pas concurrentes et ne prétendent pas le remplacer dans la définition et l’acquisition de certaines compétences.

La mise en œuvre

Le lien avec les bibliothèques

La proximité avec les fonctions de référence et d’accompagnement.

Le lien étroit entre les différents besoins des étudiants a pour conséquence la nécessité d’établir une liaison forte entre activités de formation, de référence et d’accompagnement.

En effet, l’étudiant a besoin de pouvoir accéder à des ressources acquises ou sélectionnées et d’être informé de leur existence, des contenus et des modalités d’accès, ainsi que de trouver des réponses aux questions de recherche documentaire qu’il ne parvient pas à résoudre. Mais il a également besoin d’apprendre à utiliser sites et services, et de pouvoir résoudre lui-même de nombreuses questions. Pour cela, il doit être formé, guidé et accompagné. A défaut, il abandonnera les efforts en concluant de manière négative, soit à l’inutilité de ses essais, soit à la mauvaise qualité des outils.

Toute une palette de possibilités d’accompagnement existe : bureaux de référence des bibliothèques ; assistance à distance ; accompagnement personnalisé sur rendez-vous ou en ligne ; monitorat et tutorat. Concevoir et organiser dans une continuité les fonctions de formation, de référence et d’accompagnement créera entre elles une synergie. Les étudiants percevront la cohérence de ces actions et recourront à ces services de manière plus régulière et continue.

La participation des bibliothèques : quels bénéfices peuvent-elles tirer de l’investissement dans la formation des étudiants ?

L’activité de formation paraît à certains éloignée du fonctionnement courant des bibliothèques. Des réticences existent, que ce soit parmi certains personnels qui considèrent que cela ne fait pas partie de leur travail, que de la part des responsables qui craignent que l’investissement des personnels dans cette activité se fasse au détriment d’activités principales qui paraissent plus nécessaires et plus légitimes.

La mention de l’activité de formation existe dans de nombreux textes statutaires. Mais les modalités de sa réalisation ne sont jamais définies et pour beaucoup, cela fait partie de la fonction pédagogique des bibliothèques que nous avons esquissée plus haut. Ainsi, l’engagement dans l’activité de formation organisée, qui requiert de la part des personnels un investissement, un goût et des compétences particulières ne peut être imposé. Il est en revanche possible de l’encourager, mais cela ne peut se faire que si l’on considère que c’est une fonction essentielle dans les bibliothèques de l’enseignement supérieur, et si on voit l’impact positif qu’elle peut avoir tant sur les personnels que sur les services.

Le bénéfice pour les bibliothèques et leurs personnels n’est pas négligeable :

  • parce qu’elles permettent une relation plus poussée entre étudiants et personnels. Du côté des étudiants, elles peuvent changer le regard qu’ils portent sur les bibliothèques. Du côté des personnels, elles leur permettent d’avoir un feed-back auprès des étudiants, de mieux connaître leurs pratiques, de mesurer leurs difficultés réelles, et de voir plus clairement le sens de leur activité ;
  • parce qu’elles permettent de réduire, même modestement, la barrière entre personnels enseignants et non-enseignants, et d’instaurer une collaboration entre eux. Cette collaboration entraînera de meilleures relations dans les autres activités des bibliothèques ;
  • parce que les personnels en réalisant cette activité, vont acquérir des compétences complémentaires à celles dont ils disposent déjà.

Mais s’il paraît souhaitable de garder ce lien avec les bibliothèques et leurs personnels, il n’en est pas moins vrai que le changement d’échelle consécutif à une réelle prise en compte des compétences documentaires et informationnelles exige de trouver des solutions plus globales. La convergence entre une volonté politique partagée par l'ensemble de la communauté universitaire et des dispositifs techniques existants nous paraît pouvoir le permettre à une échéance rapprochée.                                                                           

[1]    Le SCD de l'Université Toulouse Jean Jaurès a adopté en 2011 un référentiel élaboré par un groupe de travail.

Que sont les Castor poche devenus ?

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L’histoire des collections jeunesse, de leur genèse, de leur développement et de leur évolution est un sujet de recherche universitaire relativement récent, qui intéresse les chercheurs mais aussi les citoyens, qui cherchent à appréhender par ce biais l’évolution des politiques éditoriales, reflet de nos sociétés contemporaines. C’est ce qui avait été le point de départ de notre travail de recherche sur la collection Castor Pocheà la fin des années 90. Le travail de thèse dirigé par Jean-Yves Mollier avait fait l’objet d’une publication en début 2007. Il nous a semblé pertinent d’y revenir et d’observer, avec le recul, ce que sont aujourd’hui les Castor Poche devenus. C’est l’objet de cet article.

Question de méthodologie et d’éthique

Entrer en confiance dans la maison d’édition pour appréhender la fabrique éditoriale

Une première question qui n’est pas simple à résoudre dans le monde de l’édition est celle de l’accès aux sources. À quelles sources avons-nous accès et comment pouvons-nous les utiliser pour les interpréter ? Lorsque nous étudions un corpus en littérature française ou en littérature comparée, nous avons le plus souvent recours aux textes publiés comme base de travail, dans leurs différentes éditions et parfois seulement, de manière exceptionnelle, aux brouillons d’écrivains, si ces derniers ont été archivés dans les dossiers individuels d’ouvrages chez l’éditeur. Dans le champ d’investigation de l’histoire culturelle, qui est celui que nous avons choisi pour nos travaux, et c’est ce qui nous avait largement séduite dans l’approche scientifique, nous allons pouvoir utiliser comme matériau d’analyse tout ce qui contribue à la genèse de l’élaboration de la collection, y compris les dossiers d’entreprise, dossiers de fabrications, documents publicitaires, études, etc. Tous ces documents ne retiennent la plupart du temps pas l’attention des chercheurs en littérature, et ne sont le plus souvent pas archivés au sein des maisons d’édition, faute de place et en raison du manque d’intérêt qui leur est porté, et s’ils sont archivés, ils le sont le plus souvent sans ordre dans les cartons d’archives. Dans le cas de Castor poche, nous avons eu le privilège d’avoir accès à tous ces documents, dont une petite partie seulement a été exploitée dans notre travail de thèse. Ils sont une mine de renseignements sur l’évolution de la publicité par exemple ou sur les techniques de ventes qui sont utilisées. Ces documents avaient fait l’objet d’un classement préalable pour Castor poche et ce choix de classer est déjà une indication précieuse de la conception que les éditeurs avaient de leur travail et de la veille qu’ils menaient sur les collections concurrentes. À cet égard, le travail de Martine Lang[2], méthodique, précis, et soigneux, nous a fait à l’époque gagner un temps considérable dans nos recherches.

Confidentialité et censure

La nécessité d’un rapport de confiance et de confidentialité auxquelles oblige ce type de recherche mérite de s’y arrêter quelques instants. Quand nous avons accès aux documents familiaux, sur la constitution des sociétés et autres actes notariés, ou aux échanges entre le directeur de collection et sa direction (dans le cas qui nous occupait François Faucher et Charles-Henri Flammarion), la question de l’autorisation de reproduire les documents se pose, y compris même dans le cas où la thèse n’est ensuite pas publiée, car le dépôt obligatoire au sein des SCD/BU et du fichier central des thèses rend publics ou pour le moins accessibles lesdits documents utilisés, sauf à les rendre explicitement confidentiels, ce qui revient à renoncer à la diffusion de son travail. Il y aura là donc une première « censure » possible de la part de la famille ou des ayant droits des familles d’éditeurs concernés pour l’utilisation de ces sources. Ceci explique entre autre la différence qu’il peut y avoir entre les versions de documents annexes d’une thèse (dans le cas de la nôtre, ce sont 380 pages de documents d’annexes inédites) et la publication de la thèse remaniée ensuite. Nous avons pour notre part eu la chance que François Faucher ne nous demande pas de lui faire lire notre travail, ni avant la soutenance, ni avant la publication de la version remaniée. En revanche, nombre de documents de la thèse initiale n’ont pas été reproduits dans sa version publiée ensuite à l’Harmattan[3]. La notion de confidentialité est une des explications, mais il faut également prendre en compte la question des droits.

Pour les travaux de recherche, la première étape est donc d’acquérir la confiance pour travailler dans un climat serein. Une deuxième étape consiste à savoir la conserver. Il faut alors entrer dans la recherche en elle-même, en ayant toujours à l’esprit ce nous cherchons à démontrer, où nous allons le chercher et comment nous allons pouvoir le comprendre et l’interpréter. Il faut préciser que dans le cas de notre recherche, les résultats de la collection étaient connus puisque le corpus sur lequel nous avons travaillé avait déjà plus de vingt ans d’existence au moment de notre soutenance.

Politique d’archivage dans les maisons d’édition

Toutes les maisons d’édition n’archivent pas nécessairement les mêmes documents. Nous avons pu dans notre travail chez Gautier-Languereau, Rageot, puis Bordas[4], observer des différences significatives en matière d’archivage de dossiers d’ouvrages.
La constitution même des dossiers de fabrication comporte des éléments fort variables selon les maisons d’édition et l’importance qu’elles accordent à ces derniers.

Lors de nos années d’édition chez Bordas (1998 à 2004) et nous prenons cet exemple à titre comparatif avec la politique d’archivage choisie par Flammarion, les services de fabrication de Vivendi ont opéré un virage numérique en matière d’archivage tout à fait « révolutionnaire ». L’archivage des ouvrages s’est vu entièrement informatisé et numérisé. Dans les maisons d’édition au milieu des années 1980, il fallait pour l’éditeur garder le manuscrit, la préparation de copie, les premières et les secondes épreuves et les devis et copies de contrat dans le dossier de l’ouvrage[5]. Ce qui signifie que nous avions alors une vue exacte du travail de l’auteur, de la concertation avec l’éditeur, et des différentes corrections apportées. Pour les illustrations la procédure était la même, nous pouvions observer les stades de crayonnés, corrections de crayonnés et mises à la couleur. Dans le contexte contemporain et dans la pratique éditoriale actuelle, les étapes sont modifiées. Pour le texte, le plus souvent nous avons recours à un seul jeu de corrections extérieures, et nous ne gardons dans le dossier que la dernière étape qui constitue le BAT (bon à tirer). Pour les illustrations, l’étape des crayonnés est maintenant rarement archivée et dans la mesure où elle est le plus souvent initialement numérique, si elle est modifiée, nous ne gardons plus trace des étapes antérieures. C’est une évolution technologique qui modifie le rapport à la création dans la mesure où nous ne pouvons plus, ou de plus en plus difficilement, remonter le fil de la création et comprendre qui  a agi et à quel moment. Nous pouvons presque affirmer avec cette évolution que nous perdons pour partie trace du travail de l’éditeur. L’ère du livre contemporain est, en un sens, entrée dans une temporalité de création, de fabrication et d’archivage tout à fait nouvelle et différente. Ce constat permet de mesurer la différence avec la richesse des documents patrimoniaux archivés à Meuzac. Là où les archives du Père Castor ont permis, pour la production entre 1931 et 1967 de Paul Faucher, de retracer le travail exact sur le texte et avec les illustrateurs dans ses différentes phases (cf l’archivage de courriers entre ces différents intervenants), la production et les techniques d’archivage contemporain ne permettront plus de reconstituer la genèse du travail éditorial, et par conséquent de comprendre à partir de ces documents l’interaction et la triangulation existant entre auteur (texte), illustrateur et éditeur. Il faut le souligner, même si de facto, l’éditeur n’a pas à rendre compte de ses changements de pratiques, il s’ensuit une difficulté supplémentaire pour le chercheur qui cherche à comprendre les rôles de chacun. Il faudra pour la recherche trouver d’autres manières de réfléchir pour analyser les évolutions, en s’appuyant sur d’autres données.

Nous avons dans notre parcours d’éditrice constaté ces variations et expérimenté la richesse des modes d’archivage classiques, pas seulement pour le chercheur mais aussi pour les éditeurs qui réfléchissent sur leur métier et leur évolution.

Le travail sur les documents d’études comparatives de la concurrence par exemple, nécessite une lecture approfondie et contextualisée de la conjoncture économique du moment du montage des collections. Ils permettent dans le cas de la collection que nous avons étudiée de comprendre la place que prend petit à petit le livre de poche dans le milieu des années quatre-vingts. Ne pas garder ces documents, faute de place le plus souvent pour les maisons d’édition, fait courir le risque pour le chercheur de passer à côté de la compréhension de la logique de décision éditoriale dans un ensemble économique donné. Certains mécanismes économiques, entre autre la montée des collections de poche au sein de la deuxième moitié des années 1970 chez les éditeurs de jeunesse, s’expliquent et s’analysent à partir des documents historiques de l’époque (massification de la culture, évolutions démographiques, montée de l’utilisation des rotatives offset à la place des rotatives typographiques, prix du papier). La lecture et l’analyse de ces documents justifient pleinement le lancement de Castor poche, pas seulement dans la logique de l’éditeur, que nous avons étudiée, analysée dans notre travail mais aussi dans la logique économique de l’économie du livre de jeunesse de l’époque[6]. Une des conclusions de notre travail est que le lancement de la collection Castor poche ne répondait pas seulement aux nouveaux besoins des jeunes lecteurs, comme l’affirmait François Faucher dans les documents (promotionnels) de l’époque, mais aussi à une logique de marché purement économique que François Faucher et Martine Lang avaient bien anticipée.

Quelles étaient les lignes de force de la collection Castor poche au moment de sa sortie?

Pour comprendre ce qu’il reste des préceptes initiaux de la collection et afin de rendre cette partie intelligible, il faut faire un bref rappel les principes fondateurs de cette collection.

La collection affichait en 1980 une charte d’intentions qui avait été envoyée avec le lancement de la collection et prenait la forme de 9 questions à l’éditeur[7]. Le corpus que nous avions étudié comprenait 312 titres publiés en 10 ans.

Les principes fondateurs, au nombre de six étaient : l’authenticité et la sincérité,  la crédibilité du scénario, la vraisemblance, le respect du lecteur, le désir de communication et l’humour, et l’universalité ou la valeur exemplaire du récit. François Faucher et Martine Lang ont toujours affiché leur désaccord avec la lecture de séries aux héros récurrents, sauf dans le cas de La Petite Maison dans la prairie de Laura Ingalls qui est une exception dans le corpus de ces années et représente huit tomes. L’argument avancé était que d’autres éditeurs s’acquittaient de cette tâche très lucrative (les séries se vendent très bien) mais qu’ils ne répondaient pas aux besoins fondamentaux des enfants que le Père Castor avait identifiés (dans le cas de Castor poche, la cinquième étape à la pointe de la pyramide de la lecture maîtrisée).

La proportion d’ouvrages étrangers traduits, dans la volonté de l’ouverture sur le monde était une composante importante de la collection dès sa sortie, avec, nous l’avions noté dans notre travail de recherche, une surreprésentation du domaine anglo-saxon qui était un signe à surveiller. Mais nous trouvions à l’époque une variété de langues traduites[8] beaucoup plus importante que dans les collections concurrentes.

La collection comportait très peu de contes et pas de segmentation[9] de collection mais un éventail de large ouverture.

La conclusion de l’analyse de tous les éléments à disposition avait conclu à un ensemble cohérent dont la pérennité des valeurs serait à surveiller pour maintenir la qualité éditoriale.

Nous avions, en 2008[10], eu l’occasion de faire un pointage précis, pour une intervention en bibliothèque, lors de la sortie de notre travail aux éditions de l’Harmattan, et souligné déjà la dérive des préceptes initiaux de la collection.

La vie d’une collection, surtout quand elle traverse plusieurs décennies, connaît des remaniements et infléchissements de politique et ceci est tout à fait légitime. Mais il est aussi légitime d’en questionner le bien-fondé.

Castor poche a soufflé ses trente-cinq bougies en 2015. Bon nombre de collections de cette époque ont disparu[11] ou ont été reprises par d’autres éditeurs ou bien encore ont été remaniées dans d’autres corpus éditoriaux. On peut pour Castor poche, comme pour Folio junior, parler de collections rescapées des années quatre-vingts. Elles ne sont pas si nombreuses à dater de cette époque. Mais au prix de quels changements ont-elles survécu? Analysons le cas du corpus Castor poche.

La collection Castor poche en 2015

Si l’on observe le catalogue de Castor poche en 2015, l’éditeur revendique sur son site[12] la présence de plus de 500 titres :

« Riche de plus de 500 titres, la collection Castor Poche entraîne les lecteurs entre 9 et 12 ans à la découverte de tous les genres romanesques : elle ouvre sur le monde avec « Histoires d’ailleurs », raconte notre Histoire avec « Voyage au temps de…. », parle de la vie quotidienne avec « La vie en vrai », recueille les contes du monde entier avec « Contes, légendes et récits », invite au frisson et au voyage avec « Policier » et « Aventure », partage les passions avec « Passion cheval ».
 Des talents d’ici et d’ailleurs, une écriture contemporaine, un choix de textes inédits et de traduction pour un voyage riche en découvertes.[13] »

La première difficulté observée est l’impossibilité matérielle de mettre en face des éléments comparables en matière de date de sortie d’ouvrages. En effet, dans le catalogue et corpus initial, la collection était gérée de façon chronologique et par ordre de publication en ordre de numéro croissant. C’est-à-dire que l’on pouvait immédiatement procéder à un traitement statistique. Mais pour pouvoir avoir des points de comparaison pertinents, il aurait fallu que, au fil de sa vie éditoriale, le titre n’ait pas changé de numéro, de collection ou de couverture ou de date de sortie. Si nous prenons un exemple emblématique de la collection, en tapant Richard Bach dans le moteur de recherche de la collection, nous tombons tout naturellement sur le titre Jonathan Livingston le goéland, et le site nous annonce une édition de 2010 alors que ce titre est pionnier dans la collection, et paru dans sa première édition en 1980 sous le numéro 12. Impossible pour qui s’intéresserait à l’historique de la collection Castor poche de 2015 d’identifier que le titre n’est pas une nouveauté de 2010 mais un titre qui a trente ans d’existence déjà dans sa version pour la jeunesse. Le chercheur devra, s’il veut vérifier ces éléments, se procurer l’ouvrage et en vérifier les mentions légales, titre à titre, pour mener à bien ce travail.

La deuxième difficulté pour le chercheur est que chaque nouvelle édition du titre qui fait l’objet d’une nouvelle couverture, avec ou sans nouvelle illustration est considérée comme une nouveauté par l’éditeur dans le traitement statistique et par le SNE[14]. Nous pensons alors observer légitimement que c’est pour grande partie la nouveauté qui génère le chiffre d’affaires d’une collection installée pour un éditeur, propos relayés dans les comptages du SNE et statistiques de Livres hebdo, alors que ce ne sont pour beaucoup que des « relookages[15] » de collections. Nous avançons l’analyse en ayant observé les titres publiés depuis le début de l’aventure du Père Castor (193), que ce qui assure la pérennité de l’identité de la maison d’édition et la qualité d’une collection, ce sont justement les titres de son fonds et pas encore les nouveautés au moment de leur sortie. Quand nous évoquons l’identité de la maison, nous faisons référence à ce qui a permis l’adoption par des générations de lecteurs de titres phares des collections du père Castor. Pour la collection Castor poche il faut mettre au crédit de Flammarion de ne pas procéder au changement de titre lors de rééditions comme le pratiquent certains éditeurs[16].

Le moteur de recherche ne permet pas de retrouver nos titres par date. Il faut alors passer les 300 premiers titres en revue en entrant le nom de l’auteur. C’est à ce comptage minutieux que nous nous sommes livrée pour avoir une idée exacte, une photographie à l’instant T du devenir de notre corpus initial (corpus de 1990, auteurs de la collection de la première époque). Les résultats que nous obtenons sont surprenants, et méritent que nous nous y attardions en matière d’analyse.

Nous avons pris comme base de calcul les 300 premiers titres car ils correspondaient aux titres référencés dans le catalogue destiné aux médiateurs que Martine Lang et François Faucher avaient élaboré. En 1992  nous observons que tous ces titres sont présents au catalogue, lors de la sortie du Guide de lecture[17].

Calculons maintenant le nombre d’auteurs présents au catalogue. En 1992, ce sont 197 auteurs qui sont présents dans une liste de 300 titres (certains auteurs ont plusieurs titres à leur actif). Nous avons analysé l’origine géographique des auteurs et la part de traduction dans la collection dans notre thèse[18]. Si nous analysons le catalogue de 2015, il faut se référer au site car le Guide de lecture, dans la forme dans laquelle il existait, n’a pas été actualisé. Autre temps, autre support et vecteur de communication, nous effectuons cette recherche avec un moteur informatique. Nous constatons alors que seuls 41 auteurs sont encore présents, rescapés du « naufrage de la rentabilité économique », sur les 197 que nous comptions en 1990. Nous assistons donc à un désherbage[19] sauvage de la collection. Pour établir une comparaison fiable en matière de chiffres, en 2004, lors de notre soutenance, le catalogue comptait encore 500 titres exploités sur les 800 qui avaient été publiés. Nous pouvons dès lors observer une accélération de l’abandon des titres, sans doute due à une rotation trop faible.

Si nous mettons en parallèle les chiffres de tirages initiaux de Castor poche, la comparaison est significative : en 1980 l’éditeur tirait de 18 000 à 20000 exemplaires chacun des 16 titres par an, en 1990, on tirait en moyenne à 10000 exemplaires chacun des 40 titres par an. Nous affirmons après l’analyse et l’observation des documents disponibles que la surenchère de production est une fuite en avant, au détriment de la qualité des titres, car si l’équipe éditoriale travaille à effectif constant[20], il est impossible de maintenir la même qualité éditoriale. Actuellement les premiers tirages de titres en jeunesse de nouveautés en poche excèdent rarement 6000 exemplaires[21] pour le premier tirage[22]. Il faut préciser que le livre de poche jeunesse a cette spécificité par rapport au livre de poche pour adulte qu’il est souvent le support pour la nouveauté et pas seulement pour des deuxièmes éditions dans un autre format. Il faut donc trois titres de 2015 pour générer le même volume d’exemplaires vendus avec un titre en 1980. Mais les frais de production vont être plus élevés : frais de calage multipliés par trois, frais de production pour trois titres, frais de publicité pour trois titres. Alors, même si les coûts de production ont sensiblement baissé entre 1980 et 2015, il n’en reste pas moins que la marge dégagée était meilleure avec les frais de production d’un seul titre au lieu de trois, pour reprendre l’exemple cité. Nous invitons le lecteur à reprendre la lecture du chapitre  correspondant dans notre travail[23]. Pour la partie contemporaine, les indicateurs des synthèses annuelles sectorielles de Livres-hebdo donnent un bon baromètre et la seule étude disponible sur le poche jeunesse des années 2000 met bien en évidence le recul de la collection Castor poche en terme de parts de marché sur ce secteur. Il faut bien sûr mettre ces chiffres en parallèle de l’augmentation du nombre d’acteurs (éditeurs qui publient des livres de poche) sur le même secteur de marché[24].

Pour essayer de comprendre et d’analyser la disparition d’auteurs du catalogue, nous pouvons sur ce point émettre plusieurs hypothèses. Certains titres, au fil du temps, ont sans doute un peu vieilli, et les goûts des enfants ont sans doute évolué, mais se pose alors la question de l’universalité des titres choisis qui était un des préceptes fort de la collection. En effet, une des valeurs fortes du montage de la collection était l’universalité du propos, qui suppose donc une longévité dans la mise à disposition du titre pour les enfants. C’est ce que l’on appelle en terme marketing le passage de la nouveauté au fonds, parfois au best-seller quand l’éditeur est chanceux. On prend acte que les goûts des enfants ont changé et que certains titres ne sont plus « adaptés » au lectorat jeunesse, mais le côté humaniste et universel qui prévalait dans le choix des manuscrits au début de la collection a permis d’éviter en grande partie cet écueil, au moins durant la première décennie.

Nous aimerions revenir sur certains auteurs qui ont disparu du catalogue et dont la disparition pose question au regard de l’identité même de l’Atelier du Père Castor. Les enfants aux yeux éteints de Lida Durdikova ont disparu du catalogue. Si l’on sait que Lida était l’épouse du fondateur des éditions Paul Faucher et que le titre en question relate l’expérience de :

« Claire, 18 ans, (qui)  apprend que six enfants aveugles vont devoir rester à l'institut pendant les vacances. Elle propose de les accueillir dans une petite maison à la montagne. Jour après jour, au long des jeux et des promenades, Claire accompagne les enfants dans leurs découvertes du monde... [25]»,

on peut se demander pourquoi ce titre-phare qui prône les valeurs initiales affichées de la collection que sont l’amitié entre les peuples, l’accueil de la différence, la découverte du monde dans la bienveillance n’est plus édité. Si le volume annuel des titres vendus est le seul indicateur pour exclure un titre du catalogue dans une logique économique, il y a fort à parier que ce ne seront à terme que les séries (qui se vendent le mieux) qui resteront ou se développeront dans le catalogue. Or, avec la disparition de cet auteur de cette collection, c’est une part des principes initiaux qui assurait l’identité de la collection qui disparaît[26]. On aurait pu souhaiter que la mise en avant des auteurs maison, au sens le plus fort du terme ici, aurait été mieux assurée et permis d’afficher une continuité, si chère à François Faucher. Il n’en est rien. François Faucher a choisi[27], pour essayer d’enrayer ce processus de désherbage d’auteurs et de titres, de constituer une association, Les Amis du Père Castor, qui accompagnée d’un comité d’éthique assure la réédition de certains titres des éditions de l’Atelier du Père Castor qui ne sont plus au catalogue de Flammarion.

Nous aimerions souligner la difficulté que rencontre un éditeur pour assurer la disponibilité de l’ensemble des titres de sa collection quand les courbes de vente des titres sont analysées à la loupe par les contrôleurs de gestion des services financiers. La vocation et le métier d’éditeur tels qu’ils se sont pratiqués jusqu’aux années quatre-vingt-dix se heurtent de plein fouet, et c’est encore plus vrai aujourd’hui qu’hier, aux sirènes de l’économie de marché et de la rentabilité. Cette logique qui va à l’encontre de la qualité est accélérée par les rachats et regroupements successifs des maisons d’édition et par la rotation de plus en plus rapide des titres dans les librairies. Un titre qui ne connaît pas de succès immédiat aura peu de chance d’être conservé dans le fonds, alors même que c’est le fonds qui constitue la durabilité et la qualité d’une collection. Des études croisées des fonds de librairie et d’analyse des retours[28] ont montré que la durée de vie d’un livre était de plus en plus courte en magasin, et la disponibilité chez l’éditeur souvent réductible à moins de deux ans. Ce processus déjà en marche à la fin des années quatre-vingt-dix s’est amplifié. Il n’est à ce jour au demeurant pas possible de mesurer encore exactement l’incidence du rachat par Madrigall.[29]

Dans la liste des auteurs disparus du catalogue Castor poche, quelques disparitions emblématiques sont à souligner qui ont pourtant assuré la notoriété de la collection[30] : en 1981, L’Autre d’Andrée Chedid paraît et vient enrichir le choix des premiers titres parus l’année précédente, assurant ainsi une belle visibilité à la collection naissante ou encore dans sa phase d’implantation. Mais le titre n’est aujourd’hui, en 2015, plus au catalogue. Il est en revanche toujours présent chez Flammarion au format poche dans la collection Librio et on le retrouve dans le catalogue d’hiver 2015 de France Loisirs. On peut ici supposer que c’est la logique commerciale qui a dominé la décision. Assurer plus de ventes dans un format à destination du tout public (adultes et enfants) ou via la VPC (vente par correspondance, donc avec droits différents dans leur montant), mais au détriment d’une collection déjà installée. Et il en est de même pour les autres titres du même auteur,  tous disparus du catalogue si l’on excepte L’Enfant multiple.

Disparition également de Marie Colmont de cette collection que l’on peut aussi déplorer car pour la même raison que celle expliquée plus haut (les textes célèbres de Marie Colmont, sont eux restés au catalogue des albums, comme Marlaguette ou Michka) est aussi un gage d’identité de la collection, inscrite dans une politique d’auteurs maison.

On voit également disparaître de nombreux titres de Colin Thiele, le seul à être conservé est On l’appelait tempête alors que cet auteur comptait huit titres en 1992. Même restriction pour Marilyn Sachs, dont seuls deux titres restent au catalogue. Certains auteurs, dont la notoriété en littérature jeunesse est largement reconnue chez d’autres éditeurs, ont aussi disparu, nous pensons à Gianni Rodari, à Evelyne Reberg, aux très beaux textes d’Anne Pierjean ou de Sandrine Pernusch. Disparition également des beaux textes de contes du monde entier de Jean Muzi, ce qui assurait une belle identité à la collection en continuité avec l’esprit de l’amitié des peuples, ou bien encore aux textes de Thalie de Molènes. Disparition de Januscz Korzack avec La Gloire, ou bien L’Arbre à voile de Wanda Chotomska qui ont lancé avec succès la collection Castor poche et inscrit l’identité de cette dernière dans la pluralité des auteurs, entre autre de l’Est, alors publiés. La situation de la collection par rapport à son identité initiale, a donc évolué vers un concept beaucoup plus large, et moins identifiable pour les lecteurs et y a perdu au passage de sa spécificité. Une collection qui a été le fleuron du livre de poche au moment de sa sortie et dans sa première décennie d’exploitation a bien sûr l’obligation de faire évoluer son fonds mais pourquoi les auteurs qui en assuraient la légitimité même ont disparu ? Castor poche y a perdu de son crédit auprès des libraires , des prescripteurs, et aussi une partie de sa réputation de qualité. Castor poche occupait en 1992 la deuxième place des collections de poche en nombre de volumes vendus (1 700 000 de ventes nettes[31]). Dans le travail effectué par Bertrand Ferrier (cf note 21), elle n’entre même plus dans la liste des dix premières.

On comprend dès lors mieux le choix que François Faucher a pu effectuer pérenniser la mémoire de la maison d’édition, par le biais d’une association,  et d’en assurer la continuité patrimoniale.

Quelles préconisations pour garder vivant le patrimoine d’une collection et de ses archives?

Relater l’initiative de François Faucher, depuis 1996, prend ici tout son sens. L’association des Amis du Père Castor, sise à Meuzac (Limousin), réédite en effet, sous forme de fac-similés des textes précieux, qui ne sont plus au catalogue de la maison Flammarion, assurant ainsi la pérennité d’un fonds patrimonial que nous ne pourrions sans cela plus avoir à disposition. Est disponible dans la collection des fac-similés un choix de titres épuisés que l’on peut consulter sur leur site[32]. Nous trouvons également des textes fondateurs comme « la mission éducative des Albums du père Castor » ou l’ensemble des « préfaces » des albums de l’époque de Paul Faucher et bien d’autres ressources encore. Le catalogue est également consultable sur leur site, récemment rénové[33].

Ces ressources, quand nous avons commencé nos recherches à la fin des années 90, n’étaient pas disponibles autrement que dans les archives de la maison et sous forme papier. C’est donc souligner l’importance que revêt le travail de mise à disposition de ces documents que ce soit dans la petite collection ou dans la collection des fac-similés, ou sous forme électronique et numérisée de ces ressources.

Mais si les documents historiques de Paul Faucher, ou de ses collaborateurs, sont réédités sous forme de fac-similés ou dans la petite collection, pour le travail concernant la collection Castor poche, la problématique est plus complexe. En effet, nous avons pu montrer au travers du dépouillement de l’ensemble des archives disponibles, y compris les archives commerciales, de la première décennie, une cohérence d’ensemble.

Quelles sont les nouvelles orientations de la collection Castor poche en 2015 ?

Incontestablement, la collection Castor poche a été un succès éditorial et commercial, mais, sur le long terme et au regard de la philosophie de Paul Faucher, peut-on dire que les transformations de la collection contribuent à la pérennité et la cohérence éducative?

Quand on analyse la « photographie » du catalogue de 2015, on peut noter que certains préceptes de la charte initiale ne sont plus respectés, alors même que l’éditeur garde le nom de la collection.

La collection dans son essence refusait les séries ou les mises en avant de titres d’un même auteur, en grand nombre, souhaitant ainsi privilégier la variété, la diversité et la qualité du catalogue en tant de découvreur de talents.

Les séries ont pris une place prépondérante dans le corpus: nous citerons pour étayer le propos celle de Passion cheval, même si les auteurs sont différents, il est légitime de se demander si l’éditeur ne cherche pas à copier les Grand galop de Bayard sans l’afficher ouvertement, ou bien encore les séries Petits monstres de Fabrice Colin dont il est clairement affiché sur le site la revendication de la littérature prolifique, y compris dans la présentation de ce dernier :

« Auteur prolifique, (qui) s’est imposé en fantasy et science-fiction. Récompensé par de nombreux prix (dont le Grand Prix de l’Imaginaire à trois reprises), il est le novélisateur des romans adaptés du film Le Petit Prince (Gallimard). Déjà auteur de La vie extraordinaire des gens ordinaires et de l’Île du sommeil chez Flammarion, il fait une entrée remarquée en «Castor Poche cadet » avec les Petits Monstres. »

Le segment[34] de fantasy qui entre dans la collection Castor poche qui avait lors de sa création pour but de se placer ailleurs :
«  … en proposant des récits qui ouvrent sur le monde d’aujourd’hui, des récits qui respectent l’acquis du passé, présentent des enfants et des adultes dans des situations réelles, qui parlent aux enfants de leurs vrais problèmes, de leurs soucis, de leurs joies, de leurs droits, de leurs responsabilités ? Des récits qui stimulent la réflexion et le sens poétique des jeunes lecteurs.[35] »

Dans les séries également en Castor cadet, on peut citer les titres de Marc Cantin. Il y aurait matière à toute une analyse dans le temps de 1980 à 2015 des va-et-vient d’entrées et de sorties de parties de catalogue de la collection, de réintégrations, avec ou sans mention d’âge.  En 2015, ils figurent sous la mention premières lectures Castor avec différentes séries, et Castor poche est réservé aux titres ciblés pour les 8 à 13 ans.

La maison d’édition a choisi de privilégier la mise en avant de certains auteurs, en multipliant les titres d’un même auteur dans une même collection (Christine Feret-Fleury, par exemple). L’éditeur répond à cette analyse qu’il assume et privilégie une politique d’auteurs mais quand il multiplie ainsi le nombre de titres dans une même collection, il appauvrit de facto la richesse et la diversité de cette même collection.

Nous aimerions aussi souligner l’arrivée dans le catalogue Castor poche d’un auteur dont les titres avaient été refusés dans la première décennie de la collection et qui était à l’époque un auteur fleuron de Rageot : Michel Honaker. Ce dernier est présent maintenant avec de nombreux titres dans la série historique. L’éditeur limite la dénaturation de la collection Castor poche en intégrant dans la collection Tribal les titres de cet auteur relevant du genre de la science-fiction ; cependant nous voyons bien que les critères de politique éditoriale ont changé. Notre objectif n’est pas ici de faire l’apologie des temps anciens d’une collection, mais nous souhaitons insister sur les points suivants : il est légitime, normal, et cohérent pour un éditeur de répondre aux contraintes économiques du groupe auquel il appartient, mais par contre il a le devoir éthique, c’est notre analyse, d’en informer les acheteurs et les lecteurs.

Vendre sous la même marque Castor poche des titres qui ne correspondent en rien à la charte éditoriale fait courir le risque de perdre des lecteurs. C’est peut-être une des explications du recul de Castor poche sur le marché du livre de poche en 2015.

L’analyse exhaustive titre à titre de l’ensemble du catalogue 2015 pourrait faire à elle seule l’objet d’une deuxième thèse, tant la question des choix éditoriaux qui ont été faits est différente de la philosophie de départ. Encore faudrait-il pouvoir disposer de l’ensemble des archives contemporaines de la collection, ce qui n’est pas le cas pour un corpus encore en cours d’exploitation.

Conclusion 

Il nous paraît important de souligner combien l’apport des archives est capital pour mener à bien l’analyse d’une collection dans sa durée. Nous avons montré que le génie de Paul Faucher (le créateur des éditions) avait été tout autant de répondre aux besoins des enfants que de se poser les questions idoines de coûts, de diffusion et de mise à disposition des ouvrages au plus grand nombre, en d’autres termes de mettre la diffusion au cœur de la réflexion. Ce travail avait été fait dans le sens de répondre d’abord aux besoins des enfants, selon une pyramide de progression, et la question de commercialisation et de diffusion n’arrivait qu’en second plan dans la démarche.

François Faucher, durant son activité dans les années soixante-dix à quatre-vingt-dix, a porté un soin attentif au respect de l’édifice construit par son père, et innové par la pointe de la pyramide en créant Castor poche. Ce qui lui a permis d’une part de ne pas trop aller à l’encontre de ce qui avait été construit précédemment, (dans le même temps, d’autres éditeurs comme l’école des loisirs avaient investi le champ de l’illustration de façon différente), mais d’autre part de prendre également en compte l’évolution des besoins de lecture des enfants. Pari gagné pour les dix premières années de Castor poche, pari déjà plus compliqué durant la deuxième décennie (ce point avait déjà été souligné par les libraires présents au colloque à Pougues-les-Eaux en 1998[36]) et ce pari nous semble désormais perdu en 2015 quant à l’identité initiale de la collection et des valeurs qu’elle prônait. Castor poche comme bon nombre de ses concurrents a ouvert la boîte de Pandore des séries, des multiplications de titres d’un même auteur et cédé à la standardisation de l’offre de lecture pour les enfants. C’est la consultation et l’analyse des archives ayant constitué la genèse de la collection qui permet d’avancer ce constat, que nous présagions déjà fin 2004 en conclusion de notre travail: « il nous semble que François Faucher n’a pas renoncé à privilégier l’enfant dans son action, ce qui sera, peut-être une gageure au vingt-et-unième siècle, lorsque l’enfant disparaîtra sous le consommateur anonyme ».

Au travers des choix éditoriaux opérés, la collection est entrée dans une dimension tout à fait différente. Les temps, les lecteurs, les pratiques de lecture ont certes changé, et les services financiers ont souvent pris les commandes, mais pourquoi alors garder la dénomination Castor poche ? Ce sont justement les documents d’édition et d’archives contemporaines qui permettraient de comprendre cet infléchissement éditorial. Pour les mettre en comparaison de ceux des années 1980 à 1990, nous avons fait procéder à la numérisation des documents en notre possession et allons les remettre à disposition aux archives de Meuzac. Un beau sujet de recherche comparative, soit sur une période plus récente, soit sur une période comparable s’ouvre pour qui voudrait se pencher sur la question.

Nous avons souhaité dans cet article questionner en arrière-plan le sens du mot « collection » dans son acception marketing et observer son évolution à partir des données chiffrées disponibles. Il nous semble à l’issue de ce travail qu’il est légitime d’affirmer que la consultation de l’ensemble des archives permet d’appréhender les choix et axes de collections retenus par l’éditeur dans les années quatre-vingts à quatre-vingt-dix. Sans ces archives, pas de point de comparaison possible avec la production contemporaine de 2015. Les archives éclairent la « fabrique » de l’histoire d’une collection, sa politique éditoriale et les valeurs qui la sous-tendent. Notre analyse tient sans doute plus du marketing et de l’analyse de la notion de « marque » que d’une approche à proprement parler littéraire, mais le concept même de notion de  « collection »  est lié à son exploitation et son évolution dans l’approche que nous avons choisie. Pour revendiquer la filiation dans la continuité, comme François Faucher l’a fait durant son activité éditoriale, la connaissance des archives, la genèse et le développement des collections sont de précieux outils. L’exploration du catalogue de 2015 nous montre que la collection a pris un autre chemin et qu’il est désormais compliqué de parler de continuité.

 

[1]13 octobre 2006 (cf :http://mediatheque.castor.free.fr/index_fichiers/Page347.htm : compte-rendu de l’inauguration et consultation du fonds et des archives disponibles.

[2] Martine Lang a été la collaboratrice de François Faucher durant toutes ces années. On retrouve dans notre thèse, en annexe, de nombreux documents, annotés de sa main qui corroborent l’affirmation d’un travail en étroit binôme avec François Faucher, par exemple dans le tome 3, annexe 29, pages 261 à 290.

[3] DELBARD Claire, La collection Castor poche (1980- 1990), ou comment innover sans trahir ?, Paris, Harmattan 2007.

[4] Nous avons été salariée de l’édition de 1994 à 2004 et occupé différents postes éditoriaux dans différentes structures. C’est ce travail qui nous a amenée à nous questionner sur l’amont et l’aval des collections. Que fait-on  en matière de politique éditoriale? Pourquoi le fait-on ? Et que conserve-t-on comme trace ? La question des archives disponibles pour comprendre ce processus est une question majeure.

[5] Pour la chaîne du livre et son vocabulaire, nous renvoyons à la référence suivante : http://www.cnrs.fr/compratique/telechargement/docsIntercom/chaine.pdf (p 4 et suivantes).

[6] Je renvoie pour ces éléments d’analyse à la consultation des annexes du tome 4 de mon travail de thèse, Comment innover dans la continuité ? ou les collections  Castor poche et (1980-1990) et le renouvellement de la littérature pour la jeunesse à la fin du XXe siècle, qui sont en consultation dans la version archivée par le service central des thèses.

[7] Annexe 1 du présent article, (pp. 204 à 207 des annexes de la thèse initiale).

[8] En 1990, sur 312 titres publiés, 107 sont issus du domaine français et 204 du domaine étranger, dont 148 du domaine anglo-saxon (cf pp 376-377 tome IV de notre thèse).

[9] Le classement thématique permettait plusieurs entrées simultanées pour un même ouvrage, indiquant par ce biais le possible classement de l’ouvrage dans plusieurs catégories.

[10] Médiathèque de Marsannay-la-Côte, conférence Le Père Castor en poche, 2 décembre 2008.

[11] On se reportera sur ce point aux travaux de recension de Raymond PERRIN,  publiés aux éditions de l’Harmattan, parmi lesquels : Un siècle de fiction pour les 8 à 15 ans (1901-2000).

[12] Les maisons d’éditions publiaient toutes des éditions papier de leur catalogue avant les années 2000. Depuis le développement des sites d’éditeur, on trouve les catalogues en ligne. Si pour le chercheur, la référence du dépôt légal à la BNF reste le point incontournable pour le comptage effectif des titres publiés, en revanche, si l’on veut avoir une photographie à un instant T des titres disponibles d’une collection, seul le moteur de recherche de la maison d’édition, ou Electre, si l’on est en possession de tous les titres, permet de vérifier la disponibilité effective des ouvrages. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi cette méthode de vérification et de comptage.

[13] Annexe 2 : Capture d’écran site de l’éditeur effectuée en octobre 2015, consultable à l’adresse suivante : http://editions.flammarion.com/Catalogues

[14] Syndicat national de l’édition

[15] Dans l’édition, nous parlons de relookage de collection, empruntant ce terme au vocabulaire de la mode, quand un éditeur choisit, par exemple pour moderniser une collection, ou augmenter ses ventes de modifier la charte graphique, la typographie, ou les illustrations, ou la présentation générale de la collection. Nous avons alors les mêmes auteurs publiés dans une présentation différente. Ce procédé est courant dans la vie des collections.

[16] Cf Rageot et la réédition du livre : Le cri du livre, de Carole Martinez, paru chez Pocket jeunesse qui ressort avec le titre L’œil du témoin, avec quelques modifications mineures.

[17] Guide de lecture Castor Poche, Bibliothécaires, enseignants, libraires, Flammarion éditeur, Paris 1992.

[18] Les 204 titres étrangers du coprus étudiés sont issus d’une vigntaine de pays (cf tome 4,  pp 248 à 260).

[19] Le désherbage est l’action en bibliothèque de supprimer des livres disponibles à l’emprunt, ceux qui ne sont plus empruntés depuis un temps long. Un ouvrage qui ne « sort plus » finit par être desherbé. Ici, l’éditeur procède de la même manière en fonction des courbes de ventes des ouvrages.

[20] En effet, le travail éditorial de choix de manuscrits, de travail avec les auteurs ou avec les traducteurs, de relecture aussi, ne peut être mené avec le même soin si un éditeur a le double de titres à gérer dans l’année. C’est notre expérience directe de production éditoriale qui nous permet d’avancer cette analyse.

[21] « Le secteur de l’édition jeunesse représente plus de 8 800 références en 2012, soit 13 % des titres parus. Cette édition jeunesse est constituée pour 3/4 de fictions et 1/4 de documentaires (sciences, biographies et histoire, arts…). Alors que ces publications ont été déposées par près de 900 éditeurs actifs, on constate que la moitié de la production jeunesse est réalisée par seulement une quarantaine d’éditeurs. Les tirages sont généralement élevés, avec un tirage initial médian de 5 000 exemplaires » Origine du doc : http://www.bnf.fr/documents/dl_observatoire_2012.pdf, Observatoire du Dépôt Légal.

[22] Pour l’ensemble du marché du livre de poche contemporain, l’ouvrage qui fait référence est celui de Bertrand Ferrier, Les Livres pour la jeunesse, entre édition et littérature, chapitre 2 : les produits. Le titre même du chapitre indique bien le passage du livre de poche à un produit de consommation. Pour les tirages moyens du livre de poche et leur évolution, on se reportera à l’étude du marché jeunesse effectuée en 2002, cf Etude de la production dans l’édition jeunesse en 2001, ESCP EUROPE/CCI/ASFORED/SNE, Paris, 2002. Il n’y a pas d’étude économique complète plus récente portant exclusivement sur le livre de poche jeunesse, à notre connaissance.

[23] Cf  pp 403-440 tome 2 de la thèse initiale.

[24] Livres Hebdo numéro 1019 dossier annuel 2014, Livres Hebdo numéro 1064, dossier annuel 2015 ou encore l’étude GFK, consultable à l’adresse suivante : http://www.idboox.com/etudes/marche-du-livre-jeunesse-625-millions-deuros-de-chiffre-daffaires/

[25] Texte de la quatrième page de couverture.

[26] Sur la notion d’identité, dans l’édition, quand nous employons le terme « identité » de collection, nous faisons référence tant au contenu, et donc aux choix éditoriaux (auteurs, thèmes) qui répondent aux critères fixés, ainsi qu’aux choix graphiques. On pourrait l’assimiler au plus petit dénominateur commun entre les titres. Une des lignes de force souhaitée par François Faucher aura été d’assurer la continuité sans rupture avec les choix de son père, et donc éliminer Lida Durdikova du catalogue, c’est aussi renoncer à faire ce lien ténu entre les différentes collections. Elle a écrit dans différentes collections et c’est un des auteurs qui permet de repérer à coup sûr l’esprit maison, dans la manière dont elle s’adresse à l’enfant et le prend en considération.

[27] François Faucher est décédé le 30 octobre 2015. Il a pu avoir entre les mains la première version de cet article, avant les modifications et compléments demandés par la revue. Nous considérons d’une certaine manière que cet article est aussi une forme d’hommage au travail qu’il aura avec Martine Lang mené pendant le lancement et la première décennie de la collection. Il est en revanche plus difficile de cautionner la suite des choix opérés pour la ligne éditoriale de la collection par rapport aux préceptes initiaux.

[28] Le taux de retour moyen est passé de 12 à 35 % dans les deux dernières décennies. Cf sur ce point : https://www.actualitte.com/article/tribunes/les-retours-en-librairies-machine-a-produire-a-defaut-de-creer/57676.

[29] En histoire culturelle, nous partons de l’hypothèse de travail que les incidences des différents rachats ne peuvent se chiffrer immédiatement mais sont mesurables au moyen terme, souvent une décennie après.

[30] Et les titres concernés sont des titres, pour le cas d’Andrée Chédid ou Marie Colmont, qui sont repris avec succès dans d’autres éditions, donc ce n’est pas l’argument du « vieillissement » qui peut être avancé.

[31] Op.cit p 318 tome 4 de la thèse initiale.

[32] http://www.amisduperecastor.fr/category/facsimiles

[33] http://www.amisduperecastor.fr/category/petite-collection-des-amis-du-pere-castor

[34] Nous employons le terme de « segment » car les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur le terme de genre constitué pour les littératures fantasy, ou littérature de l’imaginaire.

[35] Castor Poche, déclaration d’intention signée de François Faucher envoyée aux libraires au moment de la sortie de la collection (1980).

[36]  BRANCHU Jacques : Paul Faucher (1898-1967) : un Nivernais inventeur de l'album moderne : actes du colloque de Pougues-les-Eaux, 20 et 21 novembre 1998, Conseil général de la Nièvre,‎ 1999.

Bibliographie

Sources papier

BRANCHU Jacques : Paul Faucher (1898-1967) : un Nivernais inventeur de l'album moderne : actes du colloque de Pougues-les-Eaux, 20 et 21 novembre 1998, Conseil général de la Nièvre,‎ 1999.
DELBARD Claire, La collection Castor poche (1980- 1990), ou comment innover sans trahir ?, Paris, Harmattan 2007.
FAUCHER François, LANG Martine, Guide de lecture Castor Poche, Flammarion éditeur, Paris 1992.
FERRIER Bertrand, Les Livres pour la jeunesse, entre édition et littérature, PUR, Rennes, 2011.
FOUCHER Pascal, dir, Flammarion 1875-2015 : 140 ans d’édition et de librairie, Gallimard-Flammarion, Paris, 2015.
KORACH Dominique, LE BAIL Soazig, Editer pour la jeunesse, Cercle de la Librairie, Paris 2014.
MOLLIER Jean-Yves et TRUNEL Lucile dir, Du « poche » aux collections de poche, Les cahiers de des paralittératures, numéro 10, Editions du Céfal, Liège, Belgique, 2010.
MOLLIER Jean-Yves dir, Où va le livre ?, Editions de la Dispute, 2007.
PERRIN Raymond, Un siècle de fiction pour les 8 à 15 ans (1901-2000), l’Harmattan, 2001.
PIQUARD Michèle, L’édition en France de 1945 à 1980, Presses de l’enssib, Villeurbanne, 2004.
POSLIANEC Christian, Des livres d’enfants à la littérature jeunesse, Découvertes Gallimard, BNF, 2008.

Presse

Livres Hebdo, dossiers jeunesse, numéros 1064 (novembre 2015), et 1019 (novembre 2014).

Compte-rendus BBF

DIAMENT, Nic, Delbard, Claire. Le père Castor en poche, 1980-1990. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 3, 2008 [consulté le 12 janvier 2016]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2008-03-0110-006>. ISSN 1292-8399.

DOURY-BONNET, Juliette. Le « Livre de poche » a cinquante ans. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 3, 2003 [consulté le 12 janvier 2016]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2003-03-0101-006>. ISSN 1292-8399.

KUPIEC Anne, Où va le livre ?. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 6, 2007 [consulté le 12 janvier 2016]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-06-0123-009>. ISSN 1292-8399.

Autres sources électroniques

http://mediatheque.castor.free.fr/index_fichiers/Page347.htm : compte-rendu de l’inauguration et consultation du fonds et des archives disponibles.

http://www.cnrs.fr/compratique/telechargement/docsIntercom/chaine.pdf (p 4 et suivantes).

http://editions.flammarion.com/Catalogues

http://www.bnf.fr/documents/dl_observatoire_2012.pdf, Observatoire du Dépôt Légal.

http://www.idboox.com/etudes/marche-du-livre-jeunesse-625-millions-deuros-de-chiffre-daffaires/

http://www.amisduperecastor.fr/category/facsimiles/

http://www.amisduperecastor.fr/category/petite-collection-des-amis-du-pere-castor

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Livre-et-Lecture/Actualites/Chiffres-cles-du-secteur-du-livre-l-edition-2015-donnees-2013-2014

http://www.sne.fr/enjeux/chiffres-cles-2013/et chiffres clefs-consolidés 2014

http://classes.bnf.fr/livre/arret/histoire-du-livre/livre-contemporain/03.htm

https://www.cairn.info/revue-culture-etudes-2008-4-page-1.htm

http://doc.sciencespolyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/DRECI/ducroux_c/pdf/ducroux_c.pdf

http://www.mij.allier.fr/. (Dossier de presse, dossier pédagogique sur l’exposition Père Castor, Raconte-nous ton histoire sont téléchargeables sur le site. Il existe aussi un catalogue de l’exposition.)

Fichier central des thèses

www.theses.fr/

Comment innover dans la continuité ? ou les collections  Castor poche et (1980-1990) et le renouvellement de la littérature pour la jeunesse à la fin du XXe siècle, qui sont en consultation dans la version archivée par le service central des thèses.

Etudes

Etude de la production dans l’édition jeunesse en 2001, ESCP-EUROPE/CCI/ASFORED/SNE, Paris, 2002.


Deux après la signature de la plateforme de recommandations pour le prêt numérique en bibliothèque, où en est-on avec PNB ?

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L’expérimentation PNB n’en est plus une depuis plusieurs mois désormais. Elle est entrée dans sa phase industrielle. A-t-elle pour autant fait l’objet d’une évaluation ?

Des chiffres sont régulièrement publiés, des enquêtes sur les usages observés autour du service PNB ont été effectuées, telle celle, très complète, menée par l’ENSSIB, autour du service Bibook de Grenoble par exemple et publiée en octobre et novembre 2015. Mais il ne s’agissait pas à proprement parler d’une évaluation qualitative.

C’est ce qui avait motivé l’ABF, en octobre 2015, à demander très officiellement par le biais d’un communiqué de presse qu’ « une véritable étude indépendante […] puisse faire le point de cette année d'évaluation. ».

En réponse à cette requête le ministère publiait en mars 2017 un rapport d’évaluation, qui se présentait comme un « premier bilan ».La dizaine de pages qui le constituent reste dans une approche essentiellement quantitative, même s’il y est fait mention de certaines des 12 recommandations de décembre 2014 (la première, la deuxième et la neuvième). Dans le même temps l’association « réseau CAREL » organisait une journée consacrée à PNB, le 8 mars 2016.

Quelques mois plus tard, les questions demeurent dans la communauté des bibliothécaires. Malgré l’adhésion d’un nombre important de bibliothèques et de librairies au service PNB, malgré l’enrichissement du catalogue sur lequel s’appuie le hub Dilicom, force est de constater que la perplexité, voire la franche défiance se manifestent encore régulièrement tant sur les réseaux sociaux que lors des rencontres entre professionnels. En tant que consultant spécialiste du secteur je le constate moi-même auprès de mes clients de lecture publique.

La pérennisation de cette situation d’entre deux ne me semble pas souhaitable. Si l’on veut que les résultats d’une évaluation soient acceptés par tous et partagés, elle doit faire consensus tant sur ses objectifs que sur la méthode. Or nous disposons déjà de la grille d’évaluation qualitative. Elle est constituée des 12 critères qui ont fait l’objet d’une plateforme d’accord (ou plutôt d’intentions), signée en décembre 2014, par 8 organisations professionnelles (dont l’ABF et le SNE, mais également des associations d’auteurs et de libraires). Deux ans plus tard, ne serait-il pas enfin le moment de vérifier si le dispositif PNB se conforme bien aux intentions communes affichées par les organisations professionnelles ? Ou alors faudrait-il considérer que ce texte consensuel a été signé pour être aussi vite oublié, d’autant qu’il n’était assorti d’aucune obligation d’exécution ?  

Le dispositif PNB étant un service destiné aux usagers des bibliothèques publiques, il me semble que c’est aux bibliothécaires de s’emparer du sujet et de vérifier dans quelle mesure PNB répond ou ne répond pas aux 12 marqueurs que la principale organisation professionnelle qui les représente a reconnus comme nécessaires à un service de prêt numérique. Certes, ces 12 points n’ont pas été adoptés pour servir de cahier des charges de PNB :  le dispositif existait déjà et était déjà en phase expérimentale. Cependant nul ne peut douter que s’ils avaient une portée plus générale, c’est bien PNB qui était en ligne de mire des signataires.

  1. Avec PNB, les bibliothèques publiques ont-elles accès à l’intégralité de la production éditoriale numérique, c'est-à-dire à l’ensemble de ce qui est proposé aux particuliers ? Dans la négative, est-on en mesure d’établir une feuille de route qui permettrait d’atteindre cet objectif ?
     
  2. Tous les libraires connaissent-ils cette offre, ses conditions tarifaires et d’usages et disposent-ils des métadonnées des catalogues des éditeurs qui leur permettent de les présenter aux bibliothèques ?
     
  3. Ces mêmes métadonnées sont-elles bien récupérées par les bibliothèques afin qu’elles puissent les présenter à leurs usagers et les utiliser pour la médiation de la lecture numérique ?
     
  4. Plus globalement, constate-t-on une pleine interopérabilité des catalogues d’éditeurs proposés aux bibliothèques ; autrement dit, le Fichier exhaustif du livre, sur lequel s’appuie le hub Dilicom, est-il bien interopérable pour les catalogues des bibliothèques et l’effort de fédération qui a été fait pour les libraires a-t-il été décliné pour les bibliothèques ?
     
  5. Cette offre est-elle bien accessible aux usagers inscrits dans une bibliothèque, quel que soit leur mode de connexion (depuis un poste de la bibliothèque comme depuis chez eux ou depuis leur smartphone ou leur tablette) ?
     
  6. PNB permet-il une régulation des accès garantissant un équilibre entre l’emprunt en bibliothèque et l’achat en librairie ? Permet-il aux collectivités de conserver la maîtrise de leur politique d’acquisition et de prêt (périmètre du public inscrit bénéficiant du service, durée de prêt, nombre d’emprunts par personne…), dans la limite des offres commerciales définies par les éditeurs ?
     
  7. Les systèmes de gestion des droits numériques sont-ils pris en compte par PNB ? Et si oui dans quelles conditions, selon quelles modalités pour l’usager ? Sont-elles de nature à entraver l’appropriation du service  et l’accès aux œuvres ? Il faut noter, car cela a son importance, que cette recommandation précise que « les mesures techniques de protection ne sont pas l’unique système de gestion et de protection des droits numériques. D’autres types de dispositifs que ceux qui sont communément utilisés aujourd’hui dans les offres aux collectivités  peuvent être adoptés s’ils garantissent un service de qualité ou permettent de l’améliorer, dans le respect du droit d’auteur ». Cela signifie que même si la gestion des DRM s’améliore sur le plan ergonomique (cf le projet Lightweight Content Protection du consortium READIUM) cela ne dispense pas les acteurs d’imaginer encore d’autres solutions de protection.
     
  8. PNB est-il bien adapté aux déficients visuels ?
     
  9. Les données statistiques sur les usages sont-elles bien accessibles à tous les professionnels impliqués dans le dispositif ?
     
  10. Les auteurs sont-ils rémunérés de façon équitable au titre du prêt numérique ? En cela la décision récente, le 10 novembre dernier, de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a son importance.
     
  11. PNB permet-il de vendre aux bibliothèques les livres numériques aussi bien à l’unité que par bouquets ? Permet-il de proposer d’autres modes de commercialisation ?
     
  12. Dans le cadre de PNB, les clauses des contrats d’achat de livres numériques sont-elles stables ?

Il n’est évidemment pas certain que l’énoncé des questions doit être celui présenté ci-dessus. Si certaines de ces questions sont plus techniques que d’autres et  trouveront une réponse rapidement car elles ne présentent pas matière à discussion, d’autres en revanche sont plus délicates et devront faire l’objet d’un consensus sur la façon dont elles doivent être posées, a minima au sein de la communauté des bibliothécaires.

Il est probable que le dispositif PNB, en l’état, ne répond pas complètement à toutes ces questions : l’objectif de cet exercice n’est évidemment pas de constater la non pertinence du service, mais, pour les bibliothécaires, de poser un constat partagé et de disposer d’un outil leur permettant de proposer une feuille de route d’amélioration et d’évolution.

Ce programme d’amélioration doit nécessairement être engageant, c’est-à-dire obtenir l’appui de l’ensemble des signataires de décembre 2014, dans le cadre d’un accord opérationnel.  Et il suppose également une évolution en conséquence du mode de gouvernance du dispositif PNB.

Cependant, compte tenu des intérêts économiques en jeu, ce nouveau consensus interprofessionnel risque d’être difficile à obtenir et c’est la raison pour laquelle je reste persuadé qu’une loi sur le prêt numérique, ou l’adaptation de la loi du 18 juin 2003 concernant la rémunération des auteurs au titre du prêt en bibliothèque, est nécessaire. Un levier législatif permettrait de dépasser les divergences de vue et de pérenniser la mission historique des bibliothèques en matière de prêts d’ouvrages. Cette loi s’impose d’autant plus que la CJUE vient, le 10 novembre dernier, de confirmer par un arrêt, la nécessité d’une rémunération équitable des auteurs au titre du prêt numérique, au même titre que le prêt physique. Il faut cependant rester prudent sur ce sujet : cette décision est à double tranchant, d’un côté elle valide le principe de l’exception des bibliothèques au titre du prêt, de l’autre elle conforte un modèle ancien, purement calqué sur le physique, alors même que dans PNB la possibilité, pour certaines offres, de proposer du prêt simultané est déjà présente…

Il est donc urgent, dans un contexte où le ministère de la Culture a par ailleurs lancé une réflexion participative dans le but de dégager les lignes directrices d’une loi générale sur les bibliothèques publiques à l’ère numérique, que les bibliothécaires s’emparent du sujet et proposent, sur le sujet particulier du prêt numérique, les points structurants qui pourraient faire l’objet d’une disposition législative. Il s’agit de pérenniser et d’améliorer le dispositif PNB, de promouvoir de nouveaux modèles et de perpétuer la mission historique des bibliothèques.

Pour aller plus loin :

  1. Les 12 recommandations de décembre 2014 ;
     
  2. Etude de l’ENSSIB sur Bibook (le service PNB de Grenoble) ;
     
  3. Communiqué de l’ABF du 16 octobre 2015 ;
     
  4. Evaluation effectuée par le ministère, publiée en mars 2016 ;
     
  5. Programme de la journée du 8 mars organisée par le réseau CAREL ;
     
  6. Synthèse de la journée CAREL, publiée le 11 avril 2016 ;
     
  7. Commentaires sur la journée CAREL, publiés le 9 mars 2016 ;
     
  8. Sur Readium LCP ;
     
  9. Sur l’arrêt de la CJUE le 10 novembre 2016 ;
     
  10. Sur les réflexions en vue d’une loi générale sur les bibliothèques.

LIBER et le copyright dans les revues électroniques

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Le groupe de travail Digital collections est rattaché au comité Reshaping the Research Library de LIBER, la Ligue des bibliothèques européennes de recherche. Comme son nom l’indique, ses travaux concernent la documentation disponible sous format numérique : tous types de documents électroniques ou numérisés, avec ou sans licence d’abonnement, libres de droits ou non, qui posent des questions d’actualité essentielles pour notre métier, et qui interpellent l’ensemble de la communauté professionnelle.

Nous vous invitons à découvrir ce groupe, son activité, ses réalisations et ses projets, puis à faire connaissance avec le regard que porte sur ces enjeux Andreas Degkwitz, directeur de la bibliothèque de l’université Humboldt à Berlin et président du groupe Digital collections de LIBER1 [1]

Présentation du groupe de travail Digital collections de LIBER, la ligue des bibliothèques européennes de recherche

Le groupe Digital collections de LIBER s’intéresse aux questions contemporaines qui font évoluer les pratiques des bibliothèques telles que les acquisitions de livres et de revues électroniques, la gestion de ressources accessibles par abonnement, ou les évolutions techniques et organisationnelles impliquées par la gestion de grandes collections numériques. Le groupe, composé de membres venant d’Allemagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Norvège, travaille en très étroite collaboration avec DARIAH-EU.

Les questions fondamentales traitées par le groupe figurent sur le site de LIBER  :

  • Comment envisager la collecte et le développement de collections à l'ère numérique ? Quel est le rôle de la bibliothèque de recherche, maintenant et dans l'avenir ?
  • Quels éléments considérer comme relevant d’une collection numérique : livres électroniques, revues électroniques, matériel multimédia, autres éléments d'origine numérique tels que publications ou code libre et ouvert, données de la recherche, documents numérisés ?
  • Quelles sont les missions et les critères qui s’imposent aux bibliothèques pour offrir des accès à leurs collections numériques et les préserver ? Quels partenariats nouer ? Quelle technicité et quelles compétences juger nécessaires ?
  • Quels avantages les chercheurs et les enseignants retirent-ils des collections numériques pour faire avancer la science et l'enseignement ? Comment présenter, le plus efficacement possible, diverses collections numériques à ces différents publics ?

Le groupe de travail vise à recueillir, analyser et communiquer les meilleures pratiques et à rendre visibles les projets de valorisation de collections numériques orientées vers la science ouverte et la production universitaire.

Actions récentes et à venir du groupe de travail : 2015 LIBER, 2016 ELPUB, 2017 IFLA satellite à Berlin

2015 LIBER

Le groupe Digital collections a organisé un atelier « Digitisation of Copyright Protected Newspapers in European Libraries » très salué en 2015 dans le cadre du congrès annuel de LIBER sur la question de la numérisation de périodiques protégés par copyright.

Cet atelier s’est tenu au moment où le projet Europeana de numérisation de périodiques démontrait le forte activité des bibliothèques européennes dans ce domaine. Son périmètre européen était fondé sur une large enquête menée par la bibliothèque nationale de Norvège.

Les résultats de l’enquête, le recueil de bonnes pratiques qui en est issu ainsi que les interventions présentées, dont une pour la France (Bruno Sagna, BnF), ont été publiés. Les problématiques abordées et le texte intégral des présentations sont accessibles depuis la page dédiée à cet atelier.

2016 ELPUB

Le groupe Digital collections a co-organisé un atelier « Opening up the collection:Reuse and publishing » lors de la pré-conférence 2016 d’ELPUB (Conference on Electronic Publishing) avec le DFG-Project “Future Publications in the Humanities” et DARIAH-EU.

Cet atelier était dédié aux questions de réutilisation et de diffusion, à des fins scientifiques, de matériaux électroniques complexes tout au long de leur cycle de vie. Il portait sur les Humanités numériques (Digital Humanities) et les Sciences citoyennes (Citizen Science). Il visait à réunir des scientifiques citoyens, des chercheurs, des acteurs d’initiatives éditoriales et des experts en collections numériques pour leur offrir un espace de discussion pour débattre ensemble des aspects organisationnels, socio-économiques et techniques de la diffusion, de la publication et de la réutilisation de collections numériques complexes[2].

2017 IFLA satellite à Berlin

Dans le cadre de la section IFLA consacré aux bibliothèques universitaires (Academic Libraries), le groupe Digital collections va porter ses actions, résultats et recommandations à la connaissance d’un public international, et manifester l’activité spécifique à LIBER sur ces questions.

En attendant la publication du programme de ce satellite meeting de l’IFLA 2017, qui interviendra début 2017, le fichier préparatoire de l’événement est accessible librement sur Internet.

Interview d’Andreas Degkwitz, directeur de la bibliothèque de l’université Humboldt de Berlin et président du groupe Digital collections de LIBER

Andreas Degkwitz est l’actuel directeur de la bibliothèque de l’université Humboldt à Berlin. Il préside le très actif groupe de travail Digital collections de LIBER, la Ligue des bibliothèques européennes de recherche.

Pour retrouver l’ensemble de ses publications, vous pouvez consulter son profil ORCIID ou son CV institutionnel, ou son profil sur ResearchGate.

Texte alternatif pour l'image
Photo : Andreas Degkwitz by Matthias Heyde

Professeur Degkwitz, vous présidez le groupe de travail LIBER Digital collections, qui est rattaché au Comité (Steering Committee) Reshaping the Research Library. Ce groupe concentre actuellement ses efforts de réflexion, publication et présentations sur les périodiques électroniques. Pourquoi avoir choisi ce type de document ?

Les périodiques sont des ressources essentielles pour les projets de recherche et d’études en Histoire. Le groupe de travail se concentre en particulier sur les périodiques dont le contenu est soumis au droit d’auteur / copyright : ils représenten, de même que l’ensemble des documents académiques protégés par copyright, un défi particulier en termes de développement et de gestion des collections.

 

Quel est l’intérêt de travailler sur ces supports au niveau européen, plutôt qu’à des niveaux nationaux ou au niveau mondial ?

A notre ère numérique, la mission traditionnelle de constitution de collections des bibliothèques se trouve concurrencée par la gestion d’importants volumes d’abonnements à des bases de données, livres et revues électroniques. Ce ne sont plus des biens possédés par les bibliothèques, lesquelles ont désormais pour vocation de fournir uniquement des accès à ces documents sous licence.

Les questions d’héritage culturel se posent aussi bien pour les documents académiques actuels que pour ceux libres de droits des époques précédentes. Il relève de la responsabilité des bibliothèques de recherche d’assurer la préservation de ces ressources sur le long terme et de prévoir également les moyens de leur réutilisation. LIBER regroupe les bibliothèques de recherche européennes, et leur donne la possibilité de relever ces défis de manière coopérative, afin d’établir la jonction entre les niveaux nationaux et internationaux.

 

Pensez-vous que le Brexit aura un impact important en Europe sur les questions de copyright et sur les licences d’abonnement des collections électroniques, en particulier les revues – et pourquoi ?

Non, le Brexit ne devrait avoir pas avoir d’impact particulier sur la situation actuelle. En revanche, nous risquons de perdre un partenaire essentiel dans nos efforts visant à faire évoluer la règlementation en matière de copyright dans le périmètre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

 

Le groupe de travail Digital collections de LIBER travaille actuellement sur les périodiques : sur quoi vous pencherez-vous par la suite ? Allez-vous « abandonner » la question des périodiques pour vous attacher à un autre sujet ?

Nous n’allons en aucune façon cesser de nous intéresser aux périodiques. Au contraire, nous allons élargir notre champ de travail pour considérer à la fois les périodiques et d’autres types de documents numériques : la documentation sous licence d’abonnement, les éléments numérisés de l’héritage culturel, les publications en Open Access, les données de la recherche, etc. Nous travaillerons aussi bien sur les aspects liés au copyright que sur les questions de propriété, d’accessibilité et de présentation de ces sources, l’interopérabilité des métadonnées, et l’enrichissement par les usagers de ces collections. C’est un spectre d’activité très large. Le groupe de travail se propose de partir de cette base pour, d’une part, véritablement présenter des cas d’école et mettre en avant de bonnes pratiques et, d’autre part, expliquer et débattre de la diversité des approches, méthodes et pratiques normées avec des partenaires comme DARIAH-EU, avec lesquels nous entretenons une collaboration très étroite.

 

Quel est le principal conseil que vous donneriez afin de promouvoir les principes de l’Open Access et de la maîtrise de l’information ?

Les bibliothèques de recherche sont en situation de comprendre qu’à notre époque, leur mission s’étend bien au-delà de la mise à disposition ou de l’échange de sources documentaires académiques. Nous devons développer de toute urgence notre offre de services électroniques à destination du monde de la recherche et de l’enseignement. Ceci implique de fermer nos collections, de créer des accès et d’assurer l’interopérabilité de nos ressources. Nous devons également nous tenir prêts à intégrer les modèles de la science ouverte (open science). Considérons l’importance du rôle joué par les bibliothèques de recherche dans ces domaines : les humanités numériques (Digital Humanities) offrent de parfaites opportunités pour développer leurs collections et réfléchir à leurs missions à venir. En d’autres termes, il faut repenser les bibliothèques de recherche[3] !

 

[1] Voir également sur l’actualité LIBER le compte-rendu http://bbf.enssib.fr/tour-d-horizon/liber-congres-2016_66979

[2] Le programme et les retours sur l’atelier sont accessibles depuis http://libereurope.eu/committees/reshaping/working-group-on-digital-collections/liber-digital-collections/. Un document récapitulatif est également disponible : http://libereurope.eu/wp-content/uploads/2016/07/digcoll-poster_ELPUB2016_DINA3_160630.pdf

[3] Reshaping the Research Library est le nom du Comité LIBER dont fait partie le groupe Digital collections que préside le Pr. Andreas Degkwitz.

Désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques en RDC

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Notre enquête porte de façon générale sur la culture, mais se limite à la lecture publique. Pour ce faire, nous étudions la fréquentation des usagers dans les dépôts du savoir humain sous l’intitulé « la désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques en République Démocratique du Congo (RDC) : Cas de la bibliothèque spécialisée du Bureau de la Représentation de l’Organisation Mondiale de la Santé à Kinshasa ». Nous menons cette étude dans le contexte de la communication documentaire pour mieux appréhender le fait.

Nous avons observé, durant une longue période, dans nos rapports et évaluations semi-annuelles, qu’il y a un déséquilibre dans la fréquentation des usagers au sein de notre bibliothèque. C’est donc ce phénomène de désaffection que nous cherchons à mieux appréhender ici.

Nous avons utilisé l’approche comparative qui nous a permis de décrire, d’analyser, d’interpréter et de mieux comprendre le fait observé et étudié afin de pouvoir proposer des solutions.

PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE ET CONSTRUCTION DE L’HYPOTHÈSE

Nous vérifions au travers de cette étude l’hypothèse selon laquelle les professionnels de la santé en RDC ne lisent pas. Celle-ci est récurrente dans plusieurs débats culturels et scientifiques. D’abord, MUKALA KADIMA-NZUJI[1] dit que les africains ne lisent pas. Ensuite, Alcino DA COSTA[2] singularise le postulat que « les journalistes Africains ne lisent pas, ne se documentent pas… ». Puis  Olivier BARLET[3] ajoute à cette thèse que les Africains (même s’ils sont lettrés) ne lisent pas les sous-titres. Et en dernier lieu, DEE LEE[4] conclut que les noirs ne lisent pas et resterons toujours des esclaves. Au vu de ce qui précède, nous avons pensé qu’il est important d’examiner cette hypothèse par secteur. Dans le cas échéant, il s’agit du domaine de la santé. Car ce postulat soulève quelques préoccupations liées à l’expertise de soins, à la veille informationnelle, à la formation continue et à l’affermissement du savoir acquis sur les bancs de l’école.

Etant donné que les professionnels de santé ne s’adonnent pas à la lecture continue, il y a lieu de se poser quelques questions. Pourquoi ne fréquentent-ils pas les bibliothèques ? Pourquoi ne s’adonnent-ils pas à la lecture continue ?  Quelle est la nature des soins qu’ils administrent ? Par quel mécanisme sont-ils informés des innovations et des changements pratiques qui s’opèrent dans leur domaine ? Le fait de travailler longtemps sans se  cultiver contribue-t-il à se forger une expérience ou un savoir-faire pratique, théorique et professionnel ?

La réponse aux préoccupations soulevées ci-dessus devrait nous conduire non pas seulement à confirmer ou infirmer notre hypothèse de travail, mais également nous aider à démontrer, expliquer et comprendre les conséquences directes liées au fait décrié. Mais, bien avant cela, rappelons certains concepts opérationnels utiles à la compréhension du débat.

CADRE CONCEPTUEL

Il y a quatre concepts opérationnels à définir dans cet exercice, en l’occurrence la bibliothèque, la bibliométrie, la bibliologie et la lecture.

BIBLIOTHÈQUE

Rappelons d’abord que la mission première de toute bibliothèque, qu’elle soit matérielle ou numérique est de fournir les renseignements dont le lectorat a besoin : recherche, enseignement, information, formation, etc.

Sur le plan étymologique et selon LE ROBERT[5], le mot bibliothèque tire son origine vers 1493, du latin bibliotheca, du grec bibliothêkê avec biblion, ‘livre’ et ‘thêkê’ = ‘coffre’, lieu de dépôt (armoire, casier, rayon, rayonnage). Annie KUPIEC[6]  précise que le mot bibliothèque est apparu en Grèce pour désigner le coffret des livres, et par extension le lieu de dépôt où les livres sont conservés.

Pour l’UNESCO[7], peut être considérée comme bibliothèque, quelle que soit sa dénomination : « toute collection organisée de livres et de périodiques imprimés ou tous les autres documents, notamment  graphiques et audiovisuels, ainsi que les services du personnel chargés de faciliter l’utilisation de ces documents par les usagers à des fins d’information, de recherche, d’éducation ou de récréation ».

Le concept a beaucoup évolué depuis sa création et son institutionnalisation, des tablettes d’argiles jusqu’au numérique. Les bibliothèques sont soit des établissements à part entière, soit des services faisant partie d’un autre établissement. Certaines sont en libres accès et d’autres en accès indirect et restreint. Certaines encore sont gérées par des pouvoirs publics et d’autres par des tiers.

BIBLIOMÉTRIE

Pour Jean-Max NOYER[8] la bibliométrie est l’ensemble des méthodes et des techniques de type mathématiques, statistiques, susceptibles d’aider à la gestion des bibliothèques et, d’une manière très générale, des divers organismes ayant à traiter l’information. Il faut dire aussi qu’on ne doit pas seulement se limiter à la gestion des dépôts du savoir, mais s’ouvrir aussi et surtout à l’interprétation et l’explication des phénomènes quantifiables observés sur le terrain. Dans ce sens cette explication prend une orientation bibliologique.

BIBLIOLOGIE

Bibliologie peut être définie de plusieurs manières. Gabriel PEIGNOT[9] en premier lieu la considère comme une science qui embrasse l’universalité des connaissances humaines, notamment l’origine, l’histoire, la division, la classification et la conservation.  Paul OTLET[10] la définit ensuite comme science et technique générale du document, c’est-à-dire l’art d’écrire, de publier et de diffuser les données de la science. Pour cette raison, elle devient une science autonome, de toutes les connaissances théoriques et pratiques relatives au livre. En outre, le Centre national de recherches textuelles et lexicales (CNRTL)[11] voit la bibliologie comme la science de l’histoire et de la composition matérielle du livre. Et en dernier lieu, Robert ESTIVALS[12], la considère comme l’étude scientifique de l’écrit et de la communication écrite. Pour notre part, nous pouvons considérer la bibliologie comme étant une investigation de l’ensemble des phénomènes mesurables et quantifiables qui se produisent tout autour de l’écrit, notamment la création, la reproduction, la distribution et la consommation, ou la lecture. 

LECTURE

Le ROBERT[13] définit la lecture comme l’action matérielle de lire, de déchiffrer ce qui est écrit, de prendre connaissance du contenu d’un écrit. Ainsi, on lit bien sûr avec l’intention d’apprendre d’avantage, d’augmenter et de parfaire ses connaissances, de maîtriser mieux les connaissances acquises et de s’améliorer dans la vie pratique, pour mieux faire et mieux servir dans le domaine de la santé par exemple pour administrer des soins appropriés et adéquats.

Après avoir parcouru les concepts opérationnels clés, disons maintenant un mot sur la lecture dans la spécificité qui nous concerne.

REVUE DE LA LITTÉRATURE

Il existe plusieurs phénomènes interrogeables dans les dépôts du savoir. Les faits examinés dans les bibliothèques des pays du nord se distinguent de ceux du sud. En effet dans les établissements du nord, plusieurs fais quantifiables et mesurables sont expliqués. Claude POISSENOT[14] parle en premier lieu  du parallélisme entre la fréquentation et la pratique de la lecture publique en France. En second lieu Bruno MARESCA[15] argumente sur la mesure de l’audience, de la mutation liée aux technologies de l’information et de la communication et de la création des archives ouvertes. Enfin, Christophe EVANS[16] oriente sa vision sur les enquêtes et les explications de nature sociologiques, culturelles, économiques et technologiques liées à la lecture et la fréquentation des bibliothèques.

Dans notre pays, il existe une littérature qui tente d’examiner et d’expliquer les faits  afférents à la lecture publique. Selon les données en notre possession, les écrits sur ce sujet se caractérisent par trois faits remarquables : les projets de création des bibliothèques pour encourager la lecture publique, l’élaboration des états des lieux de ces dernières et les déclarations sur la fréquentation de certaines bibliothèques. Nous prenons en compte quelques écrits congolais les plus récents sur la question.

En ce qui concerne la mise au point des projets, Christine DIALUNDAMA SUAMUNU[17] explique que le pays manque de bibliothèques scolaires avec des fonds documentaires intéressants, des livres adaptés aux usagers, d’activités d’initiation à la lecture ainsi que de personnel qualifié. Dominique AUZIAS et Jean Paul LABOURDETTE[18] pensent à la création d’un Centre de lecture et d’animation culturelle pour faciliter la lecture publique à Kindu. Bob BOBUTAKA BATEKO[19] démontre les efforts conjugués par la Banque Mondiale en créant un Centre d’Information pour développer et encourager la lecture publique en République Démocratique du Congo. Yves YUAN[20] insiste sur les dispositions prise par le Gouvernement français pour mettre sur pied des bibliothèques et centres de documentation afin de soutenir la lecture publique, pratiquement absente. Et enfin Eddie TAMBWE KITENGE BIN KITIKO[21] fait allusion aux différentes techniques destinées à l’analyse et à l’interprétation des situations qu’on observe dans les bibliothèques en RDC.

En dehors des orientations liées à la création des bibliothèques pour encourager la lecture publique, d’autres écrits décrivant les états des lieux des projets de bibliothèques créés sont disponibles. Illustrons le cas le plus récent de Christophe DE CASSIOU-HAURIE et Jacques HELLEMANS[22] qui élaborent le bilan de la situation des bibliothèques en RDC. Leurs explications se limitent à l’état des lieux de la typologie de bibliothèques congolaises, à la question de la conservation des fonds, du statut de la formation et du profil des bibliothécaires.

Enfin, il y a très peu de recherches systématiques menées sur la fréquentation des bibliothèques. Toutefois, Jean Pierre MANUANA NSEKA[23] et  Georges MULUMBA KALONGA[24] donnent des illustrations de leurs bibliothèques respectives. Leurs argumentaires consistent à lever l’équivoque selon lequel les congolais ne lisent pas.

D’une part Georges MULUMBA KALONGA[25], dans l’interview accordée à Radio Okapi, affirme que la consultation du livre traditionnel a un avenir rassurant au vu de la quantité de cartes d’abonnement qu’il signe. Toutefois, cette déclaration n’explique pas et ne catégorise pas non plus le lectorat. Nous pensons bien qu’une investigation en ce sens demeure utile pour lever définitivement l’équivoque.

D’autre part, Jean Pierre MANUANA NSEKA[26] tente également de rejeter la thèse et de lever l’équivoque sur les débats autour de la lecture. Par l’intermédiaire des données sur les usagers de sa bibliothèque, il confirme que les congolais lisent. Toutefois, ces données ne sont pas analysées par une publication systématique, pour dégager les tendances sur les catégories du lectorat.

Ce qui est aussi curieux pour Jean Pierre MANUNA NSEKA[27], c’est qu’il conseille, suggère et propose des actions pédagogiques pouvant aider à la création de types de bibliothèques (familiale, scolaire, municipale, universitaire) pour encourager tout le monde à la lecture. Il n’aborde pas systématiquement les faits quantifiables, notamment les acquisitions, les collections, la connectivité, les usagers, etc.

Pour conclure cette partie, il faut noter que la RDC est encore à l’étape de la consolidation des efforts pour créer des bibliothèques afin de cultiver et encourager la lecture publique. Nous n’avons pas trouvé d’écrits systématiques qui analysent, catégorisent et classifient la fréquentation des usagers. Par contre, il existe des déclarations sur la fréquentation des usagers. Donc, le champ d’action est encore inexploité. Pourtant, plusieurs faits mesurables et quantifiables peuvent être examinés au sein des bibliothèques, notamment les collections, les acquisitions, les personnels et les usagers tels que le précise Claude POISSENOT[28].

Notre exercice ne s’applique pas aux projets liés à la création des bibliothèques, ni à l’élaboration des états des lieux de ces dernières. Il porte sur l’analyse et l’interprétation des données liées aux usagers de la bibliothèque. C’est pour cette raison que nous avons intitulé cet article « la désaffection des professionnels de la santé dans la bibliothèque du Bureau de la Représentation de l’Organisation Mondiale de la Santé à Kinshasa ». La question de la satisfaction des usagers dans les bibliothèques constituerait une réflexion ultérieure.

OBJECTIF À ATTEINDRE

Notre investigation comporte trois objectifs à atteindre :

  • décrire, analyser et interpréter les renseignements sur la fréquentation au sein de la bibliothèque de la Représentation de l’OMS en RDC ;
  • démontrer si oui ou non il y a désaffection des professionnels de santé dans ladite bibliothèque ;
  • confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle les professionnels de santé en RDC ne lisent pas.

DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Notre investigation se limite aux usagers de la bibliothèque du Bureau de la Représentation de l’Organisation mondiale de la santé à Kinshasa.  Elle couvre une période de deux ans, soit de janvier 2014 à décembre 2015.

L’analyse documentaire a été le leitmotiv de notre démarche. Cette approche a été renforcée par les méthodes bibliométriques et quantitatives. La bibliométrie nous a aidés à interpréter les données recueillies. La méthode quantitative nous a permis de récolter des données susceptibles d’être analysées et interprétées. L’analyse de cet échantillon nous a aidés à tester l’hypothèse de recherche tout en établissant des relations de causalité.

 RÉSULTATS

Rappelons d’abord avec F. PARENT[29] et al. qu’il y a plus de 350 écoles des Instituts de Techniques Médicales et plus de 30 Institutions d’enseignement supérieur en Techniques médicales au pays. De plus, les enquêtes que nous avons menées dans le cadre d’AHILA[30] attestent que Kinshasa renferme plus de 100 institutions universitaires et hospitalières  n’ayant pas de bibliothèques.

A partir de nos différents répertoires d’entrées utilisateurs pour la période allant de janvier 2014 à décembre 2015, notre échantillon est constitué de 1365 abonnés toutes catégories confondues. Le tableau ci-dessous nous donne le profil de notre lectorat.

Texte alternatif pour l'image
Tableau synoptique des abonnés de la bibliothèque de l’OMS/Kinshasa de 2014-2015

Source : Répertoires quotidiens d’accueils des usagers

Dans le présent tableau, il y a trois catégories de lecteurs :les chercheurs, les professionnels de la santé et les autres catégories de lecteurs.

  • Chercheur : 1217 : le corpus est constitué d’élèves et étudiants de troisième graduat, de deuxième licence et de troisième cycle, ainsi que d’enseignants universitaires.
  • Les professionnels de santé sont divisés en deux groupes : les médecins (60) et les infirmiers (18) formés, qui travaillent au sein des institutions hospitalières du pays.
  • Les autres catégories sont constituées d’étudiants journalistes, juristes, économistes, etc. (70)

En termes de pourcentage, les données du tableau illustrent la tendance. Pour la distribution des usagers, nous avons utilisé la formule de la règle de trois. 1365/1365 X 100 = 100% des usagers. Les chercheurs représentent 1217 personnes sur 1365 usagers, ce qui nous donne donc les résultats suivants : 1217/1365 X 100 = 89,16% d’usagers. Cette catégorie d’usagers occupe la part la plus importante de notre échantillon.

La deuxième catégorie est représentée par les autres usagers, dont le nombre est de 70 sur 1365 usagers. Cela nous conduit à 70/1365 X 100 = 5, 13% d’usagers.

La dernière est divisée en deux groupes : les médecins et les infirmiers. Le premier s’élève à 60 abonnés pour deux ans sur 1365 usagers, soit 4,39 % du public. Et le deuxième est le plus faible, il est de 18 sur 1365 usagers pour deux ans, soit 1,32% d’usagers, donc cette catégorie couvre 5, 71% d’usagers.

Ainsi, pour mieux comprendre et appréhender le phénomène examiné, il est important d’établir un rapprochement entre les résultats obtenus et notre hypothèse.

DISCUSSION

Elle sera basée sur un rapprochement entre le phénomène observé de la désaffection de ces derniers par les professionnels de la santé, l’hypothèse émise, et les résultats d’enquêtes obtenus. Les typologies décrites par Claudine GARCIA-DEBANC[31] ne feront pas l’objet de la discussion. Rappelons d’abord les fondamentaux de la lecture continue.

La lecture continue cultive, informe et forme le lecteur. Elle s’effectue dans les dépôts du savoir humain, et informe des découvertes, des innovations et des changements dans la discipline. Elle permet d’être au fait de l’évolution théorique et pratique de sa discipline.

Les résultats obtenus par dépouillement de notre échantillon concernant la désaffection des professionnels de la santé sont éloquents. Les faits en rapport avec cette désaffection sont aussi paradoxaux que surprenants. Il faut noter d’abord que la capitale renferme plus de 22 institutions médicales et paramédicales universitaires. Ces dernières paraissent les plus attrayantes et saturées. Le nombre d’étudiants qui s’engagent dans le parcours est trop élevé. Trouver une place assise répondant aux normes classiques de fonctionnement d’un auditoire est une chance exceptionnelle. Pour assister aux cours, les étudiants montent sur les fenêtres, s’assoient à même le sol ou restent debout dans une chaleur accablante et étouffante. Les infrastructures d’accueil sont sous-proportionnées.

Il existe également un autre fait surprenant : les formations hospitalières (tant publiques que privées) qui emploient un grand nombre de professionnels de la santé, sont évaluées au-delà de 100 pour la seule ville de Kinshasa. Aucune d’elles ne dispose d’une bibliothèque actualisée. Au vu de ce qui précède, la question que l’on se pose est la suivante : où et de quelle manière les professionnels de la santé se documentent-ils ?

En ramenant cette question à nos données concernant les fréquentations, la réalité est tout à fait surprenante. Nous nous sommes rendus compte que les professionnels de la santé formés et en fonction viennent rarement à la bibliothèque. Pour une période de deux ans, de janvier 2014 à décembre 2015, nos répertoires ont démontré que la bibliothèque est plus fréquentée par les chercheurs que par les professionnels de la santé  en exercice.

En effet, en appliquant les calculs de proportionnalité, nous obtenons les déductions suivantes.  Sur un total de 1365 abonnés pour deux ans, les chercheurs représentent 89,16%. Tandis que les professionnels de la santé qui travaillent (toutes catégories confondues : médecins, infirmiers, laborantins, environnementalistes, biologistes, etc.) ne représentent que 5,71 % seulement du lectorat.

Si nous interprétons les chiffres des abonnements des professionnels de la santé au sein de notre bibliothèque, nous nous rendons compte que nous recevons un seul abonné professionnel sur 10 jours ouvrables. Si nous considérons que nous avons 250 jours ouvrables par an (ce qui revient à 500 jours sur deux ans) nous obtenons environ 0,2 usager par jour, soit moins d’un seul abonné professionnel sur 5 jours ouvrables par semaine.  Ainsi, si nous appliquons la même logique aux abonnés chercheurs, nous obtenons 2,5. Si les chercheurs représentent 89,16 %, les professionnels de la santé qui travaillent ne représentent que 5,71 %.

Tel est le constat dressé au sein de la bibliothèque spécialisée en médecine du Bureau de la Représentation de l’organisation mondiale de la santé installé à Kinshasa. C’est au vu de cette observation que nous avons émis l’hypothèse selon laquelle « les professionnels de santé en RDC ne lisent pas ». Et effectivement, les résultats discutés ci-dessus confirment cette hypothèse.

Or, le domaine de la santé innove constamment sur le plan théorique, pratique et technique. En outre, les professionnels de santé rencontrent des cas nouveaux, variés et complexes. La solution à tous ces cas réside dans la recherche publiée dans des supports d’information conservés dans la bibliothèque. Celui qui n’accède pas à la bibliothèque ne peut donc pas se mettre à la page et reste ignorant de toute innovation ou de changement éventuel lié à son domaine.

Pour ce faire, la bibliothèque joue deux rôles différents pour les deux catégories de lecteurs. Pour la première, elle sert à soutenir son enseignement, sa formation, ses recherches et accompagner un travail universitaire. Dans ces conditions, nous parlons de la lecture obligée et circonstancielle liée aux besoins d’obtention des diplômes. Et pour la deuxième, elle est utilisée comme source de formation continue, d’affermissement, de la veille informationnelle et de la remise à niveau. Cette adaptation devrait correspondre à l’évolution du savoir et aux changements pratiques probables. Elle doit rester permanente et obligatoire

Nous venons donc de démontrer que les professionnels de la santé en fonction se désintéressent de la bibliothèque. Ils ne lisent pas. Or, nous vivons dans un monde marqué par une évolution perpétuelle et des changements permanents. Le domaine médical n’est pas resté immobile. C’est d’ailleurs là où le dynamisme scientifique est très important.

Fréquenter la bibliothèque permet d’accéder aux revues scientifiques et à la documentation actualisée,  et ainsi d’être au courant de toute évolution.

 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La lecture est une activité intellectuelle cruciale et obligatoire pour tout professionnel. Elle le met à l’abri de l’ignorance, actualise son savoir-faire par rapport à l’évolution scientifique de son domaine et le rend compétitif et performant.

Notre enquête a porté sur le constat de la désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques. Ce phénomène a attiré notre curiosité et nous a obligés à réfléchir sur la question afin de proposer des solutions.

Pour résoudre cette question, il serait utile que les institutions hospitalières :

se dotent de bibliothèques actualisées et d’un personnel qualifié et formé ;
réinstaurent obligatoires les activités des journées scientifiques hebdomadaires destinées à analyser, à présenter et à discuter de divers cas, et ce pour chaque catégorie de professionnels de la santé. Cela obligerait les professionnels à retourner à la bibliothèque.

Notre hypothèse est confirmée. Les professionnels de la santé en RDC ne lisent pas. La pratique du savoir acquise au banc de l’école demeure lacunaire. Et cela a des effets directs et des répercussions sur l’administration des soins de santé.

Pour la continuité de la science et pour avoir une vision globale des faits décrits dans cet article, une autre réflexion s’avère utile. Elle devra être menée pour recueillir les avis et considérations des populations concernées quant à leur degré de satisfaction de la qualité des soins dispensés par les professionnels de la santé.

 

[1] MUKALA KADIMA-NZUJI. Paroles et musique : pérennité du lien, dans : Notre librairie, 154, 2004, 17-19, p. 17

[2] Alcino DA COSTA cité par Antoine CHAR. La guerre mondiale de l’information [en ligne]. Québec, Presses de l’Université du Québec, 1999 [Consulté le 13/04/2016], p. 39. Disponible : http : http://books.google.fr/booksIsbn ?=276051627X

[3] Olivier BARLET, cité par Alpha Ousmane BARRY (Ed.). Discours d’Afrique. Volume 1 : pour une rhétorique des identités postcoloniales d’Afrique subsaharienne : Extrait des actes du colloque international à l’IUFM Fort-Griffon de Besançon, les 29, 30 et 31 mars 2007 [en ligne]. Paris : Presses Universitaires de  Franche-Comté, 2009 [consulté le 14/05/2016], p. 309. Disponible : http://boobs.google.fr/books?isbn=2848672676

[4] DEE LEE cité par Emmanuel EKA MENGUE. Et les tyrans s’accrochaient au pouvoir : Roman. Paris : EKA MENGUE, 2015. [Consulté le 11/04/2016], p. 14. Disponible : http://books.google.fr/books?isbn=1326113496.

[5]LE ROBERT. Bibliothèque. In Le Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française : texte remanié et amplifié sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey. Nouvelle édition de Paul Robert. Paris : Le Robert, 2011 p. 248. (Collection : Nouveau Petit Robert). ISBN : 978-2-84902-766-0.

[6]Annie KUPIEC (Dir.). Bibliothèque et évolution. Paris : Cercle de la librairie, 1994 p.9. (Collection bibliothèque). ISBN : 2-7654-2549-2.

[7]UNESCO. Acte de la seizième conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie à Paris du 12 octobre au 14 novembre 1970 [en ligne].  Consulté le 15/03/2015. Disponible : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13086&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

[8] Jean-Max NOYER. Les sciences de l’information : Scientométrie, infométrie : pourquoi nous intéressent-elles ? [en ligne]. in : Solaris, n° 2, Presses Universitaires de Rennes, 1995. Disponible : http://gabriel.gallezot.free.fr/ solaris/d02/2noyer_1.html

[9] Gabriel PEIGNOT. Dictionnaire raisonné de bibliologie. Tome premier [en ligne]. Paris : Viller, 1802 [consulté le 12/03/2016], p.viii. Disponible : http://bookd.google.fr/books?id=2DoT9yXS-RwC.

[10] Paul OTLET. Traité de documentation. Le livre sur le livre : théorie et pratique [en ligne]. Bruxelles : Mondanium, 1935 [Consulté le 15/05/2013]. Disponible : https://archive.org/details/OtletTraitDocumentation ugent.

[11] CENTRE NATIONAL DE RECHERCHES TEXTUELLES ET LEXICALES (CNRTL).  Bibliologie [en ligne]. In : Ortolang : outils et ressources pour le traitement optimisé de la langue. Mise en ligne 2012 [consulté le 16/04/2016]. Disponible : http://www.cnrtl.fr/definition/bibliologie.

[12] Robert ESTIVALS (Dir). La bibliologie scientifique appliquée[en ligne]. Paris : L’Harmattan, 2009[Consulté le 13/04/2013], p 22. (Collection : Recherches en bibliologie). Disponible : https://books.google.fr/books?isbn= 2296215521.  

[13] ROBERT. Lecture. Op cit. p. 248.

[14] Claude POISSENOT. La fréquentation en question [en ligne]. In : bbf. 2010 [consulté le 12/4/2016]. 67 T. 55. N° 5. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0067-013.pdf.

[15] Bruno MARESCA. Les enquêtes de fréquentation des bibliothèques publiques : a quelle méthodologie s’en remettre ? In : bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0014-003-pdf.

[16]Christophe EVANS et al. Mesurer l’audience des bibliothèques municipales : statistiques institutionnelles et enquêtes de population [en ligne]. In bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0020--004.pdf.

[17] Christine DIALUNDAMA SUAMUNU. Le projet SESAM et les bibliothèques scolaires en RDC. In : IFLA 2012 Helsinki. 160 – surprising library  - Public libraries, libraries for children and young Adults and School libraries and Resource Centers, Proceedings of 78 conference on [en ligne]. Consulté le 15/05/2016. 11 p. Disponible : www.ifla.org/post-wlic/2012/160-suamunu-fr.pdf.

[18] Dominique AUZIAS et Jean Paul LABOURDETTE. Congo RDC 2015 (avec cartes, photos plus accès des lecteurs) [en ligne]. Paris : Petit Fute, 2015 [consulté le 25/05/2016]. Disponible : http://books.google.fr/books?isbn=2746987201.

[19] Bob BOBUTAKA BATEKO. Ecrit, information et communication en République Démocratique du Congo : essai de bibliologie. Paris : Harmattan RDC, 2009, p. 183.

[20] Yves YUAN. Comment développer la lecture publique en RDC [enligne]. Communication [consulté le 14/04/2016]. Disponible : http://www.ulb.ac.be/colloques/2005-abadom/fulltext/oo.pdf.

[21] Eddie TAMBWE KITENGE BIN KITOKO. Recherches sur l’écrit (au Congo-Kinshasa) : essai de bibliologie. Paris : L’Harmattan, 2004, p 43. (252 p.) (Recherche en bibliologie).

[22] Christophe DE CARSSIOU-HAURIE et Jacques HELLEMANS (Dirs). Les bibliothèques congolaises : états des lieux [en ligne]. Paris : Harmattan, 2008 [consulté le 14/03/2016]. Disponible : http://www.youscribe.com/ catalogue/livre/education/les-bibliotheques-congolaises-etat-des-lieux-165159.

[23] Jean Pierre MANUANA NSEKA. Pour une culture de bibliothèque et de la lecture en RDC. In : Livres de la RDC [en ligne]. Mise en linge Samedi 9 octobre 2010 [consulté le 15/04/2016]. Disponible : http://livres-rdc-logspot.com/2010/10/pour-une-culture-de-bibliothèque-et -de-html.

[24] Georges MULUMBA KALONGA. Culture, actualité/livre, bibliothèque. RDC : l’avenir du livre est rassurant, diffusée le 23/04/2016 à 08 h 51. Radio Okapi.

[25] Georges MULUMBA KALUNGA. Op cit.

[26] Jean Pierre MANUANA NSEKA. Op cit.

[27] Ibdem

[28] Claude POISSENOT. Op cit.

[29] F. PARENT et al. Référentiel de compétences infirmiers en RD du Congo dans le cadre du renforcement des ressources humaine en santé. In : Santé Publique 2006[consulté le 13/05/2016]/3 (vol. 18), p. 459-473. Disponible : doi10.3917/spub. 063.0459

[30] AHILA : Association for Health Information and Leaders in Africa

[31] Claudine GARCIA-DEBANC. Dialectique de la lecture : regards croisés [en ligne]. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 1996 [consulté le 12/04/2015], p. 105. (Collection : Question d’éducation). Disponible : https://books.google.fr/books?isbn=2858162700

 

BIBLIOGRAPHIE

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2. BARLET, Olivier cité par BARRY,  Alpha Ousmane (Ed.). Discours d’Afrique. Volume 1 : pour une rhétorique des identités postcoloniales d’Afrique subsaharienne : Extrait des actes du colloque international à l’IUFM Fort-Griffon de Besançon, du 29-31/03 2007 [en ligne]. Paris : Presses Universitaires de  Franche-Comté, 2009 [consulté le 14/05/2016]. Disponible : http://boobs.google.fr/books?isbn=2848672676

3. BOBUTAKA BATEKO, Bob. Ecrit, information et communication en République Démocratique du Congo : essai de bibliologie. Paris : Harmattan RDC, 2009.

4. CENTRE NATIONAL DE RECHERCHES TEXTUELLES ET LEXICALES (CNRTL).  Bibliologie [en ligne]. In : Ortolang : outils et ressources pour le traitement optimisé de la langue. Mise en ligne 2012 [consulté le 16/04/2016]. Disponible : http://www.cnrtl.fr/definition/bibliologie.

5. DA COSTA, Alcino cité par CHAR, Antoine. La guerre mondiale de l’information [en ligne].  Québec, Presses de l’Université du Québec, 1999 [Consulté le 13/04/2016], p. 39.  Disponible : http://books.google.fr/booksisbn?=276051627X.

6. DE CARSSIOU-HAURIE, Christophe et HELLEMANS, Jacques (Dirs). Les bibliothèques congolaises : états des lieux [en ligne]. Paris : Harmattan, 2008 [consulté le 14/03/2016]. Disponible : http://www.youscribe.com/catalogue /livre/ education/les-bibliotheques-congolaises-etat-des-lieux-165159.

7. DEE LEE cité par Emmanuel EKA MENGUE. Et les tyrans s’accrochaient au pouvoir : Roman. Paris : EKA MENGUE, 2015 [Consulté le 11/04/2016]. 178 p. Disponible : https://books.google.fr/books?isbn=1326113496.

8. DIALUNDAMA SUAMUNU, Christine. Le projet SESAM et les bibliothèques scolaires en RDC. In : IFLA 2012 Helsinki. 160 – surprising library  - Public libraries, libraries for children and young Adults and School libraries and Resource Centers, Proceedings of 78 conference on [en ligne]. Consulté le 15/05/2016. 11 p. Disponible : www.ifla.org/post-wlic/2012/160-suamunu-fr.pdf.

9. ESTIVALS, Robert. (Dir). La bibliologie scientifique appliquée[en ligne]. Paris : L’Harmattan, 2009 [Consulté le 13/04/2013]. 337 p. (Collection : Recherches en bibliologie). Disponible : www.ifla.org/post-wlic/2012/160-suamunu-fr.pdf.  

10. EVANS, Christophe et al. Mesurer l’audience des bibliothèques municipales : statistiques  institutionnelles et enquêtes de population [en ligne]. In bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0020--004.pdf.

11. GARCIA-DEBANC, Claudine. Dialectique de la lecture : regards croisés [en ligne]. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 1996 [consulté le 12/04/2015], 233 p. (Collection : Question d’éducation). Disponible : https://books.google.fr/books?isbn=2858162700

12. KUPIEC, Annie (Dir.). Bibliothèque et évolution. Paris : Cercle de la librairie, 1994 p.9. (Collection bibliothèque). ISBN : 2-7654-2549-2.

13. MANUANA NSEKA,  Jean Pierre. Pour une culture de bibliothèque et de la lecture en RDC. In : Livres de la RDC [en ligne]. Mise en linge Samedi 9 octobre 2010 [consulté le 15/04/2016]. Disponible : http://livres-rdc-logspot.com/2010/10/pour-une-culture-de-bibliothèque-et -de-html.

14. MARESCA, Bruno. Les enquêtes de fréquentation des bibliothèques publiques : à quelle  méthodologie s’en remettre ? In : bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0014-003-pdf.

15. MUKALA KADIMA-NZUJI. Paroles et musique : pérennité du lien, dans : Notre librairie, 154, 2004, 17-19, p. 17

16. MULUMBA KALONGA,  Georges. Culture, actualité/livre, bibliothèque. RDC : l’avenir du livre est rassurant, diffusée le 23/04/2016 à 08 h 51. Radio Okapi.

17. NOYER,  Jean-Max. Les sciences de l’information : Scientométrie, infométrie : pourquoi  nous intéressent-elles ? [en ligne]. in : Solaris, n° 2, Presses Universitaires de Rennes, 1995. Disponible : http://gabriel.gallezot.free.fr/solaris/d02/2noyer_1.html

18. OTLET, Paul. Traité de documentation. Le livre sur le livre : théorie et pratique [en ligne]. Bruxelles : Mondanium, 1935 [Consulté le 15/05/2013]. Disponible https://archive.org/details/OtletTrait Documentationugent.

19. PARENT,  F. et al. Référentiel de compétences infirmiers en RD du Congo dans le cadre du  renforcement des ressources humaine en santé. In : Santé Publique 2006 [consulté le 13/05/2016]/3 (vol. 18), p. 459-473. Disponible : doi 10.3917/spub.063.0459

20. PEIGNOT,  Gabriel. Dictionnaire raisonné de bibliologie. Tome premier [en ligne]. Paris : Viller, 1802 [consulté le 12/03/2016], p. viii. Disponible : http://bookd.google.fr/books?id=2DoT9yXS-RwC.

21. POISSENOT, Claude. La fréquentation en question [en ligne]. In : bbf. 2010 [consulté le 12/4/2016]. 67 T. 55. N° 5. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0067-013.pdf.

22. ROBERT. Lecture. In : Le Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française : texte remanié et amplifié sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey. Nouvelle édition de Paul Robert. Paris : Le Robert, 2011 p. 1438-1439. (Collection : Nouveau Petit Robert). ISBN : 978-2-84902-766-0.

23. NTAMBWE KITENGE BIN KITOKO, Eddie. Recherches sur l’écrit (au Congo-Kinshasa) :    essai de bibliologie. Paris : L’Harmattan, 2004. 252 p. (Recherche en bibliologie).

24. UNESCO. Acte de la seizième conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie à Paris du 12 octobre au 14 novembre 1970 [en ligne].  Consulté le 15/03/2015. Disponible : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13086&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

25. YUAN, Yves. Comment développer la lecture publique en RDC [enligne]. Communication [consulté le 14/04/2016]. Disponible : http://www.ulb.ac.be/colloques/2005-abadom/fulltext/oo.pdf.

Le rayon best-sellers des médiathèques Saint-Etienne se porte bien

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En septembre 2015, les médiathèques de Saint-Étienne créaient à Tarentaize un rayon best-sellers[1] afin de mieux mettre en valeur les livres « dont on parle », ceux qui recueillent les faveurs du public. Après un an d'existence, une évaluation de ce nouveau rayon est indispensable.

Ouvert le 17 septembre 2015, le rayon best-sellers permet de valoriser les achats des nouveautés « meilleures ventes ». Ces ouvrages ne sont ni réservables ni prolongeables, donc plus visibles. Basées sur la liste Edistat, les acquisitions ont subi des modifications depuis la création du rayon. Après des débuts un peu chaotiques (critiques du public, réticences du personnel), le rayon a trouvé son rythme de croisière, et connaît toujours un joli succès. Au fil du temps, d'autres ajustements se sont révélés nécessaires, notamment concernant les modalités de retrait des documents du rayon.

De nouveaux critères d'acquisition

En 2016, le budget alloué aux best-sellers a été identique à celui de 2015 : 8 000 euros, avec cette contrainte supplémentaire qu'il fallait maintenir des commandes régulières sur 12 mois et non plus sur 6 mois. Nous avons donc décidé de modifier les critères d'acquisition des best-sellers :

  • aucune commande de mangas, qui posent problème pour la gestion des séries et qui, de plus, ne sont pas énormément empruntés dans ce rayon ;
  • certaines suites de séries de bandes dessinées sont toujours achetées, mais uniquement les plus connues, suivies par les gestionnaires de fonds BD. Les « one shot » sont à privilégier autant que possible ;
  • idem pour les romans jeunesse et adolescents ;
  • aucun achat de manuel scolaire, guide de voyage, livre de poche, ou roman sentimental type « Harlequin » ;
  • un tri plus affiné est fait pour les achats de romans et documentaire adultes : sont achetés en double exemplaires uniquement les « super-best-sellers », ceux qui connaissent une progression à la hausse dans le palmarès d'Edistat, les autres sont achetés en un seul exemplaire. A noter qu'il s'est produit à plusieurs reprises le scénario suivant : un ouvrage placé assez bas dans la liste d'Edistat est acheté en un seul exemplaire, et deux semaines après, ayant gagné de nombreuses places, un second exemplaire est acheté en renfort ;
  • les ouvrages écrits par des hommes politiques ne sont acquis qu'en un seul exemplaire, les essais politiques placés haut dans la liste en deux exemplaires ;
  • afin de suivre au plus près l'actualité éditoriale, le principe d'une commande hebdomadaire est retenu, d'environ dix exemplaires par semaine, hors juillet-août où l'activité éditoriale est moindre, et novembre-décembre en raison des contraintes de fin d'exercice budgétaire ;
  • il a pu arriver qu'une semaine se passe sans commandes vers fin juin-début juillet, car aucun nouveau titre correspondant aux critères n'avait fait son entrée dans la liste Edistat.

Les ouvrages commandés pour le rayon best-sellers bénéficient d'un traitement accéléré dès leur réception : ils sont exemplarisés et équipés en priorité, afin d'être disponibles le plus rapidement possible pour le public. De plus, une chaîne de personnes-relais a été mise en place, afin de maintenir cette réactivité en cas d'absence de l'agent chargé de leur équipement. Les best-sellers sont mis à disposition du public environ deux semaines après leur entrée dans la liste Edistat.

Des modalités de retrait du rayon repensées

Le mois de janvier 2016 a constitué un tournant important dans l'évolution du rayon best-sellers et nous a conduits à revoir totalement les modalités de retrait des documents de ce rayon.

En effet, comme cela avait été décidé à l'origine, nous avons entrepris de retirer les best-sellers qui figuraient dans le rayon depuis plus de trois mois à partir du 15 janvier 2016. Ces exemplaires ont été distribués dans les médiathèques de proximité, selon les desiderata des différents gestionnaires de fonds. En revanche, nous n'avions pas anticipé que, au vu des nouvelles modalités d'acquisition (dix exemplaires par semaine), très peu de nouveautés viendraient regarnir le rayon dépouillé par un retrait massif (plus de 300 documents en une dizaine de jours). Les présentoirs sont donc restés assez vides durant plusieurs semaines. Poursuivre dans cette voie aurait sans doute signé la « mort » de ce rayon à peine né.

Nous avons donc pris la décision de ne plus retirer les best-sellers au bout de trois mois, mais de conserver un « fonds de roulement » permanent d'au minimum 250 exemplaires, afin de maintenir l'attractivité du rayon. Les retraits ne se font plus selon une simple date d'entrée dans le rayon, mais en tenant compte également des ouvrages qui sont le moins empruntés, ce qui nécessite de consacrer plus de temps à cette opération.

Qu'en pense le public ?

Le public avait bien entendu constaté la brutale diminution de l'offre et plusieurs usagers s'en étaient inquiété : allions-nous continuer d'alimenter ce rayon en nouveautés ? Voici bien la preuve que ce rayon a très vite été adopté par les usagers de la médiathèque, et qu'ils y portent une attention soutenue. Par ailleurs, certains usagers avaient déjà émis le souhait (par l'intermédiaire des bulletins d'expression distribués avec les best-sellers) que les ouvrages restent dans le rayon sur une longue période, afin que les lecteurs qui ne viennent à la médiathèque que toutes les trois semaines puissent avoir une chance de mettre la main sur l'ouvrage qui les intéresse.

Le seul bémol reste que, plus un ouvrage reste longtemps dans le rayon best-sellers, plus longue sera la période d'impossibilité de le réserver comme les autres documents des médiathèques, ce qui peut générer quelques frustrations...

En interne...

Une gestion plus fine des achats et des retraits a nécessairement des répercussions :

  • la sélection des acquisitions est devenue chronophage : désormais, la concertation est plus longue entre le gestionnaire du fonds et l'acquéreur, qui aide à préparer la liste hebdomadaire de commandes, pour déterminer en combien d'exemplaires acheter les titres de la liste d'Edistat (1 ou 2), et parfois revenir sur ces choix quelques semaines plus tard, si un titre a connu une progression significative dans la liste.
  • les listes de commandes des best-sellers sont toujours mises à disposition des acquéreurs du réseau, afin qu'ils puissent en tenir compte dans leurs propres acquisitions. Mais il n'est plus possible de prévoir dans quels délais les best-sellers seront retirés du rayon afin d'être redistribués sur le réseau. Il est donc trop tôt pour savoir quelles conséquences cela aura sur les acquisitions.
  • même chose pour les suggestions d'achat : il nous est arrivé de signaler à un usager que sa suggestion ne serait pas honorée car le document demandé figurait déjà dans le rayon best-sellers, et qu'il pourrait le réserver trois mois plus tard. Quelle réponse apporter à ce genre de demande à présent ?

Tous ces points devront bien entendu être évoqués dans les groupes de travail qui élaboreront au cours des prochains mois la future politique documentaire des médiathèques.

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Évolution du rayon et du nombre de prêts entre septembre 2015 et septembre 2016
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Nombre de prêts par type de document du 17 septembre 2015 au 30 septembre 2016
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Type de document

Une initiative qui fait des émules

Suite à la parution de l'article du 4 décembre 2015 sur le rayon best-sellers dans Livres Hebdo, nous avons été contactés par deux bibliothécaires qui souhaitaient mener une réflexion sur la création d'un rayon similaire dans leur médiathèque. Nous avons beaucoup échangé  autour de la démarche et des conditions de mise en œuvre du rayon à Saint-Étienne. Il s’agit de :

  • La médiathèque de Saint-Genis-Laval qui a inauguré son rayon best-sellers en septembre 2016, lequel suscite des réactions positives des usagers.
  • Le rayon « Meilleures ventes » de la médiathèque de Calais qui a ouvert le 7 janvier 2017. Il s'inspire largement de notre expérience, mais avec quelques divergences : par exemple les romans sentimentaux du type « Harlequin » y sont inclus, même s'il ne sont pas nécessairement destinés à rejoindre le fonds général quelques mois plus tard. De plus, la prolongation du prêt est possible pour ces documents, ce qui n'est pas le cas à Saint-Étienne.

Conclusion

Le rayon best-sellers était un pari qui n'avait rien d'évident au départ. Malgré les difficultés d'organisation et les réticences, il a su visiblement combler une attente du public, comme le montrent des chiffres de prêts très satisfaisants. Cette satisfaction du public est d'une importance capitale pour la longévité de ce rayon car, outre un investissement financier non négligeable, il reste d'une gestion complexe et particulièrement chronophage. La réflexion approfondie sur la politique documentaire initiée en septembre 2016 devra déterminer la place à donner à ce rayon dans les années à venir.

Pour aller plus loin...
Lire « Les collections à l'épreuve des emprunteurs » de Claude Poissenot – BBF du 9 juillet 2016

[1] Voir l'article d'Iris Petit, "Plein Feux sur les Best Sellers", Bulletin des bibliothèques de France, n°9, juillet 2016, pp.96-103. Egalement disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2016-09-0096-010

Plaidoyer pour une bibliothèque universitaire sans cotes

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Constatant la perplexité habituelle des étudiants devant les cotes que nous utilisons, nous avons imaginé une bibliothèque qui s’en passerait. Nous espérons – with all due respect – que notre idée n’est pas une antienne régulièrement ressassée et dont le compte a été réglé il y a longtemps …

Le Service Commun de la Documentation de l’université Paris1 Panthéon Sorbonne utilise pour les ouvrages juridiques une version adaptée de la classification de Bordeaux. Mise au point par l’université de Bordeaux et destinée au droit français, c’est une classification alphanumérique (une à deux lettres suivies par deux à trois chiffres, plus dans le cas des subdivisions de forme).
Ainsi, les ouvrages de droit de la famille sont regroupés sous l’indice Ka 1.13. Avec la marque de l’ouvrage (le plus souvent les trois premières lettres du nom de l’auteur et le numéro d’exemplaire), la cote indiquée au dos du livre et au catalogue est donc Ka 1.13 BEN ex 1 pour le premier exemplaire du livre d’Alain BENABENT, Droit de la famille, LGDJ. 2014.

Depuis quelques années, nous regroupons les codes juridiques et les rangeons par ordre de cote, proche de l’ordre alphabétique des titres, et nous constatons que les étudiants perdent néanmoins beaucoup de temps à trouver le code qu’ils cherchent – attirés d’abord par la casse de la cote Ka 1 COD CIV ex 60 ou K bis b COD MON ex 2 plutôt que par le titre Code civil ou Code monétaire et financier.

L’idée nous est donc venue de ne plus coter les codes juridiques et de les ranger par ordre alphabétique de titre. Les dos restent vierges, les étudiants voient immédiatement le nom du titre recherché, trouver et ranger un code devient plus aisé. Nous créons une cote « Codes », qui apparait sous sa forme littérale lors d’une recherche catalographique de code et vient remplacer les indices utilisés précédemment. Nous renonçons à indiquer le numéro d’exemplaire sur le dos, il n’est plus présent que sur la page de titre. Les codes sont plus vite à disposition des étudiants puisque leur équipement se réduit à l’estampillage, l’antivolage et la pose du code à barres. La cote « Codes » faisant partie des données d’exemplaire, nous conservons à l’identique les possibilités de traitement des collections et de recueil de données statistiques offertes par notre SIGB Aleph (dans le cas des codes juridiques, des statistiques globales nous suffisent).

Mais peut-on étendre ceci à toute une bibliothèque de droit, peut-on imaginer une bibliothèque sans cotes ?

L’appliquer aux codes est facile : ce sont des ouvrages aisément reconnaissables (les fameux codes rouges ou bleus), leur titre est clairement porté au dos et sur la couverture.

Nous pouvons faire aisément de même avec les mélanges qui sont chez nous tous regroupés. Quelle est l’utilité de coter Ga (0.82) XXX des ouvrages rangés ensemble par ordre alphabétique du dédicataire ? Ils sont en effet très facilement identifiables par les étudiants et les bibliothécaires puisqu’ils portent toujours en titre Mélanges en l’honneur de ou bien Liber amicorum.

Mais comment se passer des cotes pour tous les autres ouvrages ?

L’idée consiste à ne plus utiliser les 200 indices de notre classification de Bordeaux mais à les remplacer par leur libellé littéral : ainsi, l’ouvrage de Lionel ANDREU, Cours de droit des obligations ne sera plus coté Ka 1.2 AND au catalogue mais « Droit des obligations ». Cette cote littérale n’a pas besoin d’être portée au dos de l’ouvrage puisqu’elle sera identique pour tous les livres de ce thème. Les 90 titres de cette cote seront, comme ils le sont déjà, rangés par ordre alphabétique d’auteur au même endroit qu’auparavant signalé par le libellé « Droit des obligations ».

Si l’absence des cotes ne gêne pas dans le cas des codes et des mélanges immédiatement identifiables, sera-t-il aussi aisé de trouver puis de ranger des manuels, des précis ou des traités juridiques sans cotes ? A l’évidence non pour le rangement, c’est pourquoi nous équipons les ouvrages d’une étiquette reprenant le libellé de leur nouvelle cote littérale (« Droit des obligations » selon notre exemple), étiquette collée sur la couverture en haut à gauche et non au dos. Nos étudiants ou les collègues chargés du rangement savent donc à quel endroit (tablette, travée, épi clairement signalés) ranger l’ouvrage par ordre alphabétique d’auteur. Trouver un livre rangé par ordre alphabétique d’auteur parmi d’autres livres sur le même thème sera aussi simple qu’auparavant : il suffira de lire son titre et son auteur mentionnés au dos … ce que le système actuel avec ses nombreuses cotes semblables impose déjà !

CQFD : Plus d’indices de cotes, ni au dos des ouvrages ni au catalogue, mais des ouvrages toujours rangés par ordre alphabétique d’auteur et selon le plan de classement de notre classification de Bordeaux !

Certes, je ne méconnais pas que le rangement risque d’être un peu plus long – ou plutôt moins automatique – ni qu’un ouvrage mal rangé risque de le demeurer un peu plus longtemps, cependant, quel plaisir de ne plus livrer des colis parallélépipédiques rectangulaires à leur bonne adresse, mais de ranger nos livres avec leur titre, leur auteur et leur thématique…

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